Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 février 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par MeJ..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2016 du tribunal administratif de la Guyane ;
2°) de rejeter la demande de la SARL Guyacom présentée devant le tribunal administratif de la Guyane ;
3°) de mettre à la charge de la SARL Guyacom la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- titre liminaire, la société Guyacom est mal fondée à agir à l'encontre de l'OFII concernant un vice de forme du titre de perception dès lors que cette demande doit être dirigée contre la direction départementale des finances publiques (DDFIP) compétente pour recouvrer la contribution spéciale, et non contre l'OFII qui n'en a pas la charge, quand même si ces demandes sont liées ;
- en tout état de cause, M. H...F..., responsable du service des recettes non fiscales, s'est vu attribuer, par décision du 2 octobre 2013 publiée au Journal officiel de la République française le 5 octobre 2013, délégation à l'effet de signer, au nom du ministre de l'intérieur, les actes comptables émis dans le cadre du périmètre d'exécution budgétaire confié au centre des prestations financières dans la limite de leurs attributions respectives ;
- en outre, les mentions récapitulées dans les titres de perception permettaient à la société de comprendre les bases de liquidation de la créance à recouvrer, qui avaient été explicitées dans la décision de l'OFII du 14 septembre 2015, étant précisé que les taux minorés de 2 000 et 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti ne trouvaient pas à s'appliquer en l'espèce ;
- si la société Guyacom semble faire grief à l'OFII de ne pas lui avoir transmis le procès-verbal de constat établi à son encontre, constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, cette obligation de communication du procès-verbal au contrevenant n'est pas prévue par les textes en matière de procédure administrative, les procès-verbaux relatifs aux infractions de travail dissimulé et d'emploi d'un étranger sans titre de travail, qui relèvent de l'autorité judiciaire, ne constituant pas des documents administratifs au sens des dispositions de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978 ;
- au demeurant, les faits constatés ne peuvent être ignorés par la contrevenante, qui en a eu entière connaissance dans le cadre de son audition par les services de police, au cours de quelle elle a lu et signé le procès-verbal rédigé à cette occasion ;
- s'agissant du respect des droits de la défense, la société Guyacom a été destinataire, le 5 juin 2015, d'une lettre de l'OFII l'informant que les contributions spéciale et forfaitaire étaient susceptibles d'être engagées à son encontre pour l'emploi d'étrangers sans titres de séjour et de travail et invitée à présenter ses observations sous quinze jours, ce que la société a fait le 16 juin 2015, soit avant le prononcé de la décision du 14 septembre 2015, qu'elle a contestée de surcroit par un recours gracieux du 13 novembre 2015 ;
- sur le fond, l'employeur aurait dû s'assurer, d'une part, de l'authenticité des titres de séjour présentés par M. I...M...et M. C...N..., conformément aux articles R. 5221-41, R. 5221-42 et R. 5221-43 du code du travail, et, d'autre part, de ce qu'ils étaient munis d'autorisations de travail, ce qu'il n'a pas fait, ainsi qu'en atteste le procès-verbal dressé le 20 novembre 2013 ;
- à cet égard, il est établi que ces deux ressortissants étrangers ont été embauchés par l'intermédiaire de M. B...G...O..., à qui la réalisation des travaux du chantier avait été confiée par la société Guyacom sans aucun contrat écrit, ni contrôle minimum de la situation des intéressés, lesquels ont été rémunérés 60 euros en espèces pour la journée, sachant que tout le matériel utilisé sur le chantier provenait de la société Guyacom ;
- ainsi, le procès-verbal qui a été transmis à l'OFII par les corps de contrôle habilités à l'établir était suffisant pour permettre de conclure à la constitution de l'infraction et, partant, mettre à la charge de la contrevenante les contributions spéciale et forfaitaire, sans qu'il soit besoin pour l'OFII d'apporter de preuve d'un quelconque lien de subordination ;
- en tout état de cause, il résulte des dispositions des articles L. 8251-1 et D. 8254-2 du code du travail que le donneur d'ordre doit se voir remettre une attestation justifiant de la parfaite régularité de la situation des étrangers qu'il entend employer sur le sol français par les éventuels sous-traitants auxquels il a recours, de sorte qu'il est tenu solidairement responsable de son cocontractant en cas de manquement à cette obligation ;
- or en l'espèce, la société Guyacom a eu recours à de la main d'oeuvre étrangère illicite et non qualifiée sous couvert d'un contrat de sous-traitance sans avoir procédé aux vérifications et satisfait à ses obligations légales prévues par la loi, afin d'échapper aux charges financières qui lui incombaient ;
- en outre, la société Guyacom s'est affranchie de l'agrément de l'entrepreneur sous-traitant par son maître de l'ouvrage, en méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 ;
- s'agissant du quantum, la société Guyacom ne peut revendiquer l'application du bouclier pénal de 15 000 euros prévu par les dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle constitue une SARL, soumise à l'article 131-38 du code pénal, lequel prévoit que la responsabilité des personnes morales est sanctionnée par des amendes dont le taux maximum est de cinq fois celui applicable aux personnes physiques pour la même infraction.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 13 juillet 2017 et 11 juin 2018, la société Guyacom, représentée par MeL..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, la requête d'appel de l'OFII est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative dès lors qu'elle n'articule aucun moyen d'appel contre le jugement attaqué et se borne à diriger l'ensemble de ses moyens contre l'argumentation de première instance de la société Guyacom et en reproduisant des pans entiers de son mémoire en défense présenté devant le tribunal, de sorte qu'elle devra être rejetée comme manifestement irrecevable ;
- à titre subsidiaire, le jugement attaqué doit être confirmé dès lors que l'absence de lien de subordination direct entre la société Guyacom et les deux travailleurs contrôlés est avérée, ces derniers n'ayant jamais fait partie du personnel de l'entreprise et n'ayant jamais été commandées ni rémunérées par Guyacom ;
- à cet égard, les simples déclarations de ces deux personnes, notamment en ce qu'elles auraient déclaré avoir connaissance de la société Guyacom, ne sont pas de nature à caractériser et/ou à prouver qu'elles auraient agi à la suite d'instructions données par la société Guyacom, étant précisé que le procès-verbal des constatations faites sur les lieux ne fait pas mention de la présence de Marcio Neves Da Silva sur le chantier situé à Saint-Georges, lors de l'inspection du 20 novembre 2013 ;
- si la société Guyacom a fait appel à une entreprise de BTP, la société BR Construction, pour la construction d'un local en béton armé ou " shelter ", c'est-à-dire un local technique permettant d'abriter les raccordements optiques, dans le cadre d'un contrat de prestation de service pour le chantier de la fibre optique entre St Georges de l'Oyapock et le Brésil, il n'est pas établi que les deux étrangers visés dans les poursuites de l'OFII auraient jamais été recrutés ou employés par la société Guyacom ;
- il ressort sur ce point des éléments versés à l'instruction par l'OFII que c'est la société BR Construction qui, elle-même, a fait appel à un maçon, M. Q...B...G..., lequel a décidé d'embaucher, pour la journée, M. M...I..., et ce sans en informer la société Guyacom, de sorte qu'il ne peut à aucun moment être reproché à la société Guyacom d'avoir embauché M. M...I..., et encore moins M. C...K...dont la présence le 20 novembre 2013 n'est pas rapportée au procès-verbal ;
- par ailleurs, les allégations diffamatoires de M. R...B...G...ne sauraient en aucun cas fonder l'existence d'un mandat le liant à la société Guyacom ;
- s'agissant des autres moyens soulevés en 1ère instance, il résulte d'un arrêt du Conseil d'Etat n° 398398 du 29 juin 2016, EURL DLM Sécurité, que l'OFII était tenu de communiquer le procès-verbal d'infraction annexé à sa décision du 14 septembre 2015, conformément au principe général des droits de la défense, et ceci d'autant plus que la lettre du 14 juin 2015 l'a condamnée à s'acquitter des contributions litigieuses pour avoir supposément employé M. I... et M. C...K...alors même que le procès-verbal d'infraction ne vise pas la présence de M. C...K...et ne constate que la présence de M. M...I...et de M. A... I... ;
- contrairement à ce que soutient l'OFII, ce procès-verbal n'a été signé que par M. I... et par le major de police, et non par la société Guyacom, de sorte qu'elle n'en a pas eu connaissance ;
- partant, la décision du 14 septembre 2015 est entachée d'un défaut de motivation et d'une méconnaissance du principe du contradictoire, en violation des articles L. 211-2 et L.122-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- cette même décision ne comporte pas une indication suffisante des bases de sa liquidation dès lors qu'elle n'indique pas, d'une part, sur quel fondement et sur quelle base de calcul l'OFII lui a infligé les sanctions pécuniaires litigieuses, ni, d'autre part, la nationalité des deux personnes contrôlées sans titre de séjour, de sorte qu'il est impossible de contrôler le montant forfaitaire en fonction des zones géographiques du pays dont elles sont originaires ;
- il résulte des dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 8256-2 du code du travail que le montant total de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire ne peut pas dépasser 15 000 euros par salarié embauché et non la somme de 75 000 euros mentionnée par l'OFII soit 30 000 euros pour deux salariés ;
- ainsi, le montant total de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée, de 35 742 euros, soit 17 871 euros par salarié, dépasse clairement le plafond légal.
Par ordonnance du 28 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Axel Basset,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;
- et les observations de MeD..., représentant la société Guyacom.
Considérant ce qui suit :
1. Par une lettre du 5 juin 2015, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a informé la société Guyacom, entreprise spécialisée dans l'installation de téléphonie, de ce qu'à la suite d'un contrôle effectué le 20 novembre 2013 par les services de police sur un chantier de construction d'un relais internet par fibre optique, situé sur la zone artisanale, secteur Adimo à Saint-Georges de l'Oyapock, le procès-verbal dressé à cette occasion avait relevé la présence de deux ressortissants brésiliens en action de travail, se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français et employés pour son compte sans être munis de l'autorisation de travail requise par les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail. A l'issue de la procédure administrative contradictoire prévue à l'article R. 8253-3 du code du travail, ladite autorité administrative a, par une décision du 14 septembre 2015 confirmée le 19 novembre 2015 sur recours gracieux, mis à la charge de la société Guyacom la somme totale de 35 742 euros correspondant, d'une part, à la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail (34 900 euros) et, d'autre part, à la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (842 euros). L'Office français de l'immigration et de l'intégration relève appel du jugement du 1er décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de la Guyane, saisi par la SARL Guyacom, a annulé les deux décisions susmentionnées des 14 septembre et 19 novembre 2015 et déchargée l'intéressée de l'obligation de payer cette somme de 35 742 euros.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". En vertu de l'article L. 8254-1 de ce code : " Toute personne vérifie, lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution de ce contrat, que son cocontractant s'acquitte de ses obligations au regard des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1. ". Aux termes de l'article D. 8254-1 dudit code : " Les vérifications à la charge de la personne qui conclut un contrat, prévues aux articles L. 8254-1 et L. 8254-3, sont obligatoires pour toute opération d'un montant au moins égal à 5 000 euros hors taxes. ". L'article D. 8254-2 de ce code dispose : " La personne à qui les vérifications prévues à l'article L. 8254-1 s'imposent se fait remettre, par son cocontractant, lors de la conclusion du contrat, la liste nominative des salariés étrangers employés par ce dernier et soumis à l'autorisation de travail prévue à l'article L. 5221-2. / Cette liste, établie à partir du registre unique du personnel, précise pour chaque salarié : 1° Sa date d'embauche ; / 2° Sa nationalité ; / 3° Le type et le numéro d'ordre du titre valant autorisation de travail. ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...). ". Aux termes de l'article L. 8271-1 de ce code : " Les infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1 sont recherchées et constatées par les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 dans la limite de leurs compétences respectives en matière de travail illégal. ". Aux termes de l'article L. 8271-17 dudit code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Outre les inspecteurs et contrôleurs du travail, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger sans titre de travail et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger sans titre. / Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code (...), le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions. ".
3. D'une part, l'infraction aux dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail est constituée du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. D'autre part, la qualification de contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont entendu donner à la convention qui les lie mais des seules conditions de fait dans lesquelles le travailleur exerce son activité. A cet égard, la qualité de salarié suppose nécessairement l'existence d'un lien juridique, fût-il indirect, de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie, le contrat de travail ayant pour objet et pour effet de placer le travailleur sous la direction, la surveillance et l'autorité de son cocontractant. Dès lors, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment des divers procès-verbaux de constat et d'audition établis le 20 novembre 2013 par les services de police, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, ainsi que d'un rapport de synthèse de police du 10 avril 2014 adressé au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Cayenne, que dans le cadre d'un chantier de construction d'un relais internet par fibre optique, situé sur la zone artisanale, secteur Adimo à Saint-Georges de l'Oyapock, dont la société Guyacom était chargée, un salarié de cette société a informé M. O...B...G..., ressortissant brésilien déclarant exercer la profession de maçon depuis le 4 novembre 2013, du projet d'édifier, à l'échéance du 12 décembre 2013, un local technique en béton armé ou " shelter " destiné à abriter les raccordements optiques, d'une dimension de cinq mètres sur cinq et de 2,9 mètres de hauteur. Il est établi que M. O...B...G...a rencontré, à la fin du mois d'octobre 2013, un chef d'équipe de la société Guyacom, qui lui a présenté les travaux à effectuer et avec lequel il a négocié le prix de cette prestation, fixé d'un commun accord à 7 150 euros. S'étant rendu en personne au siège de la société Guyacom afin d'encaisser une somme de 2 145 euros correspondant à un acompte de 30 % du coût total de la construction du local technique, M. O... B...G...a proposé à son interlocuteur, compte tenu de ce qu'il ne disposait d'aucune entreprise régulièrement déclarée auprès de l'administration, d'établir une fausse facture au nom d'une société appartenant à l'un de ses amis, en l'occurrence la société RB Construction. Il résulte également de l'instruction que M. O...B...G...a demandé à son propre frère, M. R...B...G..., de le suppléer sur le chantier le 20 novembre 2013 afin d'assurer la direction des opérations en son absence à Cayenne, et que son propre fils, M. Q... B...G..., également présent sur le chantier, a fait appel le matin-même à deux de ses amis afin d'assurer le coulage du béton du local technique, moyennant un paiement en espèces de 60 euros chacun pour cette journée de travail. C'est ainsi que les services de la police aux frontières ont procédé, le 20 novembre 2013, vers 16 heures, à l'interpellation de M. I...A..., de nationalité française, et de M. M...I..., ressortissant brésilien irrégulièrement présent sur le territoire français, en action de travail sur le toit du local technique, à plusieurs mètres de hauteur, sans aucun casque ni harnais de sécurité.
5. Il est vrai, ainsi que le fait valoir la société Guyacom, que les procès-verbaux de police établis le 20 novembre 2013 ne mentionnent pas la présence, sur le chantier, de M. C...N..., ressortissant brésilien muni d'un récépissé de demande de titre de séjour valable du 25 juillet au 24 novembre 2013. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment d'un procès-verbal de police du 19 décembre 2013 versé aux débats, dont les mentions font également foi jusqu'à preuve du contraire, que, lors d'un nouveau contrôle du chantier de construction du relais internet, effectué ce jour-là par les services de police, M. C...N...a été interpellé en action de travail et sans aucun dispositif de protection, avec M. E...P..., ressortissant brésilien muni d'une carte de résident, recrutés l'un et l'autre par M. O...B...G...afin de finaliser l'édification du local technique.
6. Il est constant que M. M...I...et M. C...N..., tous deux en situation irrégulière sur le territoire français à la date de leur intervention sur le chantier de construction du relais internet, étaient dépourvus de l'autorisation de travail requise par les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, et n'avaient fait l'objet d'aucune déclaration préalable à l'embauche, ce qui caractérise une situation de travail dissimulé. Si la société Guyacom se prévaut de ce que cette situation ne lui est pas imputable dès lors qu'elle n'a pas réalisé l'édification du local technique et qu'elle n'a pas procédé directement à l'embauche des deux ouvriers concernés, dont elle ignorait l'irrégularité du séjour sur le territoire français, il résulte de l'instruction qu'elle était chargée du chantier de construction du relais technique, dont elle avait dès lors l'entière responsabilité, et qu'hormis l'outillage, elle avait fourni l'ensemble du matériel et des matériaux utilisés par M. M...I...et M. C...N...sur le chantier, tant le 20 novembre 2013 que le 19 décembre 2013. En outre, la société Guyacom, dont l'un des chefs d'équipe a confié à M. O...B...G...l'édification du local technique en parfaite connaissance de l'illégalité de ses modalités de rémunération et sans qu'aucun contrat de sous-traitance soit régulièrement établi à cette occasion, n'a pas procédé aux vérifications requises par les dispositions des articles L. 8254-1 et D. 8254-2 du code du travail, en s'assurant notamment de ce que son cocontractant, M. O...B...G..., ne recourrait pas à des travailleurs étrangers en situation régulière sur le territoire français. Dans ces conditions, si la société Guyacom n'a pas embauché directement les deux travailleurs incriminés, elle doit être regardée, en sa qualité de donneur d'ordre, comme les ayant employés et comme ayant intentionnellement eu recours à de la main-d'oeuvre étrangère illicite et non qualifiée, sans avoir satisfait à ses obligations légales. Dès lors, et contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a pu estimer que M. M...I...et M. C...N...avaient travaillé indirectement pour le compte de la société Guyacom, laquelle devait être regardée comme leur employeur au sens des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, pour en déduire qu'elle était redevable de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane s'est fondé sur le motif tiré de l'absence de tout lien de subordination direct entre la SARL Guyacom et ces deux ouvriers pour la décharger de l'obligation de payer lesdites contributions.
7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société Guyacom devant le tribunal administratif de la Guyane et en appel.
8. D'une part, aux termes de l'article R. 8253-3 du code du travail : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. ". Aux termes de l'article R. 8253-4 de ce code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. (...) ".
9. D'autre part, aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. ". Cette disposition implique notamment qu'aucune sanction ayant le caractère d'une punition ne puisse être infligée à une personne sans que celle-ci ait été mise à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés.
10. S'agissant des mesures - comme en l'espèce - à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense, qui s'impose aux autorités disposant d'un pouvoir de sanction sans qu'il soit besoin pour le législateur d'en rappeler l'existence, suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et qu'elle puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. Dès lors, si ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution spéciale, qui revêt le caractère d'une sanction administrative. Il appartient seulement à l'administration, le cas échéant, d'occulter ou de disjoindre, préalablement à la communication du procès-verbal, celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l'infraction sanctionnée par la liquidation de la contribution spéciale et susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales.
11. Il est constant que, par une lettre du 5 juin 2015, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a, d'une part, informé la société Guyacom de ce qu'à la suite du contrôle effectué le 20 novembre 2013 par les services de police sur le chantier dont elle avait la responsabilité, le procès-verbal dressé à cette occasion a relevé la présence de deux ressortissants brésiliens en action de travail, se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français et démunis de l'autorisation de travail requise par les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail et, d'autre part, invitée la société Guyacom à présenter ses observations dans un délai de 15 jours. Il résulte de l'annexe à la décision du 14 septembre 2015 que les deux ouvriers irrégulièrement employés sur ce chantier et visés par la présente procédure de mise en oeuvre des contributions litigieuses se nommaient M. M...I...et M. C...N.... Toutefois, et ainsi que le relève l'intimée, les procès-verbaux des services de police du 20 novembre 2013 ne mentionnent que la présence de M. I...A..., de nationalité française, et de M. M...I..., ressortissant brésilien, et non de M. C...N..., lequel - ainsi qu'il a déjà été dit au point 6 - n'a été en réalité interpellé que dans le cadre d'un nouveau contrôle du chantier diligenté par les services de police le 19 décembre 2013, à l'issue duquel un procès-verbal d'infraction a été établi. Il résulte de l'instruction que ni la lettre du 16 juin 2015 susmentionnée, ni les autres correspondances adressées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à la contrevenante au cours de la procédure contradictoire ne font mention de ce procès-verbal du 19 décembre 2013 concernant M. C...N..., qui n'a été versé par l'OFII que dans le cadre de la procédure contentieuse. Dès lors, et ainsi qu'elle le soutient, la société Guyacom n'a pas été mise à même d'avoir accès à l'ensemble des pièces au vu desquelles les manquements fondant les contributions litigieuses ont été retenus, en méconnaissance du principe général des droits de la défense, ce qui l'a privée d'une garantie et, partant, a entaché la procédure suivie d'irrégularité.
12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société Guyacom, que l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé les décisions des 14 septembre et 19 novembre 2015 et déchargée l'intéressée de l'obligation de payer la somme de 35 742 euros correspondant aux deux contributions litigieuses visant les deux ouvriers concernés.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Guyacom, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'Office français de l'immigration et de l'intégration demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelant une quelconque somme à verser à la société Guyacom sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Guyacom tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Guyacom et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Copie en sera transmise à la direction départementale des finances publiques de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 février 2019.
Le rapporteur,
Axel BassetLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 17BX00418