Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 avril 2021, régularisée le 14 juin 2021, le préfet de la Charente-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 mars 2021 et de rejeter la demande présentée par M. A....
Il soutient que :
-le jugement est irrégulier, dès lors qu'il a retenu, pour fonder son annulation, un moyen d'ordre public qu'il n'a jamais communiqué aux parties, violant ainsi le principe du contradictoire ;
-la magistrate désignée du tribunal administratif ne s'est pas fondée sur la version applicable au litige de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne requiert plus la notification de la décision de la CNDA lorsqu'elle n'est pas prise par ordonnance comme c'est le cas en l'espèce ; ainsi, il pouvait légalement prendre l'arrêté en litige même en l'absence de preuve de cette notification ; au demeurant, il produit la fiche Telemofpra, qui indique que la notification de la décision de la CNDA a été effectuée le 24 novembre 2020 ;
-le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait ;
-cet arrêté, notamment le refus de séjour, est suffisamment motivé en droit et en fait ;
-il n'a pas omis de se livrer à un examen attentif de la situation particulière de M. A... ;
-les principes du contradictoire et du respect des droits de la défense n'ont pas été méconnus ;
-l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'a pas été méconnu, ni l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
-l'arrêté attaqué ne porte pas atteinte au respect de la vie privée et familiale de M. A... ; il n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation à cet égard ;
-M. A... ne pouvait être régularisé par le travail, que ce soit sur le fondement de l'article L. 313-10 ou L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Duclos, conclut :
1°) à ce que l'aide juridictionnelle provisoire lui soit accordée ;
2°) au rejet de la requête ;
3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que son conseil renonce à percevoir la part contributive de l'État, ou, si l'aide juridictionnelle ne lui est pas accordée, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Charente-Maritime ne sont pas fondés.
Par une décision du bureau de l'aide juridictionnelle, du 16 septembre 2021, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridique totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de présenter des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen, né le 6 mars 2000, est entré irrégulièrement en France le 15 novembre 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 20 avril 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 16 novembre 2020. Par un arrêté du 4 février 2021, le préfet de la Charente-Maritime lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Ledit préfet fait appel du jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers du 19 mars 2021, qui a annulé son arrêté du 4 février 2021 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, un titre provisoire de séjour.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes du III de l'article R. 723-19 du même code, dans sa version applicable : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la décision de l'OFPRA du 20 avril 2020, rejetant la demande d'asile de M. A... a été confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 16 novembre 2020, faisant suite à une audience qui s'est tenue le 23 octobre 2020 après-midi. Dès lors, en application des dispositions précitées, M. A... ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français à compter de cette dernière décision. Au demeurant et en tout état de cause, il ressort du relevé d'information de la base de données " TelemOfpra " relative à l'état des procédures de demande d'asile, produit en appel par le préfet et qui fait foi jusqu'à preuve du contraire en application des dispositions de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la décision de la CNDA du 16 novembre 2020, a été notifiée à M. A... le 24 novembre 2020.
4. Il suit de là que le préfet de la Charente-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 4 février 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers s'est fondée sur le motif tiré de ce qu'il n'avait pas apporté la preuve de la notification régulière à M. A... la décision de la Cour nationale du droit d'asile le concernant.
5. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... à l'encontre de l'arrêté du 4 février 2021 tant en première instance qu'en appel.
Sur la demande présentée par M. A... :
En ce qui concerne l'aide juridictionnelle provisoire :
6. Par une décision du 16 septembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A.... Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
En ce qui concerne le refus de séjour :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. A... se prévaut de sa volonté d'intégration professionnelle, en produisant un contrat à durée déterminée de trois mois au cours de l'été 2019 en tant que plongeur de cuisine, puis un contrat à durée indéterminée conclu en mai 2021 pour occuper les mêmes fonctions, à la suite d'une autorisation de travail attribuée par la préfecture en exécution du jugement attaqué. Cependant, il ressort des pièces du dossier qu'il est entré irrégulièrement en France en novembre 2018 à l'âge de 18 ans, qu'il est célibataire et sans enfant et qu'il n'établit ni n'allègue être pourvu d'attaches sur le territoire français, alors qu'il a passé la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine, où il ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales. Dans ces conditions, le refus de séjour contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ".
10. En se prévalant des éléments et circonstances exposés au point 8, M. A... n'établit pas que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet de la Charente-Maritime, qui a examiné sa situation au regard de ce fondement, aurait méconnu ces dispositions, doit être écarté.
En ce qui concerne la mesure d'éloignement :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen fondé sur une exception d'illégalité du refus de séjour ne peut qu'être écarté.
12. En deuxième lieu, les moyens dirigés contre la mesure d'éloignement et tirés de l'incompétence du signataire de la décision attaquée, de l'insuffisante motivation de celle-ci, du défaut d'examen attentif de la situation du requérant, de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation commises par le préfet, et de ce qu'il aurait méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant, énoncés exclusivement dans la requête sommaire présentée par M. A... devant le tribunal administratif, ne sont pas étayés des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Ils ne peuvent donc qu'être écartés pour ce motif.
13. En troisième lieu, si M. A... soutient que le préfet ne l'a pas mis à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, lorsque le préfet refuse la délivrance d'un titre de séjour à un étranger auquel la qualité de réfugié a été refusée, cette décision doit être regardée comme prise en réponse à une demande d'admission au séjour présentée sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 et de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la reconnaissance du statut de réfugié impliquant la délivrance d'une carte de résident. Ainsi, lorsqu'il sollicite son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande d'asile, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. À l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, tant au cours de l'instruction de sa demande qu'après que l'Office français de protection des réfugiés a statué sur sa demande d'asile, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise sur le fondement du 6°) de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'espèce, la décision contestée est intervenue plus de dix mois après que l'OFPRA a rejeté la demande d'asile, et aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que M. A... aurait été empêché de présenter des observations, notamment sur ses craintes pour sa vie en cas de retour en Guinée, avant l'édiction de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen fondé sur une exception d'illégalité de la mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté.
15. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° À destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
16. M. A... ne démontre ni même n'allègue encourir des risques personnels, réels et actuels en cas de retour dans son pays d'origine, alors, au demeurant, que sa demande d'asile a été rejetée tant par l'OFPRA que par la CNDA. Par suite, en prenant la décision en litige, le préfet n'a ni méconnu les dispositions et stipulations précitées, ni entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation de l'intéressé au regard des risques qu'il encourrait en cas de retour en Guinée au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que le préfet de la Charente-Maritime est fondé à soutenir que la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif doit être rejetée. Par voie de conséquence, les conclusions de M. A... aux fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de M. A... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le jugement n° 2100475 du 19 mars 2021 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 octobre 2021.
La rapporteure,
Florence D...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Boukoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX01665