Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire, enregistrée le 15 juin 2016 et un mémoire ampliatif enregistré le 8 août 2016, M. C...A..., représenté par la SCP Fabiani Luc-Thaler Pinatel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300755 du 14 avril 2016 du tribunal administratif de la Martinique ;
2°) d'annuler la décision en date du 5 novembre 2013 par laquelle le directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration l'a soumis au paiement d'une part de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur prévue à l'article R. 8253-2 du code du travail, à concurrence d'un montant de 17 200 euros et, d'autre part de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine, d'un montant de 580 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'article R. 741-7 du code de justice administrative a été méconnu, car la copie du jugement attaqué ne comporte ni la signature du président, ni celle du rapporteur ni même celle du greffier ;
- les articles D. 8254-1 et suivants et L. 8254-1 du code du travail ont été méconnus, car il ne résulte pas de ces articles que la dispense pour l'employeur de vérifier si le salarié dispose d'une autorisation de travail lorsque le montant de la rémunération est inférieur à 3 000 euros ne s'appliquerait pas à une embauche directe, comme c'était le cas en l'espèce ;
- la contestation de la légalité de la décision du 5 novembre 2013 fonde l'exception d'illégalité des titres de perception du 3 décembre 2013 ;
- cette décision fait une application des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail incompatible avec la règle non bis in idem consacrée par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le paiement de la contribution spéciale conduit à sanctionner deux fois le même comportement, déjà sanctionné pénalement par ailleurs ; le Conseil d'Etat a en effet jugé que la sanction administrative était de nature pénale au sens des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la cour européenne juge de manière constante que le cumul de poursuites pénales et administratives en vue de l'application d'une sanction pénale et d'une sanction administrative de nature pénale n'est pas conforme au principe non bis in idem ; en l'espèce, la double sanction a été effective, puisqu'avant même que l'OFII mette à sa charge la contribution spéciale, il avait fait l'objet d'une composition pénale à hauteur de 200 euros ; selon l'article 41-2 du code de procédure pénale, la composition pénale éteint l'action publique ;
- elle est également illégale en ce que les dispositions de l'article L. 8253-1 dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 et même de la loi du 29 décembre 2012, sont plus douces que celle applicables à la date de l'infraction ; or, une sanction administrative relève du plein contentieux ; il y a donc lieu d'appliquer la rédaction la plus récente, qui permet de moduler le montant de la contribution spéciale ; s'agissant de plein contentieux, le juge peut en moduler le montant, exerçant ainsi son plein contrôle sur la sanction au regard des circonstances de l'espèce ; en vertu de l'article L. 8253-1, la contribution spéciale doit en tout état de cause être minorée, dès lors qu'il n'y a eu qu'une seule infraction, puisque seule l'infraction d'emploi d'un salarié démuni de titre de travail a été relevée ;
- la décision attaquée est ainsi entachée d'une erreur de droit, car le montant maximum minoré de la contribution spéciale ne pouvait excéder 6 880 euros ;
- en outre, à la faveur de la loi nouvelle plus douce, le juge administratif doit vérifier la proportionnalité de la sanction ; or, il n'a employé M. B...que pour une mission ponctuelle et brève de défrichage d'un terrain lui appartenant moyennant une rétribution de 500 euros ; le montant de 17 200 euros apparaît donc totalement disproportionné au regard des faits ;
- au surplus, la décision du 5 novembre 2013 est illégale en ce qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile instituant le plafonnement des sanctions pécuniaires ; par lecture combinée avec l'article L. 8256-2 du code du travail, il ne pouvait être condamné à une sanction pécuniaire excédant 15 000 euros par étranger employé sans autorisation de travail ; en tenant compte des 200 euros d'amende payés dans le cadre de la composition pénale, le directeur de l'OFII ne pouvait donc le condamner qu'à une sanction pécuniaire maximale de 14 800 euros ;
- les titres de perception du 3 décembre 2013 sont donc illégaux dès lors qu'ils trouvent leur fondement dans la décision illégale du 5 novembre 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) conclut à ce qu'il n'y ait pas lieu à statuer à concurrence de l'annulation de 2 780 euros prononcée en cours d'instance et au rejet de la requête pour le surplus et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A...la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- par une décision du 31 mai 2017, postérieure à l'introduction de la requête, l'OFII a ramené le montant total des sommes réclamées à M. A...à 15 000 euros ;
- pour le surplus, les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 2 juin 2017, la clôture de l'instruction a été reportée au 30 juin 2017.
Par une lettre du 13 novembre 2018, les parties ont été informées de ce que, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public, tiré de l'irrecevabilité d'une requête présentant uniquement des conclusions en excès de pouvoir dans un litige relevant exclusivement du plein contentieux, alors au surplus que M. A...a également par ailleurs, par une requête distincte, présenté des conclusions de plein contentieux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code du travail ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 12 mars 2012, un ressortissant saint-lucien, M. E...B...D...s'est présenté aux services de la police de l'air et des frontières de Martinique, aux fins de déposer plainte à l'encontre de M. C...A..., qui l'aurait employé à des travaux de défrichage sur des terrains lui appartenant, sans lui avoir réglé la totalité du salaire convenu. A la suite d'une enquête menée par les services de la PAF entre le 12 mars et le 30 avril 2012, ses agents assermentés ont dressé plusieurs procès-verbaux, constatant l'infraction d'emploi d'un étranger démuni de titre de travail, visée aux articles L. 8251-1 et suivants du code du travail. Par lettre du 11 septembre 2013, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a indiqué à M. A...qu'il envisageait de mettre à sa charge une contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et une contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement dudit étranger. Le 8 octobre 2013, M. A... a formulé des observations. Par décision du 5 novembre 2013, l'OFII l'a informé de ce qu'il était soumis au paiement d'une part de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur prévue à l'article R. 8253-2 du code du travail, pour un montant de 17 200 euros et, d'autre part, de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine, pour un montant de 580 euros, prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 3 décembre 2013, la direction régionale des finances publiques de la Martinique a émis à l'encontre de M. A...deux titres exécutoires, d'un montant de 17 200 euros et de 580 euros. M. A...a formé deux recours devant le tribunal administratif, l'un pour contester par la voie de l'excès de pouvoir la décision du directeur de l'OFII du 5 novembre 2013, l'autre pour demander la décharge de l'obligation de payer mise à sa charge par les deux titres exécutoires précités. Par la présente requête, M. A...fait appel du jugement du tribunal administratif de la Martinique n° 1300755 du 14 avril 2016, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision précitée du 5 novembre 2013.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 5 novembre 2013 :
2. La contestation des sanctions administratives, dont font parties les sanctions en litige, à savoir la mise à la charge du contrevenant du paiement de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire, infligées en vertu des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas d'emploi d'un étranger en situation irrégulière, ne peut être effectuée que par la voie du recours de plein contentieux. Or, la requête de M. A...présente uniquement des moyens et des conclusions d'excès de pouvoir, tout comme d'ailleurs la demande présentée devant le tribunal administratif au titre de cette instance. Si par cette demande, tendant à l'annulation de la décision du directeur de l'OFII du 5 novembre 2013, M. A... aurait pu être regardé comme demandant la décharge de l'obligation de payer mise à sa charge par les titres exécutoires du 3 décembre 2013, il est constant qu'il a introduit deux recours distincts, le second étant précisément un recours de plein contentieux visant à obtenir la décharge des sommes en litige, recours qui est en outre, comme cela vient d'être dit ci-dessus, irrecevable, faute de réclamation préalable adressée à l'administration fiscale. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, la requête en excès de pouvoir présentée par M. A...est également irrecevable.
3. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par ledit jugement, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
4. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée, ainsi que les conclusions présentées par l'OFII sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2018.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
5
N° 16BX01961