Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2018, la société CFI Technologies, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 octobre 2018 ;
2°) à titre principal, de la décharger des pénalités de retard et de condamner le CNED à lui payer la somme de 28.035 euros ;
3°) à titre subsidiaire, de moduler le montant de ces pénalités qui ne saurait dépasser 25 % du prix du marché ;
4°) de mettre à la charge du CNED la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société CFI Technologies soutient que :
- les retards qui lui sont reprochés sont imputables à des sujétions techniques imprévues et à des tiers, dès lors que, pendant la période de prise en charge des commandes de l'ancien titulaire du marché, elle s'est trouvée confrontée à une surcharge de travail et à des méthodes de traitement des commandes complètement différentes des siennes ;
- de telles sujétions sont également apparues, au moment de la résiliation de son marché, lors du transfert des commandes au nouveau titulaire, situé à Toulouse, alors qu'elle-même a son siège en région parisienne, une telle distance étant imprévisible au moment de la signature du contrat ;
- à titre subsidiaire, le montant des pénalités doit être ramené à 25 % du prix facturé, dès lors que le CNED a été satisfait de ses prestations malgré quelques retards intervenus à la marge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2020, le Centre national d'enseignement à distance, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête, et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société CFI Technologies au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir, à titre principal, que le jugement doit être confirmé, et à titre subsidiaire, que la demande portée devant les premiers juges était irrecevable, en application de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de service.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de Mme C... D...,
- et les observations de Me A... pour le CNED.
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 avril 2013, le Centre national de l'enseignement à distance (CNED) a confié à la société CFI technologies l'exécution du lot n° 1 d'un marché de stockage, colisage, routage de documents papiers et autres supports. Le 30 septembre 2013, le directeur général du CNED a adressé à la société un courrier relevant " des dysfonctionnements majeurs " dans l'exécution des prestations, tenant à de nombreux retards dans l'envoi des colis. Par courrier du 1er octobre 2013, la société CFI Technologies a fait part de son " désistement au titre de ses obligations " contractuelles, en raison des " coûts disproportionnés " dans l'exécution du marché, dus " en partie aux difficultés d'intégration des stocks livrés par le prestataire sortant, comme signalé, dans des conditions inacceptables " et de l'impossibilité de " redresser la situation du fait d'une pression constante demandée sur les résultats ". En réponse, le 2 octobre 2013, le CNED a informé la société de sa décision de résilier le marché, à compter du jour où le stock aura été intégralement transféré chez le nouveau prestataire. Ce même courrier précisait que, sous réserve du respect d'un calendrier d'expéditions de commandes en cours et de transfert des stocks au nouveau prestataire, il n'y aurait pas d'application de pénalités de retard.
2. Par des courriers des 8 octobre et 29 novembre 2013, la société CFI Technologies a demandé au CNED le paiement de plusieurs factures d'un montant total de 34 728,81 euros TTC. Toutefois, arguant de nombreux retards dans l'exécution du calendrier prévu dans le courrier du 2 octobre 2013, le CNED a informé la société, par lettre du 14 février 2014, qu'il lui infligeait les pénalités de retard prévues à l'article 5.9.1.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché, tout en ramenant leur montant de la somme de 105 340 euros à celle de 28 035 euros, le solde du marché restant dû à la société étant ainsi de 6 693,81 euros TTC.
3. La société CFI Technologie a demandé au tribunal administratif de Poitiers de la décharger des pénalités de retard et de condamner le CNED à lui verser la somme de 28 035 euros au principal. Elle relève appel du jugement du 17 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
4. Aux termes de l'article 5.9.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché en cause : " Les pénalités de retard sont fixées forfaitairement à 5 HT par jour de retard et par colis ou pli expédié hors délai, chaque jour commencé étant considéré comme dû. / il n'est pas prévu de dispositif d'exonération des pénalités. Celles-ci sont appliquées sans mise en demeure et prélevées par précompte sur le montant révisé TTC des sommes dues au titulaire. Les pénalités ne sont pas révisables. / Les pénalités ne sont pas plafonnées ".
5. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.
6. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.
7. En premier lieu, la société CFI Technologies soutient qu'aucune pénalité de retard ne peut être mise à sa charge, dès lors que les retards constatés sont imputables à des sujétions techniques imprévues et à des tiers. Elle fait ainsi valoir que la prise en charge du stock de commandes non traitées par l'ancien titulaire du marché, en avril et mai 2013, l'a confrontée à des méthodes de traitement des commandes complètement différentes des siennes, que ses équipes ont dû assimiler très rapidement, tout en traitant les nouvelles commandes sous la pression constante du CNED. Toutefois, d'une part, ces circonstances ne peuvent être regardées comme des sujétions imprévues, dès lors que l'article 1.2.5 du cahier des clauses techniques particulières, intitulé " Prise en charge du stock en début et en fin de marché ", détaille les modalités de cette prise en charge, à laquelle la société attributaire devait se préparer. D'autre part, il est constant que, dans son courrier du 2 octobre 2013 informant de sa décision de résilier le marché, le CNED a précisé renoncer à l'application des pénalités de retard dues à cette date, sous réserve du respect d'un calendrier d'expédition des commandes en cours et de transfert des stocks au nouveau prestataire. Par courrier du 14 février 2014, il a constaté que ce calendrier n'avait pas été respecté, et décidé de l'application des pénalités litigieuses. Or, il ressort des tableaux annexés à ce dernier courrier que les pénalités ainsi infligées n'ont porté que sur les retards constatés durant les mois de juillet à septembre 2013. Ainsi, les pénalités litigieuses sont sans lien avec les retards constatés lors de la prise en charge des commandes en tout début d'exécution du marché. De même, la société CFI technologies ne peut en aucun cas soutenir que les retards ainsi sanctionnés seraient partiellement imputables à des sujétions techniques rencontrées en fin de marché, lors du transfert des stocks au nouveau prestataire, dues au fait que ce dernier avait son siège à Toulouse alors qu'elle-même se trouve en région parisienne et que cette distance aurait été imprévisible au moment de la signature du marché litigieux, dès lors que ce transfert de stock n'a eu lieu qu'après la décision du 2 octobre 2013 de résilier le contrat, et est ainsi postérieur à la période prise en compte pour l'infliction des pénalités.
8. En second lieu, la société CFI Technologies soutient qu'il y a lieu de moduler les pénalités mises à sa charge. Il résulte de l'instruction que le CNED, par courrier du 14 févier 2014, après avoir constaté que le calendrier d'expédition des commandes en cours et de transfert des stocks au nouveau prestataire n'avait pas été respecté, a décidé d'appliquer les pénalités sur les retards constatés durant les mois de juillet à septembre 2013, mais a toutefois plafonné le calcul des pénalités et fixé leur montant total à 28 035 euros au lieu des 105 340 euros TTC dus en application du cahier des clauses administratives particulières. La société fait valoir que ce montant de 28 035 euros rapporté au montant des factures au titre de ces trois mois, de 34 728,81 euros, représente une pénalité de plus de 80 % du montant du marché. Toutefois, le caractère excessif des pénalités s'apprécie sur l'ensemble de la durée d'exécution d'un marché. À défaut de précisions sur le montant de l'ensemble des prestations facturées au titre de l'exécution du marché en cause, la société CFI Technologie ne démontre pas le caractère manifestement excessif des pénalités litigieuses.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'article 37-2 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché litigieux, que la société CFI Technologies n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à sa charge, au profit du CNED, la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société CFI Technologies est rejetée.
Article 2 : La société CFI Technologies versera au CNED la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société CFI Technologies et au Centre national de l'enseignement à distance.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme E..., présidente-assesseure,
Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX04349