Procédure devant la cour :
Par une requête du 8 août 2016 et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 janvier 2018, Mme G...H..., représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er juin 2016 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet par le président du CNRS de sa demande indemnitaire du 25 février 2012;
3°) de condamner le CNRS à lui verser la somme de 150 000 euros ;
4°) de mettre à la charge du CNRS la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en ce qui concerne la régularité du jugement, en premier lieu, le jugement fait état d'une note en délibéré produite pour le CNRS le 6 mai 2016, et qui ne lui a pas été communiquée ; cette note semble avoir été produite par le conseil du CNRS, qui ne s'était pas constitué antérieurement ; le jugement n'indique pas que cette note aurait été écartée des débats, et donc le tribunal en a tenu compte ; dans ces conditions, faute pour le tribunal de lui avoir communiqué cette note, le jugement est entaché d'irrégularité pour manquement au principe du contradictoire et à l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en deuxième lieu, le tribunal a également entaché son jugement d'irrégularité, faute de réponse à l'ensemble des moyens invoqués par la requérante ;
- en troisième lieu, le jugement est insuffisamment motivé ; en effet, le jugement indique en sa page 3 § 5 qu'elle a fait l'objet au CNRS de Toulouse, d'une intégration dans l'équipe de recherche de M.L..., qui dirigeait déjà l'équipe au sein de laquelle elle avait mené ses travaux de recherche à l'université Louis Pasteur de Strasbourg, ce qui est inexact dès lors que M. L...n'a pas eu la charge d'équipe de recherche avant 2005, année de son arrivée au CNRS de Toulouse ; par ailleurs, comme il est indiqué sur la plaquette de l'équipe de recherche du CNRS de Toulouse, l'équipe était composée de deux groupes, le groupe H dirigé par Mme H... et le groupe N dirigé par M.L... ; Mme H...et M. L...étaient donc co-directeurs de cette équipe ; le groupe H de Mme H...était composé de six personnes alors que le groupe N était composé de dix personnes, alors qu'en octobre 2007, après le départ de M.L..., contrairement à ce qu'il est indiqué dans le jugement, le groupe H était composé de trois personnes et le groupe N de quatre personnes ;
- contrairement à ce qu'indique le jugement, elle n'avait pas accès aux informations relatives aux réunions de chefs d'équipe lors desquelles est discuté le recrutement des chercheurs permanents ainsi que le seuil de l'effectif requis pour la création d'une équipe, dès lors qu'aucun compte rendu n'était établi ; elle a été exclue de ces réunions en 2008 alors qu'elle y siégeait jusqu'alors en qualité de co-directrice avec M.L... ; le professeur Chaudret, directeur du LCC l'avait informée qu'il ne soutiendrait pas son appel d'offre, pour un motif n'étant pas au nombre de ceux requis dans les critères de la consultation, alors que l'équipe lauréate du LCC ne remplissait pas non plus les critères de la consultation ; il lui a été opposé, sans aucune justification, l'accueil d'une étudiante sénégalaise, pour une demande de financement de thèse entre la France et le Sénégal alors que son laboratoire disposait de suffisamment de moyens pour cet accueil et notamment d'un laboratoire de trois hottes ; pour ce qui est des bureaux attribués, d'une surface de 14 m2, et d'un laboratoire de 7 m2, ils n'ont pu être conservés que grâce à son intervention et à celle de M. E..., délégué syndical, les locaux initialement attribués étant plus petits et sans bureau d'accueil pour les étudiants ;
- c'est à tort que le jugement indique qu'elle avait menacé de mettre le feu au laboratoire et de se suicider, le courriel adressé à M.K..., le 23 mars 2011, faisant seulement état du fait que sa carrière était réduite à néant, mais sans aucune menace de quelque sorte que ce soit ; par ailleurs, dans un courriel du 25 mars 2011, elle s'inquiète seulement des conditions d'accueil pour un étudiant d'école d'ingénieur ;
- le déménagement n'a pas été réalisé avec les précautions requises dès lors que selon le professeur Lugan, le matériel a été transposé à la cave par le personnel technique alors que ces personnes n'étaient pas habilitées à transporter du matériel de laboratoire ; comme en témoignent les photographies produites au dossier, le réfrigérateur destiné à accueillir les produits chimiques a été entreposé dans son bureau, c'est-à-dire sans système de ventilation ad hoc ni de double porte de sortie en cas de départ de feu, ce qui est totalement contraire aux règles de sécurité en vigueur dans un laboratoire de recherches, la requérante n'ayant eu de cesse de demander le déplacement de cet équipement dans un endroit approprié ; en ce qui concerne le dégât des eaux allégué, au cours de l'année 2015, l'interprétation des faits est erronée dès lors que le local qui a subi une inondation n'est pas celui affecté à son équipe, mais comme l'indiquent la déclaration d'incident faite sur l'intranet du LCC et les différents courriers adressés par MmeH..., celui où la direction du LCC a autoritairement stocké son matériel ; ce local était un local commun, mais contenait du matériel neuf appartenant à son groupe ;
- contrairement à ce que le jugement indique, elle a bien fait l'objet d'une mutation d'office constitutive d'une sanction disciplinaire déguisée ; elle a subi des pressions de la part de MM. I...etC..., pour lui faire accepter de rejoindre l'UMR du professeur C...à l'UPS, qui se trouve délocalisée à l'ITAV, à 15 minutes du campus de l'UPS, loin de tout étudiant et de toute RMN, appareil nécessaire à la recherche et ce, avec un contrat de trois ans ; le but était de former une équipe dont elle n'aurait pas été à la tête, mais qui aurait utilisé ses molécules et son savoir-faire, tout en excluant la majeure partie de ses thèmes de recherche ; elle ne pouvait donc que refuser cette offre, qui était inintéressante pour elle et ses recherches ; son groupe n'a jamais bénéficié de l'apport d'un doctorant contrairement à ce qu'impliquait la médiation opérée le 4 juillet 2008 ; si le jugement indique de façon exacte qu'elle a bénéficié du soutien de la direction du LCC à l'occasion d'un dépôt d'appel à projet de la fondation Pierre Potier, elle n'a pas été retenue pour cet appel d'offres dans un contexte de pressions exercées à son encontre pour qu'elle accepte une mutation ; le groupe qu'elle dirigeait a été victime de discrimination du fait d'un refus d'affectation d'un étudiant de master II ; si le jugement indique qu'elle a bénéficié en 2015 du concours de cinq stagiaires, étudiants en master 1 et 2, ces étudiants et stagiaires ont été recrutés par ses soins ; toutes les personnes oeuvrant au sein du LCC figuraient dans l'organigramme officiel sauf Mme H...et son équipe ; Mme H...est à la tête du seul groupe, alors que plusieurs équipes présentent un effectif en-dessous du seuil de quatre chercheurs, ce qui démontre la volonté d'ostracisme et de discrimination à son égard alors que son groupe est reconnu à l'extérieur, participant à de nombreux symposiums et la qualité des travaux de Mme H...est attestée notamment par le rapport de section du comité national numéro 12 établi le 12 mai 2010 par son président ; contrairement à ce qu'indique le jugement, son avenir professionnel est compromis du fait de sa situation, ainsi que son évaluation ; la requérante et l'ensemble de son équipe, font l'objet d'attitudes, de comportements et de manoeuvres, ayant pour finalité de lui nuire tant d'un point de vue professionnel que personnel, par un démantèlement total de ses moyens de recherche et par une obstruction délibérée à la poursuite de son activité au sein du LCC ;
- dès son arrivée au CNRS de Toulouse en 2005, toutes ses demandes de soumission de sujets de thèses destinés au recrutement de doctorants, ont été refusées, sans justification, notamment pour ce qui est d'un stagiaire ukrainien étudiant brillant de master II qu'elle n'a pu recruter ; plusieurs entités de moins de quatre personnes ont, contrairement à la sienne, gardé l'appellation d'équipe avec les conséquences qui s'y attachent, notamment pour la représentation au sein du conseil du LCC ; la situation qu'elle subit, a entrainé en octobre 2007 un état dépressif sévère pour lequel elle est suivie médicalement ; elle a subi un traitement discriminatoire constitutif de harcèlement moral alors qu'elle n'avait jamais avant son arrivée au CNRS de Toulouse rencontré de difficultés relationnelles ou de management de ses équipe ;
- ses moyens techniques et matériels ont été peu à peu réduits, ainsi son laboratoire est passé de cinq à trois hottes, et elle a perdu le bénéfice de la participation d'un technicien ou d'un ingénieur d'étude, alors que son travail est reconnu au niveau international ; elle a perdu plus de 50 % de ses locaux en 2011 ainsi que la moitié de son matériel et de son avancement s'est trouvé bloqué ; elle a subi une placardisation, un discrédit et des critiques constantes, des atteintes directes à sa personne et à sa santé, voire à sa vie privée, constitutifs de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ;
- le LCC dont la direction est l'auteur du harcèlement moral qui n'a nullement agi pour la protéger et faire cesser les multiples brimades et mesures vexatoire, ne saurait contester la réalité des fautes et préjudices causés ; cette situation aurait dû conduire le CNRS à lui accorder la protection fonctionnelle au titre de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; le CNRS ne peut lui opposer la prescription quadriennale dès lors que les fautes qui servent de fondement à l'action engagée sont continues ; la prescription est au surplus soulevée par une personne incompétente pour le faire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2017, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), représenté par la SCP d'avocats Meir-Bourdeau Lecuyer, conclut au rejet de la requête de Mme H...et à ce que soit mise à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- à titre préliminaire, le CNRS entend opposer la prescription quadriennale aux demandes présentées par la requérante dès lors que si Mme H...invoque le harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet dès l'année 2005, la créance dont elle se prévaut à cet égard est en tout état de cause atteinte par la prescription quadriennale depuis le 1er janvier 2012 ;
- en ce qui concerne en premier lieu la régularité du jugement, contrairement à ce que soutient MmeH..., le tribunal n'était pas tenu de communiquer la note en délibéré qui avait été produite, l'article R. 741-2 du code de justice administrative, imposant seulement de viser les notes en délibéré, la communication n'étant imposée que si le juge entend se fonder sur cette note, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la requérante ne faisant pas valoir que le tribunal se serait fondé sur des éléments autres que ceux présentés dans le dossier avant l'intervention de la note en délibéré ; si la requérante fait par ailleurs valoir une insuffisance de motivation du jugement, elle a entendu en réalité se fonder sur des erreurs de fait dont le jugement serait entaché et non sur une insuffisance de motivation ; à cet égard, c'est sans erreur de fait, que le tribunal a considéré que compte tenu du lien conjugal qui unissait Mme H... et M. L..., et des collaborations scientifiques qu'ils avaient pu mener ensemble, leur affectation commune au sein du même laboratoire toulousain n'avait pas été imposée par l'administration, mais résultait d'une demande commune de l'un et de l'autre ;
- en ce qui concerne les moyens financiers, Mme H...indique qu'elle a obtenu en 2001 une allocation jeunes chercheurs du ministère de la recherche, soit un budget de 125 000 euros, mais cette allégation n'est accompagnée d'aucun justificatif, et ne peut en tout état de cause permettre une critique utile du jugement ;
- contrairement à ce que soutient MmeH..., son groupe a bien été réduit à deux agents permanents à la suite du départ de M.L..., ce groupe n'étant plus constitué, en tant qu'agents titulaires permanents que de Mme H...et de M. A...ainsi que cela ressort du bilan scientifique établi pour la période 2005 à 2008 ; par ailleurs ce ne sont pas deux personnes qui ont quitté le groupe N de M.L..., mais quatre personnes ; le tribunal a donc pu considérer qu'une partie importante de ses membres avait quitté le groupe N ; c'est par ailleurs également à tort que Mme H...soutient qu'elle n'aurait pas eu accès aux informations des réunions des chefs d'équipe, faute d'établissement de comptes rendus de ces réunions alors qu'elle produit elle-même un compte rendu de la réunion du 9 octobre 2008 ; la requérante ne produit aucun élément relatif à la politique de recrutement et d'allocation des crédits, ni quant au motif qui serait constitutif de harcèlement, opposé par le directeur du LCC s'agissant de la thèse ou de l'accueil d'une étudiante sénégalaise ; en ce qui concerne la répartition des locaux, la diminution de surface s'imposait au regard de la diminution de l'effectif du groupe, les locaux attribués au groupe de Mme H...étant suffisants ; le déménagement à la fin du mois d'avril 2011, de l'intégralité du matériel de laboratoire de MmeH..., est intervenu à la suite du refus de la requérante de respecter la note de service de la direction du laboratoire, et de sa menace de mettre le feu au laboratoire et de se suicider ; elle n'apporte pas la preuve, comme l'indique le tribunal, que ce déménagement aurait été effectué sans précaution et que des produits de synthèse auraient été égarés ; la question des locaux du groupe de MmeH..., ne peut de toute façon révéler un quelconque harcèlement de la part du CNRS sur sa personne ; pour ce qui est du dégât des eaux de 2015, le tribunal n'a commis aucune erreur, en estimant que ce dégât des eaux avait concerné du matériel inutilisé ; pour ce qui est de la mutation d'office alléguée, compte tenu de ce que le groupe de MmeH..., a bien été réduit à deux agents permanents, ce groupe avait vocation à être associé à d'autres structures du laboratoire, mais Mme H...n'a pas fait montre d'un comportement de nature à inciter les autres chercheurs à travailler avec elle, ayant isolé son groupe au sein du laboratoire au détriment de son projet scientifique ; ce projet qui était à l'origine intégré dans le projet global mené par l'équipe de M.L..., ne justifiait pas en tant que tel, la constitution d'une équipe, ainsi qu'il ressort du rapport de l'AERES rendu en juillet 2010 ; l'AERES a attribué des notes de B et C au groupe de Mme H... alors que les équipes de recherche ont été notées A ou A+, ce qui démontre bien que le groupe de Mme H... ne donnait pas satisfaction ni en termes d'organisation ni en termes de fonctionnement ; Mme H...n'a jamais voulu s'intégrer dans un groupe plus large manifestant au contraire une attitude agressive envers les autres membres du LCC et sa direction, et un refus d'appliquer les directives internes du laboratoire ; toutes les tentatives mises en place à la suite de la médiation du 4 juillet 2008, pour que Mme H...se rapproche d'une structure existante, ont échoué ; par lettre du 12 novembre 2009, les chefs d'équipe de laboratoire ont indiqué à la direction de l'Institut de chimie du CNRS leur désapprobation à mettre en place une équipe autour de MmeH... ; Mme H...a pu prendre part par l'intermédiaire de ses représentants au conseil de laboratoire, alors même qu'elle n'était pas à la tête d'une équipe, mais d'un groupe ; contrairement à ce qu'elle indique, Mme H...a bénéficié d'un agent contractuel à compter du 1er septembre 2008, en la personne de M.D..., post-doctorant, et l'absence de renouvellement de ce contrat n'a que pour cause, des contraintes budgétaires ; Mme H... n'a répondu qu'à un seul appel sur projet au cours de l'année 2012 ; l'engagement pris par le laboratoire, à la suite de la médiation du 4 juillet 2008 de fournir au groupe de Mme H..., un doctorant contractuel tous les cinq ans, était subordonné à l'existence de ressources suffisantes du laboratoire ; par ailleurs, comme le rappelle le compte-rendu de la médiation du 4 juillet 2008, le LCC ne se voit attribuer, annuellement, que trois bourses de thèse, par l'école doctorale dont elle relève, qui est celle des sciences de la matière de Toulouse ; or, le LCC compte plus de 80 chercheurs, tous demandeurs de doctorants contractuels dans leur équipe ; l'attribution de doctorants s'effectue donc de façon tournante, et le groupe de Mme H... a bénéficié d'un post-doctorant et l'équipe à laquelle elle appartenait a également bénéficié d'un doctorant ; la discrimination alléguée du fait de la disparition de sa mention sur l'organigramme du laboratoire n'est pas fondée, dès lors que le groupe H de Mme H...n'a jamais disparu du site internet du laboratoire, comme le démontrent les images de captures d'écran produites en annexe ; si l'organigramme officiel des équipes ne comprend pas la mention des groupes, c'est pour respecter la volonté exprimée par l'autorité administrative indépendante d'évaluation de la recherche, qu'était l'AERES ; si Mme H...soutient que son activité au sein du laboratoire devait lui permettre de constituer sa propre équipe, les moyens alloués aux chercheurs dépendent de la qualité de leurs travaux de recherche et de leur projet, les moyens alloués aux chercheurs l'étant dans la limite des moyens alloués par l'institut de rattachement, en l'espèce, l'Institut national de chimie, ce qui nécessite dès lors des arbitrages ; la direction d'une équipe n'est pas proposée à tous les chercheurs, mais uniquement à ceux démontrant les qualités requises et en l'espèce, la requérante n'a pas fait montre au sein du laboratoire d'un comportement invitant les autres chercheurs à collaborer avec elle dès lors, qu'en raison de problèmes relationnels, elle est restée isolée avec son groupe au sein du laboratoire ; le projet scientifique mené par le groupe de MmeH..., qui n'était composé que de deux personnes, ne justifiait pas la constitution d'un groupe ; par note de service du 22 mars 2011, le directeur du laboratoire a procédé à une nouvelle répartition des locaux du laboratoire entre les groupes et équipes, sur la base des propositions émises par un groupe de travail composé des membres du conseil de laboratoire, et après l'adoption de cette note de service, Mme H...a manifesté une opposition ferme au déménagement de son groupe, manifestant son opposition de principe au déménagement envisagé menaçant en compagnie de M.A..., la direction du laboratoire, d'une action en justice, ce qui a eu pour conséquence d'empêcher les autres membres du laboratoire de disposer sereinement de leurs locaux ; à l'occasion de la réorganisation des locaux du laboratoire, Mme H...a proféré des menaces physiques et verbales à l'encontre des membres du laboratoire et a déplacé au mépris des règles de sécurité, sur le sol du matériel de laboratoire utilisé par un étudiant pour libérer une étagère ; le comportement de Mme H...est apparu comme " totalement irresponsable ", ce qui a eu " un impact extrêmement négatif sur nos étudiants et qui peut être extrêmement dangereux " ; par ailleurs, les qualités de management de Mme H...ont été largement mises en doute à l'occasion de l'encadrement d'un post-doctorant, M. D...du 1er septembre 2008 au 31 août 2010, recruté en application de la médiation qui s'est tenue le 4 juillet 2008 ; en effet, aucune publication d'articles n'a été réalisée par M. D...sous la direction de Mme H...pendant la période du contrat ; MmeH..., en adoptant un comportement contestataire, a donné à la direction du laboratoire, ainsi qu'à l'ensemble des chercheurs du laboratoire, toutes les raisons de penser qu'elle ne présentait pas les qualités nécessaires pour assurer la direction d'une équipe ; par ailleurs, l'accès au grade de directeur de recherche de 2ème classe ne résulte pas d'une promotion au choix, mais est réservé aux lauréats d'un concours, et Mme H... s'est présentée aux concours 2010 et 2013 et a été déclarée admissible par le jury, mais ne s'est pas présentée à la seconde phase du concours, l'audition ; elle n'établit pas non plus qu'elle aurait subi un comportement discriminatoire de la part des autres agents se trouvant dans la même situation qu'elle au sein du laboratoire ; Mme H... qui n'a pas été victime contrairement à ce qu'elle soutient, de harcèlement moral, ne justifie donc ni de l'existence d'une faute ni des préjudices invoqués qui ne sont en tout état de cause pas justifiés ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant MmeH....
Une note en délibéré pour Mme H...a été enregistrée le 9 octobre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Mme H...a, de 1997 à 2005 été en poste au CNRS de Strasbourg, avant, en 2005, de rejoindre le CNRS de Toulouse en qualité de chargée de recherches de 1ère classe au Laboratoire de Chimie de Coordination (LCC) du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Mme H...relève appel du jugement du 1er juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CNRS à lui verser une indemnité de 150 000 euros en réparation des préjudices causés par les faits de harcèlement moral, de discrimination dont elle aurait été victime dans l'exercice de ses fonctions et à raison de l'existence d'une sanction disciplinaire déguisée.
Sur la régularité du jugement :
2. En ce qui concerne la régularité du jugement, en premier lieu, la requérante fait état de ce que le jugement mentionne une note en délibéré produite pour le CNRS le 6 mai 2016, et qui ne lui a pas été communiquée alors que cette note a été produite par le conseil du CNRS, qui ne s'était pas constitué antérieurement, et que le tribunal ne l'a pas écartée des débats. Toutefois, la note en délibéré, qui a été visée par le tribunal sans être analysée ni communiquée, ne comportait pas d'élément nouveau par rapport aux mémoires en défense du CNRS, qui indiquaient déjà, comme le mentionne la note en délibéré, que si Mme H...soutenait que le groupe H de Mme H...n'apparaissait plus dans l'organigramme du laboratoire, le groupe H de Mme H...n'avait pas disparu du site internet du laboratoire, comme l'indiquaient les images de captures d'écran du site internet produites par le CNRS. Le tribunal ne peut donc être regardé comme ayant pris en compte cette note en délibéré dans le jugement attaqué. Par ailleurs, la circonstance invoquée par la requérante selon laquelle, ce qui est effectivement le cas, un avocat s'est constitué lors de la présentation de la note en délibéré pour le CNRS sans qu'elle n'en soit informée, ne justifiait pas à elle-seule, que cette note soit communiquée à MmeH..., et se trouve sans incidence sur la régularité du jugement.
3. En deuxième lieu, si la requérante fait valoir que le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité, faute de réponse à l'ensemble des moyens qu'elle avait invoqués, elle n'indique pas à quels moyens le tribunal administratif n'aurait pas répondu.
4. En troisième lieu, Mme H...fait valoir que la motivation du jugement comporterait sur plusieurs points des considérations erronées, mais ce moyen est inopérant concernant la régularité formelle du jugement.
5. Les moyens invoqués par Mme H...au titre de la régularité du jugement doivent donc être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".
7. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
8. Au titre des éléments de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, la requérante invoque le fait que depuis son arrivée au CNRS de Toulouse en 2005, elle a fait l'objet d'attitudes, de comportements et de manoeuvres, ayant pour finalité de lui nuire tant d'un point de vue professionnel que personnel, par un démantèlement total des moyens du groupe de recherche qu'elle dirige et par une obstruction délibérée à la poursuite de son activité au sein du Laboratoire de chimie de coordination (LCC). Elle soutient que toutes ses demandes de soumission de sujets de thèses destinés au recrutement de doctorants, ont été refusées, sans justification. Elle soutient par ailleurs, que plusieurs entités de moins de 4 personnes ont, contrairement à la sienne, gardé l'appellation d'équipe avec les conséquences qui s'y attachent, notamment pour la représentation au sein du conseil du LCC, qu'elle a été privée de moyens normaux de travail, du fait de la réduction des locaux de travail de son groupe, du déménagement intempestif de son matériel, dans des locaux ne présentant pas les garanties de sécurité requises, son matériel ayant fait l'objet d'un incendie en 2015, et de son exclusion des réunions des chefs d'équipe. Il résulte de l'instruction, que MmeH..., dirigeait à l'Université Louis Pasteur de Strasbourg, un groupe de recherche, et qu'il en a été de même après sa mutation au CNRS de Toulouse en juin 2005, Mme H...dirigeant un groupe de recherche se trouvant intégré à l'équipe de recherche dirigée par M.L..., ainsi que cela apparait dans le bilan scientifique établi pour la période de janvier 2005 à décembre 2008, par le LCC. Sa situation, quant à la direction d'un groupe de recherche est donc restée inchangée de par sa mutation de 2005. La circonstance qu'à la suite du divorce avec M.L..., ce dernier ait obtenu sa mutation à Strasbourg en octobre 2007, ce qui a eu des conséquences sur la situation professionnelle de Mme H...dès lors que son groupe, qui était composé de six personnes s'est trouvé réduit à trois personnes composé de deux agents permanents Mme H...et M. A..., et un doctorant, ne permet pas d'imputer un comportement de harcèlement moral au CNRS. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que Mme H...qui n'avait que la direction d'un groupe, ne pouvait participer aux réunions des chefs d'équipe, et en tout état de cause, comme elle l'indique, elle y assistait jusqu'au début de l'année 2008, et si elle soutient qu'elle n'aurait pas eu accès aux informations des réunions des chefs d'équipe, faute de diffusion de comptes rendus de ces réunions, elle a elle-même produit un compte rendu de la réunion du 9 octobre 2008. Au titre des éléments produits par l'administration de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement, le CNRS fait valoir que compte tenu de la réduction du groupe dirigé par Mme H...et des contraintes budgétaires du CNRS, des choix s'imposaient, ce qui s'est traduit par l'attribution par une note du 22 novembre 2007, au groupe de MmeH..., d'un nombre de hottes de laboratoires réduit de cinq à trois. Le CNRS fait valoir par ailleurs, qu'une médiation a eu lieu en 2008, en vue pour le groupe dirigé par Mme H...d'être rattaché à une autre d'équipes de recherches, qui sont au nombre de six au sein du LCC ou de créer sa propre équipe, ce qui a provoqué l'intervention d'une lettre du 12 novembre 2009, des chefs d'équipe de laboratoire qui ont indiqué à la direction du LCC leur désapprobation à la mise en place une équipe autour de MmeH..., et que dans ces conditions, le LCC a fait le choix de procéder au rattachement de Mme H... à une autre équipe. En ce qui concerne la répartition des locaux, le CNRS fait valoir que la diminution de surface par la note de service du 22 mars 2011, s'imposait au regard de la diminution de l'effectif du groupe et à cet égard, il ne résulte pas de l'instruction que les nouveaux locaux attribués à Mme H...auraient été insuffisants.
9. Pour ce qui est du comportement de MmeH..., vis-à-vis de ses collègues, le CNRS indique que Mme H...a exercé des pressions sur ses collègues et sur les membres de la direction du LCC, notamment en les menaçant de poursuites judiciaires, de mettre le feu au laboratoire et de se suicider. Mme H...conteste l'existence de telles menaces en faisant valoir, qu'elle aurait seulement fait état dans un mail adressé au directeur du LCC, M. K..., le 23 mars 2011, du fait que sa carrière était réduite à néant. Toutefois l'existence de ces menaces est attestée au dossier par le courrier et le mail adressés respectivement les 28 mars et 7 juin 2011, par M. B...J..., directeur de recherches du LCC, à la déléguée régionale du CNRS, produites en première instance par le CNRS, et dont Mme H...ne conteste pas la teneur. Le CNRS indique par ailleurs que le déménagement à la fin du mois d'avril 2011, de l'intégralité du matériel de laboratoire de MmeH..., est intervenu à la suite du refus de la requérante de respecter la note de service de la direction du laboratoire du 22 mars 2011, quant à la nouvelle affectation de locaux, les nouveaux locaux attribués à MmeH..., étant, ainsi qu'il est susmentionné, suffisants, et, comme l'indique le tribunal, il ne résulte pas de l'instruction, que ce déménagement aurait été effectué sans précaution et que des produits de synthèse auraient été égarés. La circonstance par ailleurs qu'un incendie se soit déclaré en 2015 dans un local dans lequel était entreposé du matériel appartenant au groupe de MmeH..., ne peut à elle seule démontrer que les moyens mis à la disposition du groupe de Mme H...aient été insuffisants. Le CNRS fait par ailleurs valoir que la question de l'attribution des locaux au groupe de Mme H...et de façon plus générale l'allocation de moyens aux différentes entités, reposent sur des critères objectifs, lesquels en l'espèce, ont été respectés, compte tenu notamment des notations et évaluations de l'activité de MmeH..., qui n'étaient pas satisfaisantes.
10. Par ailleurs, la seule circonstance que le directeur du LCC se soit opposé, alors même que les motifs de ce refus n'auraient pas été explicités, à l'accueil d'une étudiante sénégalaise, en vue de la préparation d'une thèse ne peut caractériser l'existence d'un harcèlement moral.
11. Compte tenu des éléments apportés par le CNRS, en réponse aux éléments allégués par MmeH..., et d'autre part quant au propre comportement de MmeH..., cette dernière alors même que le groupe qu'elle dirigeait a été installé lors de son arrivée au CNRS de Toulouse, en 2005, dans des locaux provisoires, et qu'elle n'apparaissait plus sur l'organigramme du LCC, ne peut être regardée comme ayant été victime d'agissements répétés pouvant être qualifiés de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ni de discrimination, ni comme ayant fait l'objet d'une mutation d'office constitutive d'une sanction disciplinaire déguisée. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CNRS qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme H...demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de Mme H...au titre des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme G...H...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CNRS sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...H...et au Centre national de la recherche scientifique.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2018.
Le rapporteur,
Pierre Bentolila
Le président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 16BX02757