Procédure devant la cour :
Par une requête du 6 janvier 2017, la commune de Chéniers, représentée par Me B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 novembre 2016 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 18 juillet 2014 ;
3°) de dire que la date de transfert de la propriété de la salle des loisirs et de la culture doit être fixée à " la date de la décision du préfet de la Creuse soit au 10 juillet 2014 " ;
4°) de dire que si le transfert de propriété intervient au 1er janvier 2014, la commune de Chéniers n'est redevable du remboursement de l'échéance 2014, que prorata temporis, pour les mois de janvier et février 2014 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- il existe une discordance entre la date de transfert de propriété au 1er janvier 2014 prononcée par le préfet de la Creuse et la date de dépossession de cette salle dès lors que la commune de Chéniers a été privée de son utilisation dès le 1er janvier 2014 date d'effet du retrait de la commune de Chéniers de la communauté de communes des Deux-Vallées ; en admettant que le préfet n'ait pas pu fixer une date de transfert autre que celle du 1er janvier 2014, il devait à tout le moins fixer une autre date que celle du 1er janvier 2014, concernant la prise en charge de l'emprunt afférent à cette salle de spectacle ; la commune n'aura d'autres choix que de solliciter de la communauté de communes une indemnité d'occupation ou des dommages et intérêts pour avoir été privée de la jouissance de la salle objet du litige, pendant les 8 premiers mois de l'année 2014, ou tout au moins jusqu'au 1er juillet 2014, date de l'arrêté préfectoral ; mais la commune maintient les termes de sa requête et demande l'annulation de l'arrêté préfectoral qui ne mentionne aucune date d'effet du transfert de propriété alors que cette date d'effet devait être celle de juillet 2014 compte tenu de qu'il existait un désaccord jusqu'à cette date ; il existe par ailleurs une discordance entre la prise de possession et le transfert du prêt et une erreur a été commise à cet égard par le tribunal ; en effet, en admettant que la date du transfert de propriété devrait coïncider avec la date de transfert de la charge du prêt, il est inconcevable de considérer que la commune devrait prendre en charge l'annuité 2014 comme l'indiquent le jugement du tribunal et l'arrêté préfectoral ; en effet, cette échéance 2014 a été payée par la communauté de communes au 1er mars 2014 pour un montant de 52 555,34 euros et concerne l'échéance du 1er mars 2013 au 1er mars 2014 ; la commune de Chéniers a réglé l'échéance du 1er mars 2015 qui court pour la période du 1er mars 2014 au 1er mars 2015, alors même qu'elle n'a pris possession de l'immeuble que fin 2014 ; contrairement à ce qu'indique l'arrêté, le capital restant dû au 1er mars 2014 est de 491 431,13 euros après l'échéance réglée par la commune au 1er mars 2014 ; si la charge du prêt intervient à la date du transfert, soit le 1er janvier 2014, la commune de Chéniers devrait rembourser à la communauté de communes les mois de janvier et février 2014 ; le jugement devra donc être réformé en ce qu'il indique que la commune de Chéniers devait prendre en charge entièrement l'échéance 2014, soit la somme de 52 555,34 euros.
Par un mémoire en défense du 5 décembre 2018, la communauté de communes Portes de la Creuse en Marche, représentée par MeA..., conclut :
1°) au rejet de la requête de la commune de Cheniers ;
2°) à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il rejette ses conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 328,13 euros au titre des frais d'huissier qu'elle a dû engager ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la commune de Cheniers la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que contrairement à ce que soutient la commune, son retrait de la communauté de communes devait entrainer le paiement de l'emprunt restant dû à la date du 1er janvier 2014, soit la somme de 517 276,98 euros, et par voie de conséquence, le remboursement à la communauté de communes Portes de la Creuse en Marche de l'échéance du prêt du mois de mars 2014 ; si la commune fait valoir que l'arrêté du préfet du 18 juillet 2014 a un effet rétroactif, cette rétroactivité a pour cause la date d'effet au 1er janvier 2014, du retrait de la commune de la communauté de communes, devant entrainer la prise en charge de l'emprunt par la commune de Chéniers ; la commune n'établit pas par ailleurs que l'arrêté du préfet aurait pour effet d'engendrer un déséquilibre réel du budget de la commune de Chéniers ; le préfet dans l'arrêté attaqué n'a fait qu'appliquer les dispositions des articles L. 5211-19 et L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales selon lesquelles lorsqu'une commune se retire d'un établissement public de coopération intercommunale, le préfet fixe la répartition des biens et l'encours de la dette ; la commune de Chéniers est bien en possession des clés de la salle de loisirs et de la culture, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 19 août 2014, de sorte qu'elle ne pouvait prétendre être privée d'une quelconque jouissance ; en toute hypothèse, le préjudice invoqué par la commune n'est pas établi et ne saurait être établi par le seul fait d'un désaccord entre la communauté de communes et la commune.
- la communauté de communes est par ailleurs en droit de demander la condamnation de la commune à lui verser la somme de 328,13 euros au titre des frais d'huissier qu'elle a dû engager.
Par une ordonnance du 5 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes des Deux Vallées à laquelle appartenait la commune de Chéniers (Creuse) a fait construire en 2008 sur le territoire de la commune de Chéniers une salle de loisirs et de spectacles pour un montant de 1 247 251,37 euros, cette construction ayant été financée à hauteur de 660 000 euros par le recours à un emprunt. Par deux arrêtés du 29 octobre 2013, le préfet de la Creuse, a décidé la fusion, de trois communautés de communes, dont celle des Deux Vallées, au sein d'une seule et même communauté de communes dénommée " Portes de la Creuse en Marche ", communauté de communes à laquelle la commune de Chéniers n'a pas souhaité adhérer. Par ce même arrêté, il a été procédé à l'extension du périmètre de la communauté de communes du Pays Dunois notamment à la commune de Chéniers. Le préfet de la Creuse par un arrêté du 18 juillet 2014 a transféré la propriété de la salle de loisirs et de spectacle à la commune de Chéniers ainsi que la charge restante de l'emprunt, soit un montant de 517 276,98 euros, représentant " le capital restant dû au 1er janvier 2014 ", le même arrêté indiquant que la commune de Chéniers devait rembourser à la communauté de communes " Portes de la Creuse en Marche ", l'échéance du 1er mars 2014 relative à l'emprunt, réglée par " la communauté de communes " Portes de la Creuse en Marche ". La commune de Cheniers relève appel du jugement du 10 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l' arrêté du 18 juillet 2014 par lequel le préfet de la Creuse a transféré la propriété de la salle polyvalente à la commune de Chéniers, lui a transféré la charge restante de l'emprunt, soit un montant de 517 276,98 euros, représentant " le capital restant dû au 1er janvier 2014 ", et a imposé à ladite commune le remboursement à la communauté de communes " Portes de la Creuse en Marche ", de la somme de 52 555,34 euros, relative à l'emprunt, réglée par cette communauté de communes le 1er mars 2014.
Sur l'appel principal de la commune de Cheniers :
2. Aux termes de l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales : " Une commune peut se retirer de l'établissement public de coopération intercommunale (...) dans les conditions prévues à l'article L. 5211-25-1, avec le consentement de l'organe délibérant de l'établissement. A défaut d'accord entre l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale et le conseil municipal concerné sur la répartition des biens ou du produit de leur réalisation et du solde de l'encours de la dette visés au 2° de l'article L. 5211-25-1, cette répartition est fixée par arrêté du ou des représentants de l'Etat (...). Cet arrêté est pris dans un délai de six mois suivant la saisine du ou des représentants de l'Etat (...) par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou de l'une des communes concernées (...) ". Selon l'article L. 5211-25-1 du même code " En cas de retrait de la compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale : (...) 2° Les biens meubles et immeubles acquis ou réalisés postérieurement au transfert de compétences sont répartis (...) entre la commune qui se retire de l'établissement public de coopération intercommunale et l'établissement (...). Il en va de même pour le produit de la réalisation de tels biens, intervenant à cette occasion. Le solde de l'encours de la dette contractée postérieurement au transfert de compétences est réparti dans les mêmes conditions (...) entre la commune qui se retire et l'établissement public de coopération intercommunale (...). A défaut d'accord entre l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale et les conseils municipaux des communes concernés, cette répartition est fixée par arrêté du ou des représentants de l'Etat (...). Cet arrêté est pris dans un délai de six mois suivant la saisine du ou des représentants de l'Etat (...) par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou de l'une des communes concernées. (...) ".
3. En premier lieu, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, il s'évince des dispositions précitées, que la date d'effet du transfert de propriété d'un bien acquis par un établissement public de coopération intercommunale et attribué à la collectivité qui se retire de cet établissement, doit être fixée à la date de prise d'effet du retrait de la commune de la communauté de communes.
4. Dans ces conditions l'arrêté du 18 juillet 2014 par lequel le préfet de la Creuse a transféré la propriété de la salle polyvalente à la commune de Chéniers, doit être regardé, notamment du fait qu'il transfère la charge restante de l'emprunt, à la commune de Cheniers, au 1er janvier 2014, comme ayant procédé au transfert de propriété de cette salle au 1er janvier 2014, sans que n'ait en tout état de cause d'incidence à cet égard la circonstance, à la supposer établie, que la commune de Cheniers n'aurait pas été en mesure de disposer de l'usage de cette salle à cette date du 1er janvier 2014.
5. En second lieu, conformément à ce qui vient d'être indiqué, c'est à bon droit que le préfet de la Creuse, a mis à la charge de la commune de Chéniers, par son arrêté du 18 juillet 2014, le montant à la date du 1er janvier 2014, de la somme de 517 276,98 euros restant due au titre de l'emprunt contracté le 27 juin 2008 par la communauté de communes des Deux-Vallées en vue de la construction de la salle de spectacle. A cet égard, la commune de Chéniers, qui admet être redevable des sommes restant dues au titre de cet emprunt, à compter du 1er mars 2014, fait valoir que la somme de 517 276,98 euros, représentant " le capital restant dû au 1er janvier 2014 " ne serait pas due par elle dès lors d'une part qu'elle ne serait pas redevable des sommes dues pour la période du 1er janvier 2014 à fin février 2014 et que d'autre part, compte tenu du paiement à terme échu des annuités du contrat de prêt, cette somme de 517 276,98 euros, engloberait la période du 1er mars 2013 à fin 2013, soit une période antérieure au retrait de la commune de Chéniers de la communauté de communes. Toutefois, le transfert d'un emprunt implique qu'à la date du transfert, la personne à laquelle cet emprunt est transféré s'acquitte du remboursement des sommes en capital et en intérêts dues à la date de ce transfert quelle que soit par ailleurs la périodicité des annuités et la date de leur échéance. La commune de Chéniers n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet de la Creuse lui a transféré la charge restante de l'emprunt, soit un montant de 517 276,98 euros, représentant " le capital restant dû au 1er janvier 2014 ", ce qui inclut notamment la somme de 52 555,34 euros, réglée le 1er mars 2014 au titre de cet emprunt, par la communauté de communes " Portes de la Creuse en Marche ".
6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Chéniers n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 10 novembre 2016 du tribunal administratif de Limoges ni de l'arrêté du préfet de la Creuse du 18 juillet 2014.
Sur l'appel incident présenté par la communauté de communes portes de la Creuse :
7. Ainsi qu'il est opposé en défense, et comme l'ont estimé les premiers juges, les conclusions reconventionnelles indemnitaires présentées par la communauté de communes portes de la Creuse en Marche tendant à ce que la commune de Cheniers soit condamnée à lui verser la somme de 328,13 euros au titre des frais d'un constat huissier qu'elle a du engager, sont en tout état de cause irrecevables, le principe étant que les conclusions reconventionnelles indemnitaires sont irrecevables dans un litige d'excès de pouvoir
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes portes de la Creuse en Marche qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que la commune de Cheniers demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de la communauté de communes portes de la Creuse en Marche.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Cheniers est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes portes de la Creuse en Marche sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cheniers, à la communauté de communes portes de la Creuse en Marche et au ministre de l'Intérieur.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juin 2019.
Le rapporteur,
Pierre BentolilaLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 17BX00043