- réduit les bases d'impositions litigieuses de 22 313 euros pour 2011, 21 727 euros pour 2012 et 10 380 euros pour 2013 ;
- substitué la majoration de 40 % de l'article 1729 du code général des impôts à celle de 80 % ;
- rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 novembre 2018 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité des conclusions de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011, 2012 et 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. E... soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que le tribunal administratif a substitué d'office à la majoration de 80 % celle de 40 % sans le mettre en mesure de faire valoir ses arguments en défense ;
- sur l'imposition des revenus distribués, le tribunal administratif a considéré que la simple qualité de gérant majoritaire suffisait à lui conférer la qualité de maître de l'affaire, ce qui est contraire à la jurisprudence du Conseil d'État ;
- les chèques cadeaux ont été utilisés pour 70 % d'entre eux dans l'intérêt de la société ;
- les irrégularités comptables constatées ne sont pas constitutives d'un manquement délibéré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 novembre 2018 soit réformé en tant qu'il a fait droit aux conclusions de la demande.
Il soutient que les montants admis en déduction des bases d'imposition litigieuses doivent être de 13 230 euros pour 2011, 10 380 euros pour 2012 et qu'aucune déduction ne peut être admise pour 2013.
Par ordonnance du 2 mars 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 6 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de Mme C... D...,
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme E... détiennent l'intégralité des parts de la SARL Ravalement de France 17 (RF 17) et 70 % des parts de la SARL Ravalement de France 85 (RF 85), qui réalisent toutes deux des enduits de façade et dont M. E... est le gérant. La SARL Ravalement de France 85 a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2014, et la SARL Ravalement de France 17 a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des années 2012, 2013 et 2014. Au cours de ces contrôles, le service a constaté que les deux sociétés avaient bénéficié de la distribution par leur fournisseur, la société Produits de revêtement du bâtiment (PRB), de chèques cadeaux prenant la forme d'avoirs, qui n'avaient pas été comptabilisés. L'administration a réintégré ces avoirs dans les résultats imposables des sociétés RF 17 et RF 85, et M. E... a été imposé en qualité de bénéficiaire de revenus distribués, en application du c de l'article 111 du code général des impôts.
2. Par jugement du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la part des contributions sociales dégrevée en cours d'instance, réduit les bases d'impositions litigieuses de 22 313 euros pour 2011, 21 727 euros pour 2012 et 10 380 euros pour 2013, substitué la majoration de 40 % de l'article 1729 du code général des impôts à celle de 80 % et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. E.... Celui-ci relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité des conclusions de sa demande, et, par la voie de l'appel incident, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour de réformer le jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions de l'appelant.
Sur la régularité du jugement :
3. Lorsque l'administration n'établit pas l'existence, de la part du contribuable, de démarches ou procédés destinés à l'égarer dans ses contrôles caractérisant des manoeuvres frauduleuses, il appartient au juge, alors même que l'administration ne le saisirait pas d'une demande en ce sens, de rechercher si les éléments qui étaient invoqués par l'administration pour justifier des pénalités pour manoeuvres frauduleuses permettent, à défaut d'établir ces dernières, de caractériser la mauvaise foi du contribuable et de substituer à la majoration de 80 % appliquée par l'administration la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts. Ainsi, c'est sans entacher son jugement d'irrégularité que le tribunal administratif de Poitiers, constatant que les faits sur lesquels le service s'était fondé pour appliquer les pénalités pour manoeuvres frauduleuses contestées devant lui, lesquels avaient pu être discutés par le contribuable, justifiaient l'application des pénalités pour manquement délibéré, a, sans avoir préalablement informé les parties, substitué ces dernières aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses.
Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :
4. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) "
5. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 15 décembre 2014, que, lors de la vérification de comptabilité de la société RF 85 et du contrôle sur pièces de la société RF 17, le service a constaté que la société Produits de revêtement du bâtiment (PRB), fournisseur d'enduits avec lequel les deux sociétés sont liées par un contrat de partenariat, avait consenti aux sociétés des ristournes de fin d'année, calculées sur le volume d'enduits consommé et versées notamment sous la forme de chèques cadeaux non nominatifs ou de voyages. Les notes d'avoir établies par PRB au nom des deux sociétés mentionnent que les chèques-cadeaux ont été remis à M. E..., pour des montants de 34 980 euros en 2011 (1 166 chèques Havas d'une valeur faciale de 30 euros), 43 740 euros en 2012 (1 458 chèques Havas d'une valeur faciale de 30 euros) et de 42 090 euros en 2013 (1 403 chèques Kadeos d'une valeur faciale de 30 euros). Ces remises n'ayant pas été comptabilisées dans les écritures des sociétés RF 17 et RF 85, le vérificateur les a réintégrées au résultat imposable des trois exercices. Les chèques cadeaux ayant été remis à M. E... et les sociétés n'établissant pas leur utilisation à des fins professionnelles (primes aux salariés, cadeaux aux sous-traitants...), le service a considéré qu'ils devaient être regardés comme des revenus distribués et les a imposés entre les mains de M. E..., en application du c de l'article 111 du code général des impôts.
En ce qui concerne l'appel principal :
6. En premier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, pour estimer que les chèques cadeaux en cause devaient être regardés comme des revenus distribués au profit de M. E..., l'administration s'est fondée sur les circonstances que ces chèques non nominatifs lui avaient été remis et qu'il n'était pas justifié de leur utilisation par les sociétés RF 17 et RF 85 à des fins professionnelles. Ainsi, le service ne s'est pas fondé sur la notion de maître de l'affaire. Par suite, M. E... ne peut utilement soutenir que la simple qualité de gérant majoritaire ne suffisait pas à lui conférer la qualité de maître de l'affaire.
7. En second lieu, si le requérant soutient que les chèques cadeaux ont été utilisés par les sociétés à concurrence de 70 % à des fins professionnelles et que, symétriquement, seuls 30 % des sommes en cause peuvent être regardées comme des revenus distribués, il n'apporte pas d'élément probant permettant d'accréditer les pourcentages dont il se prévaut.
En ce qui concerne l'appel incident :
8. Les chèques cadeaux litigieux ont été remis à M. E... les 4 mai 2011 pour une valeur totale de 34 980 euros, 12 avril 2012 pour une valeur totale de 43 740 euros et 16 mai 2013 pour une valeur totale de 42 090 euros. Par suite et ainsi que le fait valoir le ministre, les chèques cadeaux distribués aux salariés en décembre 2010 et aux sous-traitants lors de l'exercice clôturé le 31 mars 2011 ne peuvent être regardés comme établissant l'utilisation professionnelle de chèques-cadeaux remis par PRB le 4 mai 2011.
9. Il résulte de l'instruction et notamment des attestations de salariés produites, que, s'agissant des chèques-cadeaux offerts par PRB le 4 mai 2011, M. E... justifie de la remise aux salariés des sociétés RF 85 et RF 17 de chèques-cadeaux en décembre 2011 pour des valeurs de 3 840 et de 4 800 euros et de la remise à leurs sous-traitants de chèques- cadeaux pour 4 590 euros, soit 13 230 euros au total.
10. De même, s'agissant des chèques cadeaux offerts par PRB le 12 avril 2012, le requérant justifie de la remise en décembre 2012 aux salariés de chèques cadeaux pour une valeur de 3 840 et de 3 600 euros et aux sous-traitants pour une valeur de 2 940 euros, soit 10 380 euros au total.
11. Enfin, s'agissant des chèques cadeaux qui lui ont été remis le 16 mai 2013, M. E... n'apporte aucun élément justifiant de leur remise aux salariés ou aux sous-traitants.
12. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que les sommes que le tribunal administratif de Poitiers a admis en réduction des bases d'impositions litigieuses doivent être ramenées de 22 313 euros à 13 230 euros s'agissant de l'année 2011, de 21 727 euros à 10 380 euros pour 2012, et qu'aucune réduction de ces bases ne peut être admise au titre de l'année 2013.
Sur les pénalités :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) "
14. Il est constant que M. E..., en qualité de gérant des sociétés RF 17 et RF 85, a reçu de la société PRB des chèques cadeaux destinés aux sociétés, qui n'ont pas été enregistrés dans leur comptabilité et qu'il a sciemment utilisés pour effectuer des achats personnels dans différentes enseignes référencées par la société émettrice desdits chèques cadeaux, sans porter ces sommes dans ses déclarations de revenus. Par suite le manquement délibéré est établi.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les sommes que le tribunal administratif de Poitiers a admis en réduction des bases d'impositions litigieuses doivent être ramenées de 22 313 euros à 13 230 euros au titre de l'année 2011, de 21 727 euros à 10 380 euros au titre de 2012, et aucune réduction de ces bases ne peut être admise au titre de l'année 2013.
Article 3 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. E... a été assujetti au titre des années 2011, 2012 et 2013 sont remises à sa charge à concurrence de ce qui découle de l'article 2.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Une copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme F..., présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier-conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 janvier 2021.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 19BX00190