Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2015, M.A..., représenté par la Selarl Sylvain Laspalles, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 juin 2015 ;
2°) d'annuler les arrêtés précités du 4 juin 2015 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a placé en rétention ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte identique ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...A..., de nationalité algérienne, né en 1994, a déclaré être entré en France le 27 février 2015 muni d'un visa de court séjour. Il a cependant été interpellé, le 4 juin 2015, dépourvu de tout document d'identité et de voyage. Il fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 juin 2015, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés en date du 4 juin 2015 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a placé en rétention.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".
3. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. La décision d'éloignement en litige vise les textes sur lesquels elle se fonde, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en particulier son article L. 511-1. Elle mentionne également de nombreux éléments circonstanciés relatifs à la situation personnelle de M.A..., et précise en particulier la date et les conditions de son entrée en France ainsi que sa situation familiale. Par suite, le préfet, qui n'a pas édicté une décision stéréotypée, a suffisamment motivé sa décision en droit comme en fait au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979.
5. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l' Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu' aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...). ". Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a été entendu par les services de la police aux frontières, le 4 juin 2015, assisté d'une interprète en langue arabe, sur son identité, ses conditions d'entrée en France et sa situation administrative ainsi que sur ses conditions d'hébergement et a, en cette occasion, été informé qu'une mesure d'éloignement était susceptible d'être prise à son encontre et mis à même de présenter des observations écrites ou orales. En revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier que M.A..., qui se borne à soutenir que son droit d'être entendu a été méconnu, sans autre précision, aurait disposé d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle ou familiale, qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement, et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
7. En troisième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que, la décision en litige étant suffisamment motivée et M. A...n'ayant pas été privé du droit d'être entendu, ladite décision ne révèle pas que le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen attentif de la situation personnelle de l'intéressé.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ".
9. M. A...se prévaut en appel d'une entrée régulière en France et de sa présence sur le territoire national depuis février 2015, de nombreuses attaches familiales en France, de sa maîtrise du français, de sa parfaite intégration, du fait qu'il n'a jamais troublé l'ordre public et de ce qu'il est persécuté en Algérie. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'étant dépourvu de tout document d'identité et de voyage lors de son interpellation, M. A...n'établit ni la régularité ni la date de son entrée en France. Il n'établit pas non plus sa parfaite maîtrise de la langue française alors que le procès-verbal de son audition du 4 juin 2015 fait état de ce qu'un interprète a dû être requis. Il n'établit pas davantage son intégration dans la société française en ne justifiant ni d'un domicile stable ni de revenus licites et en n'ayant effectué aucune démarche en vue de régulariser sa situation administrative. Il n'établit pas non plus la réalité des " nombreuses attaches familiales " qu'il invoque en France, alors que résident, a minima, ses parents, ses trois soeurs et son frère dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans et où il ne justifie pas avoir subi des persécutions. Dans ces conditions, en édictant la mesure d'éloignement en litige, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a pas méconnu les stipulations précitées. Il n'a pas non plus entaché cette décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelles de M.A....
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...)".
11. En premier lieu, la décision contestée énonce les considérations de droit et de fait qui la fondent. En particulier, le préfet relève que M. A...est entré irrégulièrement en France, n'y a jamais sollicité son admission au séjour et qu'il ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes, dès lors qu'il ne présente aucun document d'identité et qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente à l'administration. Ainsi, le préfet s'est notamment fondé sur le a) et le f) du 3° de l'article L. 511-1-II précité. Il mentionne ensuite un certain nombre d'éléments ayant trait à la vie privée et familiale de l'intéressé. Dans ces conditions, sa décision est suffisamment motivée en droit comme en fait au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979.
12. En deuxième lieu, cette motivation ne révèle pas que le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen attentif de la situation personnelle de M.A..., ni qu'il se serait cru en situation de compétence liée pour prendre cette décision.
13. En troisième lieu, le législateur ayant entendu déterminer à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français, les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire.
14. En quatrième lieu, d'une part, les dispositions du a) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du droit d'asile précitées fixent des critères objectifs et ne sont pas contraires à la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, notamment avec les objectifs de proportionnalité et d'efficacité poursuivis par celle-ci. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait privée de base légale en raison de ce que les dispositions précitées seraient contraires aux articles 1er et 3 de la directive " retour " doit être écarté.
15. D'autre part, M. A...ne peut utilement invoquer, à l'encontre de la décision de refus de délai de départ volontaire, les dispositions de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, dès lors qu'à la date de l'arrêté contesté, cette directive avait été transposée en droit interne par la loi du 16 juin 2011 dans les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les différents moyens qu'il invoque doivent être écartés comme inopérants, dès lors qu'ils sont tirés d'une méconnaissance des " critères " posés par la directive " retour "
16. En dernier lieu, en constatant que M. A...ne justifiait pas d'un document de voyage muni d'un visa en cours de validité ou d'un titre de séjour et ne présentait pas de garanties suffisantes quant à sa représentation effective, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation de la situation de M. A...et ce, quand bien même ce dernier n'aurait causé aucun trouble à l'ordre public.
En ce qui concerne la décision de placement en rétention :
17. Aux termes des articles L.551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561 2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger :... 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...)".
18. En premier lieu, la décision attaquée mentionne les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle vise l'arrêté préfectoral faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français en date du 4 juin 2015. Elle indique que le M. A...ne remplit pas les conditions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour être assigné à résidence et que son départ volontaire en exécution de cette décision n'est pas une perspective raisonnable dès lors, notamment, que l'intéressé a déclaré ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine, ne dispose pas de ressources licites et n'offre pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui incombe de quitter le territoire français puisqu'il ne peut justifier de la possession d'un document de voyage original en cours de validité, qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente auprès de l'autorité préfectorale en n'effectuant aucune démarche en vue de sa régularisation. Cette décision est ainsi suffisamment motivée tant en fait qu'en droit.
19. En deuxième lieu, comme cela a déjà été dit ci-dessus, le requérant ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 15 de la directive 2008/115/CE pour contester la légalité de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire dès lors que cette directive a été entièrement transposée en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité et par les décrets n° 2011-819 et 2011-820 du 8 juillet 2011 pris pour son application.
20. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A...ne présentait pas, à la date des décisions contestées, de garanties de représentation suffisantes. Ainsi, le préfet de la Haute-Garonne a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, décider de placer l'intéressé en rétention administrative.
21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
22. Le présent arrêt rejette la requête de M.A.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
23. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A...sur ces fondements.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
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N° 15BX03397