Procédure devant la cour :
I°) Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 18BX02566 les 28 juin et 6 décembre 2018, le Grand port maritime de La Rochelle, représenté par Me G... et Me D..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 2 mai 2018 en tant qu'il n'a prononcé la condamnation demandée qu'à hauteur de 14 936,95 euros ;
2°) de condamner la société PG services à lui verser la somme de 303 273,85 euros ;
3°) à titre subsidiaire, de prescrire une expertise ;
4°) de mettre à la charge de la société PG services la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le Grand port maritime de La Rochelle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le seul problème dans l'entretien du moteur était la fourniture de huit culasses d'une marque autre que celle prévue au contrat, dès lors qu'il ressort de l'expertise amiable contradictoire que c'est l'ensemble de la prestation réalisée au titre du contrat conclu en 2011 qui est défectueuse, entraînant une usure prématurée de l'ensemble des pièces du moteur ; dès lors, il y a lieu de condamner la société PG services à rembourser le montant facturé de la prestation de 64 910,89 euros au titre de 2011 ;
- s'agissant de l'expertise, il y a lieu de condamner la société PG services à lui rembourser, outre la rémunération de l'expert de 2 233 euros, le coût lié au suivi interne de l'expertise, qui a mobilisé le chef de service et le chef mécanicien de la drague pendant 72 heures, à concurrence de 2 985,84 euros ;
- il y a lieu de retenir deux postes de préjudices, qui sont l'immobilisation de la barge dans le cadre d'un arrêt technique non programmé d'une durée de dix jours, la perte d'exploitation s'élevant au montant total HT de 94 580,85 euros, et le changement du moteur, son mauvais état résultant de son défaut d'entretien, pour 137 918 euros.
Par un mémoire, enregistré le 25 septembre 2018, la SAS Bureau Veritas marine et offshore et la SA Bureau Veritas, représentées par la SELARL GVB, demandent à la cour :
- de confirmer le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 2 mai 2018 en tant qu'il les a mises hors de cause ;
- de mettre à la charge du Grand port maritime de La Rochelle la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que l'appel du Grand Port maritime de La Rochelle n'étant pas dirigé contre elles, il y a lieu de confirmer leur mise hors de cause.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2018, la société PG services, représentée par Me F..., demande à la cour :
- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 2 mai 2018 ;
- de désigner un expert ;
- de rejeter la requête du Grand Port maritime de La Rochelle ;
- de mettre à la charge du Grand port maritime de La Rochelle la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ferait droit aux demandes du Grand port maritime de La Rochelle, de condamner les sociétés Sovem, Bureau Veritas et le GIE dragage-ports à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
La société PG services soutient que :
- la demande devant les premiers juges était irrecevable, dès lors que rien ne permet de s'assurer que le Grand Port maritime de La Rochelle, qui n'est pas propriétaire de la drague Cap d'Anis, aurait supporté les préjudices en cause ;
- il n'est pas justifié que le directeur général avait reçu délégation pour engager une action en justice devant le tribunal administratif de Poitiers ;
- la demande était irrecevable faute de respect de la procédure préalable obligatoire de l'article 192 du décret n° 2012-1247 du 7 novembre 2012 ;
- sa prestation a été réceptionnée sans réserve le 20 décembre 2011, alors que le caractère reconditionné des culasses était apparent ;
- elle n'a commis aucune faute contractuelle, dès lors que les huit culasses étaient des culasses " échanges standards ", ce que le contrat n'interdisait pas ;
- le cahier des clauses techniques particulières n'est pas une pièce contractuelle dès lors qu'il n'est pas mentionné au CCAP parmi les pièces constitutives du marché ;
- l'avenant n° 1 est illégal et ne peut servir de fondement juridique à sa responsabilité, dès lors qu'il a entraîné une augmentation du montant global du marché de 33,3 % ;
- la responsabilité de la société Sovem, qui est intervenue en 2013 sur le moteur, ne peut être exclue, de même que celle du bureau Veritas.
Par un mémoire, enregistré le 6 novembre 2018, le GIE Dragages-Ports, représenté par Me E..., demande à la cour :
- de rejeter l'appel en garantie de la société PG services ;
- de mettre à sa charge de la société PG services la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'appel en garantie, qui ne précise aucun fondement juridique, est irrecevable.
Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2019, la société SOVEM, représentée par Me C..., demande à la cour :
- de rejeter les conclusions d'appel en garantie de la société PG services ;
- de mettre à la charge de la société PG services la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Sovem soutient que la société PG services ne fait valoir aucune faute ni lien de causalité :
Par ordonnance du 30 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 octobre 2019.
II°) Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 18BX02605 les 2 juillet et 2 novembre 2018, la société PG services, représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 2 mai 2018 ;
2°) de désigner un expert ;
3°) de rejeter la demande portée devant les premiers juges par le Grand Port maritime de La Rochelle ;
4°) à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ferait droit aux demandes du Grand port maritime de La Rochelle, de condamner les sociétés Sovem, Bureau Veritas et le GIE dragage-ports à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
5°) de mettre à la charge du Grand port maritime de La Rochelle la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société PG services se prévaut des mêmes moyens que dans son mémoire en défense enregistré sous le N° 18BX02566, et soutient en outre que :
- en application de l'article 6 du code des marchés publics et des règles de l'Union européenne, l'avenant ne pouvait faire référence à une marque ;
- l'avenant ne peut servir de fondement juridique à sa responsabilité, dès lors qu'il a entraîné une augmentation du montant global du marché de 33,3 %.
Par un mémoire, enregistré le 25 septembre 2018, la SAS Bureau Veritas marine et offshore et la SA Bureau Veritas, représentées par la SELARL GVB, demandent à la cour :
- de confirmer le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 2 mai 2018 en tant qu'il les a mises hors de cause ;
- de mettre à la charge de la société PG services la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Bureau Veritas marine et offshore et la SA Bureau Veritas font valoir qu'aucune faute ne leur est reprochée.
Par des mémoires, enregistrés les 26 septembre et 6 décembre 2018, le Grand port maritime de La Rochelle, représenté par Mes G... et D..., demande à la cour :
- de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 2 mai 2018 en tant qu'il n'a prononcé la condamnation demandée qu'à hauteur de 14 936,95 euros ;
- de condamner la société PG services à lui verser la somme de 303 273,85 euros ;
- à titre subsidiaire, de prescrire une expertise ;
- de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le Grand port maritime de La Rochelle se prévaut des mêmes moyens que dans sa requête enregistrée sous le n° 18BX02566.
Par un mémoire, enregistré le 6 novembre 2018, le GIE Dragages-Ports, représenté par Me E..., demande à la cour :
- de rejeter les conclusions formulées à son encontre par la société PG services ;
- de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'appel en garantie, qui ne précise aucun fondement juridique, est irrecevable.
Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2019, la société Sovem, représentée par Me C..., demande à la cour :
- de rejeter les conclusions d'appel en garantie de la société PG services ;
- de mettre à la charge de la société PG services la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Sovem soutient que la société PG services ne fait valoir aucune faute ni lien de causalité :
Par ordonnance du 27 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme J...,
- les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant la société PG services, de Me A..., substituant Me C..., représentant la société Sovem et de Me B..., substituant la SELARL GVB, représentant la SAS Bureau veritas.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement du 24 octobre 2011, le Grand port maritime de La Rochelle (GPM) a confié à la société PG services, pour un montant de 66 030 euros HT, le lot n°1 " maintenance des moteurs " du marché portant sur l'entretien de la drague Cap d'Aunis, mise à la disposition du GPM par le GIE Dragages-ports dans le cadre d'un contrat d'affrètement coque nue. La prestation a été réceptionnée sans réserve par procès-verbal du 20 décembre 2011. Par un nouvel acte d'engagement du 19 juillet 2012, le GPM a confié à la société PG Services, pour un montant de 35 112,60 euros HT, le lot n° 2 du marché d'entretien des moteurs de la drague pendant l'arrêt technique estival, et par avenant n° 1 du 21 août 2012, le montant du marché a été porté à 70 913,44 euros HT.
2. La société PG services n'ayant pas candidaté pour obtenir le marché au titre de l'année 2013, l'entretien du moteur a ensuite été confié à la société Sovem qui, lors de l'arrêt technique de 2013, a constaté d'importantes anomalies sur l'un des moteurs, de modèle Baudoin 12P152S. À l'issue d'une expertise amiable contradictoire menée par M. H..., expert maritime et industriel, le GPM a immobilisé la drague et changé le moteur. Le GPM a alors saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à ce que la société PG services soit condamnée à l'indemniser du préjudice subi, à concurrence de la somme de 302 630,04 euros et, dans son jugement du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la société PG services à lui verser la somme de 14 936,95 euros. Dans la requête n° 18BX02566, le GPM relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions. Dans la requête n° 18BX02605, la société PG services conclut à l'annulation de ce même jugement.
3. Les requêtes n° 18BX02566 et n° 18BX02605 sont relatives à un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
4. Aux termes de l'article 41.3 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, auquel renvoie l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières du marché litigieux : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'oeuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S'il prononce la réception, il fixe la date qu'il retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. / La réception prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux ".
5. En application de ces stipulations, auxquelles se réfère le marché en cause alors même qu'il ne s'agit pas d'un marché public de travaux, la réception sans réserve des travaux met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et l'entreprise. Celui-ci ne peut plus, dès lors, rechercher la responsabilité contractuelle de droit commun de son cocontractant, y compris lorsque les désordres n'étaient ni apparents ni connus au jour de la réception, sauf dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part.
6. Il résulte de l'instruction que la réception des prestations en cause, réalisées au titre du marché 2011, a été prononcée sans réserve le 20 décembre 2011. Par suite, le GPM, qui ne soutient pas que la réception aurait été acquise par la société PG Services à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives, ne peut plus rechercher la responsabilité contractuelle de cette dernière à raison de ces désordres, nonobstant la circonstance qu'ils n'étaient pas apparents au moment de la réception et qu'ils n'ont été révélés que lors de l'arrêt technique de 2013.
7. Il résulte de ce qui précède que la société PG Services est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont admis sa responsabilité contractuelle et l'ont condamnée à verser au GPM la somme de 14 936,95 euros. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.
8. Le présent arrêt ne prononçant aucune condamnation, il y a lieu de rejeter les appels en garanties présentés par la société PG services.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par le GPM, la société PG services, la société Sovem, la SA Bureau Veritas et la SAS bureau Veritas Marine et offshore et le GIE Dragages-ports.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 2 mai 2018 est annulé.
Article 2 : La demande portée par le Grand port maritime de La Rochelle devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société PG services, ainsi que les conclusions du Grand port maritime de La Rochelle, de la société Sovem, de la SAS bureau Veritas Marine et offshore, de la SA Bureau Veritas et du GIE Dragages-ports au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Grand port maritime de La Rochelle, la société PG services, la SAS bureau Veritas Marine et offshore, la SA Bureau Veritas, la société Sovem, la société AXA France IARD et le GIE Dragages-Ports.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme I..., présidente-assesseure,
Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
La rapporteure,
J... Le président
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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18BX02566, 18BX02605