Procédure devant la cour :
Par une requête du 14 avril 2017, et un mémoire complémentaire du 9 mai 2018, Mme B... D...représentée par Me F...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 15 février 2017.
2°) la condamnation de la communauté d'agglomération du Grand Poitiers à lui verser la somme de 44 888,62 euros avec intérêts au taux légal à compter de la requête introductive d'instance du 4 novembre 2014, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral.
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Poitiers la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions indemnitaires ; en effet, elle a été classée à la deuxième place lors de la procédure de recrutement, juste après l'agent dont la décision de recrutement a été annulée par le tribunal administratif par jugement du 5 décembre 2012 ; elle avait donc une chance sérieuse d'obtenir le poste de chargée de mission, en qualité d'attachée territoriale stagiaire ; la décision de recrutement annulée par le tribunal administratif, est fautive et de nature à engager la responsabilité de la communauté d'agglomération ;
- elle a perdu une chance sérieuse d'être recrutée par la communauté d'agglomération, ce qui a entrainé des préjudices dont elle doit obtenir réparation ;
- le tribunal dans son jugement, a considéré que le recrutement ne présentait pas de caractère urgent qui aurait pu justifier le recrutement d'un agent contractuel ; il n'a pas été mentionné d'appel à candidature infructueux, ce qui en vertu de l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984 aurait obligé la collectivité à faire appel à un candidat inscrit sur la liste d'aptitude ; le tribunal a considéré qu'il n'existait aucun motif légal au recrutement d'un agent contractuel au lieu et place d'un agent statutaire ; le poste en question ne prévoyait aucune spécificité justifiant le recours à un candidat non titulaire ;
- si les premiers juges dans le jugement du 15 février 2017, ont considéré qu'elle ne pouvait être regardée comme disposant d'une expérience professionnelle dans le domaine de la promotion de l'insertion par l'emploi dans les marchés publics, ce motif contredit les motifs du jugement du 5 décembre 2012, qui avait considéré qu'elle disposait " de l'expérience professionnelle requise et était inscrite sur la liste d'aptitude des attachés territoriaux depuis 2009 " ; ayant été classée deuxième par la collectivité territoriale, son manque d'expérience ne peut expliquer son non-recrutement ; elle devait, du fait de son placement sur la liste d'aptitude, bénéficier de ce recrutement ; dans la publication du poste, il était indiqué qu'il s'agissait d'un emploi permanent à temps plein, ouvert au grade d'attaché territorial et que le candidat devrait disposer d'une expérience, d'une formation supérieure ; elle est titulaire d'un master 2, a réussi le concours d'attaché territorial, dispose d'une bonne connaissance du secteur d'activité, dès lors qu'elle a été chargée de mission en développement de l'activité et accompagnement du public dans le domaine de l'insertion par l'activité et que la même année, elle a suivi des formations en lien direct avec les formations attendues ; ces éléments déterminent donc les compétences, la légitimité et sa grande motivation pour exercer ce type de fonctions ; si son cursus n'avait pas donné satisfaction, la collectivité n'aurait pas donné suite à sa candidature, le jury ayant écarté trois candidats placés sur la liste des candidats non classés ; le jury n'a pas écarté sa candidature, mais l'a au contraire placée en première position parmi les agents statutaires ; elle avait donc vocation à occuper ce poste ; il existe donc un lien de causalité direct entre le préjudice subi et la décision annulée ;
- elle a, pour ne pas perdre le bénéfice du concours d'attaché territorial, été contrainte d'accepter un poste au conseil régional d'Auvergne, localisé à Aurillac, à compter du 3 janvier 2012, ce qui a du l'éloigner de son conjoint et de sa famille ; sa carrière aurait du débuter le 4 avril 2011, et il existe donc un décalage de huit mois entre le 4 avril 2011, et le 3 janvier 2012, date de sa prise de poste à Aurillac, ce qui a entrainé une perte de salaires de 31 602,51 euros, soit, en retirant les salaires perçus entre avril 2011 et décembre 2011, la somme de 18 689,85 euros ; à ces sommes s'ajoutent, ses préjudices liés à l'achat d'un second véhicule et à la location d'un second logement ; .
- le préjudice subi s'élève à la somme de 44 888,62 euros, comprenant le retard dans l'évolution de sa carrière et les frais occasionnés par son déménagement et l'ameublement de ce logement, et les déplacements entre Aurillac et Poitiers, pour un montant de 26 198,77 euros, soit un total de 44 888,62 euros.
Par un mémoire en défense du 10 janvier 2018, Grand Poitiers communauté d'agglomération, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête de Mme D...et à ce que soit mise à sa charge la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- en vertu de la jurisprudence, le droit à réparation n'est ouvert que s'il existe un lien de causalité entre l'illégalité fautive et le préjudice dont la requérante se plaint ; dans le cadre de l'annulation d'une liste d'aptitude, le seul fait d'être inscrit sur la liste n'ouvre en vertu de l'article 44 de la loi du 26 janvier 1984 aucun droit à nomination sur un emploi vacant ; par ailleurs, en l'absence de perte de chance sérieuse, aucune indemnisation ne peut être accordée ; pour apprécier si un candidat avait des chances sérieuses d'obtenir un emploi, il convient de se référer à l'expérience professionnelle, qui doit être en adéquation avec le profil recherché pour le poste à pourvoir ; en l'espèce, MmeD... n'avait pas de chance sérieuse d'être recrutée sur le poste de chargée de missions pour " la promotion de l'insertion par l'emploi dans les marchés publics " dès lors qu'elle justifie essentiellement d'une expérience professionnelle dans le domaine de l'export international dans lequel elle a occupé deux postes en France et à l'étranger entre 2005 et 2009 ; elle a seulement occupé quelques mois, un poste de chargée de mission au sein d'une association privée où elle avait notamment pour mission la veille et la prospection sur les marchés publics et le soutien aux collectivités et PME ; si certaines des missions qui lui étaient confiées dans le cadre de son dernier emploi étaient davantage en lien avec les missions pour " la promotion de l'insertion par l'emploi dans les marchés publics ", elle ne disposait pas de l'expérience attendue en matière de politiques de l'emploi et de l'insertion et en matière de marchés publics, au regard des responsabilités qui pouvaient lui être confiées ; elle n'a jamais travaillé au sein d'une collectivité territoriale alors même qu'une " maitrise des instances et processus de la décision de la collectivité " était attendue ; le jury avait par ailleurs souligné son " peu d'expérience dans le domaine mais grande capacité d'adaptation face aux missions " ; Mme D...ne disposait pas d'une chance sérieuse d'être recrutée sur le poste de chargée de mission, et elle ne peut donc prétendre à l'indemnisation des préjudices invoqués ; en tout état de cause, les préjudices doivent être certains et réels, et en l'espèce, il ne saurait exister de certitudes quant aux préjudices de retraite dont elle se prévaut ; l'indemnisation relative à l'achat d'un second véhicule ne peut être accordée dès lors que la requérante indique elle-même que son compagnon a pu la rejoindre en Auvergne.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2019:
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andreo, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant la communauté d'agglomération du Grand Poitiers
Considérant ce qui suit :
1. Mme D...était inscrite depuis 2009 sur la liste d'aptitude aux fonctions d'attachée territoriale spécialité administration générale. A la suite de la publication par la communauté d'agglomération Grand Poitiers le 22 novembre 2010, d'un avis de recrutement sur un poste de chargée de mission " promotion par l'insertion par l'emploi dans les marchés publics ", elle a présenté sa candidature. Après son entretien avec le jury de recrutement, elle a été informée en février 2011 que sa candidature n'était pas retenue, le président de la communauté d'agglomération ayant recruté sur le poste, le 4 avril 2011, un agent par la voie contractuelle. Par un premier jugement du 5 décembre 2012, le tribunal administratif de Poitiers a annulé sur requête de MmeD..., ce recrutement, mais a rejeté la demande en injonction présentée par Mme D...tendant à être recrutée sur cet emploi, le tribunal administratif ayant considéré que l'annulation du recrutement d'un agent contractuel n'impliquait pas la nomination de Mme D...sur cet emploi. Mme D...relève appel du jugement du 15 février 2017, par lequel le tribunal administratif de Poitiers, a rejeté sa demande et demande la condamnation de la communauté d'agglomération du Grand Poitiers à lui verser la somme de 44 888,62 euros en réparation des préjudices subis du fait de la décision de recruter un agent contractuel sur le poste de chargé de mission pour " la promotion par l'insertion par l'emploi dans les marchés publics ".
Sur le bien-fondé du jugement et des conclusions indemnitaires :
2. L'illégalité dont est entachée la décision du 4 avril 2011 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Grand Poitiers a recruté un agent contractuel pour occuper le poste précité de chargée de mission, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la communauté d'agglomération, sous condition de l'existence pour Mme D... d'une perte de chances sérieuses d'obtenir cet emploi.
3. Il résulte de l'instruction que l'avis publié par la communauté d'agglomération Grand Poitiers le 22 novembre 2010 afin de pourvoir au poste de chargé de mission " promotion par l'insertion par l'emploi dans les marchés publics ", indiquait la nécessité de détenir des compétences à la fois en matière d'emploi et insertion et en matière de marchés publics. A cet égard, la requérante ne justifie en matière de marchés publics, que du suivi d'une formation de deux jours, les 1er et 2 juin 2010, et n'allègue que des éléments d'expérience limités acquis d'une part dans le cadre de son contrat avec l'association l'Envol, pour laquelle elle travaillait depuis trois mois à la date du recrutement du 4 avril 2011, tenant à la conception " d'outils de prospection et de veille concernant la commande publique ", et d'autre part lors d'un stage dans une commune au cours duquel elle se serait occupée de l'organisation de la commission d'appel d'offres. Par ailleurs, il n'est pas allégué par Mme D...et il ne résulte pas de l'instruction, que dans le cadre de ses études notamment dans le cadre du master 2 " Entreprises et échanges internationaux. Etudes ibériques et latino-américaines " obtenu en 2007, elle aurait bénéficié d'une formation en matière de marchés publics. En outre, si MmeD..., pouvait justifier à la date de la décision lui refusant le bénéfice du recrutement, d'une activité au sein d'une association d'insertion par l'activité économique, cette expérience n'était que de trois mois à la date du 4 avril 2011 à laquelle le président de la communauté d'agglomération Grand Poitiers a recruté un agent contractuel, alors que par ailleurs, les expériences professionnelles antérieures de MmeD..., en dépit de leur intérêt, portaient sur des domaines d'activité différents de celui afférent à l'emploi à raison duquel elle invoque une perte de chances sérieuses de l'obtenir.
4. Dans ces conditions, MmeD..., qui n'avait aucune expérience professionnelle, dans une collectivité locale, ni dans une autre collectivité publique, n'établit pas, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, qu'elle aurait été privée d'une chance sérieuse d'être recrutée par la communauté d'agglomération Grand Poitiers.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme D...qui ne disposait d'aucun droit à être nommée sur un poste d'attaché territorial du seul fait de sa réussite au concours et de son inscription en 2009 sur la liste d'aptitude, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération du Grand Poitiers à l'indemniser des préjudices qu'elle aurait subis du fait de son absence de recrutement sur le poste de chargé de mission pour " la promotion par l'insertion par l'emploi dans les marchés publics ".
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Poitiers qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme D...demande le versement à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la communauté d'agglomération du Grand Poitiers.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération du Grand Poitiers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et à la communauté d'agglomération du Grand Poitiers.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er avril 2019
Le rapporteur,
Pierre BentolilaLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
5
N° 17BX01222