Procédure devant la cour :
I°) Par une requête, enregistrée le 26 juin 2020 sous le n° 20BX02072, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 14 avril 2020.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté n'a pas porté atteinte au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il est garanti par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- à défaut de pouvoir justifier d'un visa " étudiant ", l'intéressée ne peut bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée à Mme A..., qui n'a pas produit de mémoire.
II. Par une requête, enregistrée le même jour sous le n° 20BX02073, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement susmentionné.
Il soutient que sa requête au fond contient des moyens sérieux de nature à entraîner, outre l'annulation du jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance 2020-305 du 25 mars 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante haïtienne née le 10 avril 1998, déclare être entrée en France en 2017. Par un arrêté du 16 août 2019, le préfet de la Guadeloupe a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.
2. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX02072, le préfet de la Guadeloupe relève appel du jugement du 14 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté contesté et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 20BX02073, le préfet demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement.
Sur la jonction :
3. Les requêtes enregistrées sous les n° 20BX02072 et n° 20BX02073 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un même arrêt.
Sur la requête n° 20BX02072 :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) ; 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. L'intéressée fait valoir qu'elle vit avec ses parents et son frère depuis son entrée sur le territoire français en 2017 et que l'obtention du baccalauréat le 9 juillet 2019 et son inscription pour l'année universitaire 2019-2020 à la faculté des sciences juridiques et économiques de l'Université des Antilles démontrent qu'elle suit une scolarité assidue et sérieuse en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., entrée irrégulièrement sur le territoire français, est célibataire et sans enfant et que ses parents et ses frères et soeurs, en situation irrégulière, n'ont pas vocation à demeurer sur le territoire français. Par ailleurs, elle ne produit aucune pièce susceptible d'établir qu'elle aurait tissé des liens privés en France d'une particulière intensité. De même, elle n'établit ni même n'allègue qu'elle ne pourrait poursuivre sa scolarité en Haïti. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée doit être écarté. Dans ces conditions, le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a estimé que l'arrêté contesté méconnaissait les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par Mme A... à l'encontre de l'arrêté en litige du 16 août 2019.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe :
7. En premier lieu, si l'intéressée produit un arrêté sur lequel ne figure aucune signature, il ressort des pièces fournies en défense par le préfet de la Guadeloupe que l'arrêté du 16 août 2019 a été signé, pour le préfet, par le sous-préfet de Pointe-à-Pitre. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature doit être écarté.
8. En deuxième lieu, Mme A... ne peut utilement invoquer les orientations générales que le ministre de l'intérieur, dans sa circulaire du 28 novembre 2012, a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation et qui sont dépourvues de portée impérative. En tout état de cause, si l'intéressée se prévaut du point 2.1.3 de la circulaire du 28 novembre 2012, relatif aux mineurs devenus majeurs, en vertu duquel les préfets doivent procéder à un examen particulièrement attentif de la situation des étrangers entrés mineurs en France pour rejoindre leur famille proche, dès lors qu'ils peuvent justifier d'au moins deux ans de présence en France à la date de leur dix-huitième anniversaire et d'un parcours scolaire assidu et sérieux, il ressort de pièces du dossier que Mme A..., qui est entrée sur le territoire français à l'âge de 19 ans, ne remplit pas les conditions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la circulaire du 28 novembre 2012 doit être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant " ". Et aux termes de l'article L. 313-2 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour (...) ".
10. Mme A... soutient qu'elle peut obtenir d'office un titre de séjour en qualité d'étudiant. Toutefois, l'intéressée, qui ne conteste du reste pas être entrée en France irrégulièrement et être dépourvue de visa de long séjour, n'établit pas disposer de moyens d'existence suffisants. Par suite, le préfet de la Guadeloupe n'a pas méconnu les dispositions précitées en estimant que l'intéressée ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ".
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 16 août 2019.
Sur la requête n° 20BX02073 :
12. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 14 avril 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe, les conclusions de la requête n° 20BX02073 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20BX02073 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1901044 du 14 avril 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe.
Article 2 : Le jugement n° 1901044 du 14 avril 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.
Article 3 : Les demandes présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
Mme C..., présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier-conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX02072,20BX02073 2