Procédures devant la cour :
I. Par un recours enregistré le 1er février 2018 sous le n° 18BX00429, le préfet des Deux-Sèvres demande à la cour d'annuler ce jugement du 18 janvier 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers.
Il soutient que c'est à tort que le premier juge a annulé l'arrêté de transfert aux autorités bulgares ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté portant assignation à résidence, au motif tiré de ce que l'intéressé démontrait, au vu de la situation générale du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie et de sa situation particulière, qu'il existerait des défaillances systémiques et qu'il encourrait, en cas de remise aux autorités bulgares, des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 mars 2018, M. C...A..., représenté par la SCP Breillat - Dieumegard - Masson, conclut :
1°) à ce que lui soit alloué le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) au rejet de la requête d'appel ;
3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, et, dans l'hypothèse où il se verrait refuser le bénéfice de l'aide juridictionnelle, à lui verser cette même somme sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, l'afflux massif de migrants en Bulgarie et les conditions de leur prise en charge rendent clairement impossible un examen adapté des demandes d'asile qui seraient susceptibles d'être déposées, les associations présentes sur place faisant état de pratiques coercitives et de mauvais traitements, ainsi que des conditions de prise en charge défaillantes voire absentes, ce qui engendre une atteinte très importante aux droits individuels, notamment sur des personnes vulnérables du fait de la précarité de leur situation ;
- à cet égard, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a préconisé la suspension de tous les transferts de demandeurs d'asile vers la Bulgarie en janvier 2014 ;
- dès lors que les défaillances systémiques, telles que visées par l'article 3-2 du règlement Dublin III, sont bien réelles et ne permettent pas de s'assurer des bonnes conditions d'examen de sa demande d'asile, il est impossible qu'il retourne vers la Bulgarie sans risque pour sa personne ou en étant certain que sa demande d'asile sera convenablement examinée par les instances en charge de l'asile ;
- quand bien même la Bulgarie est un État partie aux accords européens, il appartenait au préfet de procéder à un nécessaire examen complet et rigoureux de sa situation, et tout particulièrement les conditions dans lesquelles il s'était retrouvé en Bulgarie, qu'il avait exposées aux services de la préfecture, ce qui n'a pas été fait ;
- contrairement ce qu'indique le préfet, il se trouve dans une situation de vulnérabilité, du fait de sa nationalité afghane, qui n'est pas prise en compte par les autorités bulgares, ce qui porte nécessairement atteinte à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, étant précisé, à cet égard, qu'il est originaire de Laghman, province située à proximité de Kaboul, où les violences sont quotidiennes et les attentats particulièrement violents compte tenu des affrontements entre les forces de la coalition et les Talibans , qui mettent nécessairement en danger les populations ;
- ainsi, il sera enjoint à l'administration de faire application de l'article 3-2 du règlement Dublin III.
Par ordonnance du 27 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 9 avril 2018.
M. A...a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle de plein droit.
II. Par un recours enregistré le 1er février 2018 sous le n° 18BX00430, le préfet des Deux-Sèvres demande à la cour de suspendre l'exécution du jugement du 18 janvier 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers.
Il soutient que les conditions requises par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies en l'espèce, dès lors qu'il existe une série de moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué.
Par ordonnance du 21 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la Constitution, et notamment son article 53-1 ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Axel Basset a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant afghan né le 2 février 1995 à Laghman (Afghanistan), est entré irrégulièrement sur le territoire français en juillet 2017, selon ses propres dires, afin de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. Il s'est présenté, à cet effet, d'abord le 11 août 2017 à la préfecture de police de Paris, puis, une seconde fois, le 26 septembre suivant, à la préfecture des Deux-Sèvres. Estimant, au vu des résultats des relevés de ses empreintes décadactylaires, que la Bulgarie pouvait s'avérer l'Etat membre responsable de l'examen de son dossier, le préfet de police de Paris a formé, le 14 août 2017, une demande de reprise en charge auprès des autorités bulgares, sur le fondement de l'article 18.1 d) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Ces autorités ayant confirmé, le 21 août 2017, leur compétence pour traiter cette demande d'asile, le préfet des Deux-Sèvres a placé l'intéressé dans le cadre de la procédure dite Dublin, le 26 septembre 2017 puis, par deux arrêtés du 15 janvier 2018, il a prononcé, d'une part, le transfert de l'intéressé vers la Bulgarie et, d'autre part, son assignation à résidence dans ce département. Par un recours n° 18BX00429, le préfet des Deux-Sèvres relève appel du jugement du 18 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers, saisi par M.A..., a annulé ces deux arrêtés et demande, sous le n° 18BX00430, d'en ordonner le sursis à exécution.
2. Les requêtes n°s 18BX00429 et 18BX00430 portent sur la contestation d'un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Dès lors, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
3. Aux termes de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013/UE du 26 juin 2013 susvisé : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". En vertu de l'article 17 dudit règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (....) ". Si la mise en oeuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles : " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ", la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. L'article 20, alinéa 3 de la directive 2011/95/UE du Parlement Européen et du Conseil du 13 décembre 2011 susvisée dispose : " Lorsqu'ils appliquent le présent chapitre [contenu de la protection internationale, y compris la protection contre le refoulement], les États membres tiennent compte de la situation spécifique des personnes vulnérables telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes handicapées, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents seuls accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle. " Enfin, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
4. Il résulte de ces dispositions et stipulations que la présomption selon laquelle un État " Dublin " respecte ses obligations découlant de l'article 3 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est renversée en cas de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant subi par ces derniers. Les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 prévoient ainsi que chaque État membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par ce règlement. Cette possibilité, également prévue par l'article 17 du même règlement et reprise par l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit en particulier être mise en oeuvre lorsqu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé courra, dans le pays de destination, un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ce cas, les autorités d'un pays membre peuvent, en vertu du règlement communautaire précité, s'abstenir de transférer les ressortissants étrangers vers le pays pourtant responsable de sa demande d'asile si elles considèrent que ce pays ne remplit pas ses obligations au regard de la Convention, notamment compte tenu de la durée du traitement et de ses effets physiques et mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge, de l'état de santé du demandeur (CEDH, n° 30696/09, MSS / Belgique 21 juin 2011) et le cas échéant, de sa particulière vulnérabilité définie par les dispositions précitées de l'article 20 de la directive 2011/95/UE. Tel est le cas notamment lorsqu'un demandeur d'asile qui est totalement dépendant de l'aide publique, serait confronté à l'indifférence des autorités alors qu'il se trouverait dans une situation de privation ou de manque à ce point grave qu'elle serait incompatible avec la dignité humaine (CEDH, n° 29217/12 Tarakhel c/ Suisse, CEDH, 4 novembre 2014).
5. En application du principe qui vient d'être énoncé, il appartient au juge administratif de rechercher si, à la date de l'arrêté contesté, au vu de la situation générale du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie et de la situation particulière de M. A..., il existait des motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de remise aux autorités bulgares, il ne bénéficierait pas d'un examen effectif de sa demande d'asile et risquerait de subir des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il est constant que la Bulgarie est un État membre de l'Union européenne, partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complété par le protocole de New-York, et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si - ainsi que le soutient M. A...- B...-commissariat aux réfugiés (HCR) avait demandé, en janvier 2014, la suspension temporaire des réadmissions vers la Bulgarie, celui-ci ne recommande plus cette suspension, depuis le mois d'avril 2014, en raison notamment des crédits supplémentaires de l'Union européenne alloués à la Bulgarie pour le traitement des demandes d'asile et du soutien du Bureau européen en matière d'asile, et se borne à inviter les Etats à s'assurer que la remise de l'étranger aux autorités bulgares s'avère compatible avec la protection des droits fondamentaux, en portant une attention particulière pour le transfert de certains groupes vulnérables, tels qu'ils ont été mentionnés au point 3 ci-dessus, dont M. A...n'établit pas faire partie. En outre, la Commission européenne, qui connaît la situation de la Bulgarie pour avoir notamment décidé, au mois de septembre 2016, de lui octroyer une aide d'urgence de 108 millions d'euros pour améliorer la gestion des frontières et des migrations, n'a jamais recommandé la suspension des transferts vers ce pays, comme elle l'avait fait pour la Grèce. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la réadmission de l'intéressé vers la Bulgarie serait, par elle-même, constitutive d'une atteinte au droit d'asile. Par ailleurs, M. A...n'établit pas, par les documents à caractère général qu'il produit, émanant d'organisations internationales de défense des droits de l'homme, dont certains sont d'ailleurs rédigés en langue anglaise, que les autorités bulgares ne traiteraient pas sa demande d'asile dans le respect du droit d'asile et qu'au jour de la décision contestée, soit le 15 janvier 2018, il existerait en Bulgarie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs. S'il soutient qu'il n'a jamais voulu déposer une demande d'asile en Bulgarie mais qu'il y a été contraint par la force, en donnant ses empreintes sans comprendre qu'il s'agissait d'une demande d'asile, qu'il a été interpellé par la police et enfermé dans un centre de détention pendant plusieurs mois, où il a souffert de violences et de mauvais traitements émanant du personnel du centre et a été privé de la possibilité de voir un médecin, alors qu'il souffre d'une pathologie nécessitant des soins et un traitement, ses propres déclarations, qui, contrairement à ce qu'à relevé le tribunal, apparaissent assez succinctes et peu circonstanciées, ne sont corroborées par aucune pièce probante et, partant, ne suffisent pas à l'établir. Dès lors, c'est à tort que le premier juge a estimé qu'il existait, à la date de l'arrêté contesté, des motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de remise effective aux autorités bulgares, M. A...risquerait de subir des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et annulé, pour ce motif, le premier arrêté litigieux portant transfert aux autorités bulgares dans le cadre du traitement de sa demande d'asile ainsi que, par voie de conséquence, son assignation à résidence.
7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A...devant le tribunal administratif de Toulouse et en appel.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Poitiers :
S'agissant des moyens dirigés contre l'arrêté de transfert aux autorités bulgares :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...) ". En vertu de l'article L. 742-3 dudit code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".
9. L'arrêté contesté vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment ses articles 3 et 8, la convention de Genève du 28 juillet 1951 modifiée, le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé dit " Dublin III " et le règlement (CE) 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié, relatif aux critères de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, plus particulièrement, ses articles L. 741-1, L. 741-2 et L. 742-1 auxquels il fait expressément référence dans son considérant n° 3. Il mentionne, d'une part, que M.A..., entré irrégulièrement en France, a sollicité l'asile le 11 août 2017 et que les autorités bulgares, saisies le 14 août 2017 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18-1-d) du règlement (UE) 604/2013, ont fait connaître leur accord le 21 août 2017, et, d'autre part, que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) 604/2013. Cet arrêté fait également état de ce qu'il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France, de sorte qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ce même arrêté précise enfin que M. A...n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorité de l'Etat responsable de sa demande d'asile, en l'occurrence la Bulgarie. Dès lors, et contrairement à ce que soutient M. A..., cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé au regard des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'il ne mentionne pas, d'une part, que le règlement n° 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003 a été modifié par le règlement 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 et, d'autre part, si la demande s'asile déposée par l'intéressé en Bulgarie a été menée jusqu'à son terme.
10. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté contesté, telle qu'elle vient d'être exposée au point 9, que le préfet des Deux-Sèvres n'a pas omis de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. A...avant d'ordonner son transfert aux autorités bulgares et, tout particulièrement, la possibilité de faire usage des dérogations prévues par les dispositions précitées des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, le moyen tiré de ce que ledit arrêté serait entaché d'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de 1'application du présent règlement, et notamment :/ a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ;/ c) de l'entretien individuel en vertu de 1'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ;/ d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement / f) de 1'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus à l'article 4.1 de ce règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
12. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que M. A... s'est vu remettre, lors d'un entretien organisé le 26 septembre 2017 à la préfecture des Deux-Sèvres avec l'assistance d'un interprète en langue pachto, langue qu'il a déclaré comprendre, un exemplaire complet de la brochure d'" information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes " (guide A) et de la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure dite " Dublin " (guide B), qui constituent la " brochure commune " prévue par les dispositions précitées de 1'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. En outre, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté qu'il mentionnait que l'intéressé devrait être transféré vers la Bulgarie, Etat responsable de sa demande d'asile, dans un délai de six mois à compter de l'accord de ce pays. Dès lors, le moyen tiré de ce que M. A... n'a pas reçu les éléments d'information requis par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement dit " Dublin III " doit être écarté.
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : (...) b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. (...). ".
14. Ainsi qu'il a déjà été dit au point 12, M. A...a été reçu à un entretien organisé le 26 septembre 2017 dans les services de la préfecture des Deux-Sèvres, avec l'assistance d'un interprète de la société ISM interprétariat, agréée par le ministère de l'intérieur, dans la langue qu'il avait déclaré comprendre, en l'occurrence la langue pachto. En se bornant à remettre en cause la compétence de l'agent ayant diligenté le premier entretien qui avait été organisé le 11 août 2017 à la préfecture de police de Paris, au motif tiré de ce que le formulaire d'entretien individuel ne comporterait pas son prénom et son nom, l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à établir que ce second entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, dans le respect du principe de confidentialité. Dans ces conditions, les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'ont pas été méconnues.
15. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a déjà été dit aux points 3 à 6 que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 3-2 et 17 de ce même règlement doivent être écartés.
S'agissant des moyens dirigés contre l'arrêté portant assignation à résidence :
16. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) / Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. (...) ".
17. En premier lieu, le second arrêté contesté du 15 janvier 2018, qui vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment ses articles L. 561-2, R. 561-2 et R. 561-3, précise que M. A...fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités bulgares prise le même jour, qu'il présente des garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'exécution de l'arrêté transfert dès lors qu'il justifie d'une adresse connue, et qu'il ne peut quitter immédiatement la France en l'absence de délivrance, à ce jour, de la place d'avion sollicitée auprès des services de la police aux frontières. Dès lors, et contrairement à ce que soutient M. A..., l'arrêté portant assignation à résidence, qui comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent, est suffisamment motivé.
18. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'arrêté prononçant le transfert de M. A...vers la Bulgarie n'est pas entaché d'illégalité. Dès lors, l'arrêté l'assignant à résidence n'est pas dépourvu de base légale.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution (requête n° 18BX00430) :
19. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement du 18 janvier 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers, les conclusions de la requête n° 18BX00430 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :
20. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18BX00430 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1800094 du 18 janvier 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers.
Article 2 : Le jugement n° 1800094 du 18 janvier 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Poitiers et les conclusions d'appel de M. A...sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mai 2018.
Le rapporteur,
Axel BassetLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N°s 18BX00429, 18BX00430