1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 janvier 2020 ;
2°) de mettre à la charge de M. F... une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient qu'un traitement adapté à l'état de santé de M. F... est disponible dans son pays d'origine et qu'il pourra effectivement y accéder.
Par un mémoire, enregistré le 18 mai 2020, M. F..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement, à l'annulation de l'arrêté du 5 août 2019 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, à ce qu'il soit enjoint à la préfète de se prononcer à nouveau sur son droit au séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient qu'un traitement adapté à son état de santé n'est pas disponible dans son pays d'origine, que le signataire de l'arrêté litigieux n'était pas compétent pour le signer, que la décision lui refusant le séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu tant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme que celle du 6 (5°) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, enfin que les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à ce qu'il puisse faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de la santé publique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...
- et les observations de Me B..., substituant à Me A..., représentant M. F....
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant algérien né en 1986, est entré sur le territoire français le 26 janvier 2014, muni d'un visa de court séjour. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 mai 2014 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 23 janvier 2015. Par un arrêté du 31 mars 2015, il a fait l'objet d'un premier refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement à laquelle il ne s'est pas conformé. Par un second arrêté du 10 octobre 2016, le préfet de la Gironde a, à nouveau, refusé de lui délivrer un titre de séjour à raison de son état de santé, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un arrêt n° 17BX00787 du 13 juin 2017, la cour administrative d'appel a annulé le jugement du 7 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux avait annulé cet arrêté. Par un courrier du 24 octobre 2017 M. F... a demandé au préfet de lui délivrer un certificat de résidence algérien en considération de son état de santé et d'abroger la mesure d'interdiction de retour sur le territoire prise à son encontre. La préfète de la Gironde demande à la cour d'annuler le jugement du 29 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé sa décision rejetant implicitement la demande d'abrogation de la décision du 10 octobre 2016 interdisant à M. F... de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du 5 août 2019 par lequel elle lui a, une nouvelle fois, refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (... / 7) Au ressortissant algérien résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. F... souffre d'une psychose schizophrénique l'obligeant à suivre un traitement médicamenteux ainsi que d'un suivi pluri-disciplinaire en milieu hospitalier dont le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé, dans son avis du 26 novembre 2018, qu'elle nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il peut effectivement y bénéficier d'un traitement approprié. Au vu d'un certificat médical établi le 20 septembre 2019 par un praticien hospitalier du centre hospitalier de Cadillac indiquant que l'intéressé " souffre d'une pathologie psychotique grave chimio résistante aux différents neuroleptiques, qu'un nouveau traitement incluant le Seresta lui a été prescrit à partir de février 2019 et qu'il n'est pas possible de lui substituer autre chose " et après avoir constaté que ce médicament n'était pas disponible en Algérie, le tribunal administratif a considéré que M. F... ne pourrait pas en réalité bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier, en particulier d'un précédent certificat médical établi par le même praticien hospitalier le 20 septembre 2017 en des termes largement identiques que M. F... était déjà traité par la prescription d'une combinaison médicamenteuse incluant le Seresta en 2016, mais que cette molécule avait été remplacée par une autre molécule à laquelle on ne pouvait pas " substituer autre chose " au motif, déjà, que la pathologie de l'intéressé était " chimio résistante aux différents neuroleptiques ".
4. Dans ces conditions, compte tenu de la contradiction manifeste existant entre ces certificats concernant le caractère indispensable ou au contraire inefficace du Seresta, des multiples modifications du traitement prescrit à l'intéressé sans qu'il soit établi ni même soutenu que son état de santé se serait aggravé depuis son entrée sur le territoire national ni, a fortiori, que cette aggravation aurait justifié la réintroduction du Seresta dans son traitement, la préfète est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré qu'en l'absence de disponibilité en Algérie du Seresta, M. F... ne pourrait y bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé.
5. En outre, si M. F... soutient également qu'il ne pourrait effectivement bénéficier d'une prise en charge médicale approprié en cas de retour dans son pays d'origine, il ne produit, à l'appui de cette allégation que trois extraits d'articles de presse qui présentent un caractère général et ne permettent pas, à eux seuls de remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII alors qu'il ressort au contraire des pièces du dossier que l'Algérie dispose d'infrastructures médicales adaptées à la prise en charge des patients psychotiques et que M. F... y a lui-même bénéficié de plusieurs hospitalisations ainsi que d'un diagnostic qui n'a pas été, depuis, remis en cause et qu'il " aurait arrêté de prendre les traitements qui lui ont été prescrits lors de ces hospitalisations ". Ainsi, le préfet est également fondé à soutenir que l'arrêté litigieux n'a pas méconnu les stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
Sur les autres moyens invoqués par M. F... :
En ce qui concerne l'arrêté du 17 avril 2019 :
6. En premier lieu, par un arrêté du 17 avril 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, la préfète de la Gironde a donné délégation à M. Suquet, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figurent les décisions en matière de droit des étrangers. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
7. En second lieu, la préfète a produit l'avis rendu le 26 novembre 2018 par le collège de médecins de l'OFII et il ressort des pièces du dossier que cet avis a été rendu au vu d'un rapport médical établi par un médecin qui n'était pas membre de ce collège de médecins.
8. En troisième lieu, M. F..., qui n'établit ni même ne soutient que son état de santé aurait évolué entre la date à laquelle le collège de médecins a rendu son avis et la date de l'arrêté litigieux, ne peut pas utilement soutenir que cet avis a été rendu plus de six mois avant cet arrêté alors qu'aucun principe ni aucun texte à valeur normative n'impose au préfet de statuer sur une demande de titre dans un délai contraint à compter de la date à laquelle le collège de médecins de l'OFII a rendu son avis.
9. En quatrième lieu, M. F... ne peut pas plus utilement soutenir que la préfète de la Gironde n'établit pas que les trois médecins composant ce collège de médecins sont inscrits au tableau de l'Ordre national des médecins en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique dès lors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 4112-6 du même code que cette obligation ne s'impose notamment pas aux médecins ayant la qualité de fonctionnaire civil ou militaire, et notamment aux médecins de l'OFII, dès lors qu'ils ne sont pas appelés, dans l'exercice de leurs fonctions, à exercer la médecine et, en particulier, à poser des diagnostics médicaux.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, il appartient à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
11. M. F... fait valoir qu'il résidait en France depuis cinq années à la date de l'arrêté litigieux et qu'il parle français. Toutefois, il ne justifie aucunement de son intégration dans la société française alors qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire national et n'a pas exécuté les mesures d'éloignement pris à son encontre. Par ailleurs, il ne fait état d'aucun lien affectif particulier en France alors que ses parents et ses huit frères et soeurs résident toujours en Algérie et que lui-même y a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au sens des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6 5) de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage fondé à soutenir que cet arrêté serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
12. En sixième lieu, il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour pour demander l'annulation de la décision subséquente lui faisant obligation de quitter le territoire.
13. En septième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 du présent arrêt que M. F... n'est pas fondé à soutenir les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile feraient obstacle à ce qu'il puisse faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Gironde est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé l'arrêté litigieux du 5 août 2019 et, par suite, à demander l'annulation du jugement attaqué du 29 janvier 2020 en tant qu'il a prononcé l'annulation de cet arrêté, a enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer un titre de séjour à M. F... et a mis à sa charge le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a également lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées en première instance et en appel par M. F... à l'encontre de cet arrêté ainsi que ses conclusions accessoires à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
15. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de la préfète de la Gironde tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
En ce qui concerne le refus d'abroger l'interdiction de revenir en France :
16. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est entré en France en janvier 2014 et s'est ensuite constamment maintenu sur le territoire national au moins jusqu'en août 2019. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle la préfète de la Gironde a implicitement refusé d'abroger la décision du 10 octobre 2016 lui faisant interdiction de revenir sur le territoire national pendant une durée de deux ans.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 janvier 2020 est annulé en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'arrêté pris par la préfète de la Gironde à l'encontre de M. F... le 5 août 2019, a enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer un titre de séjour à M. F... et a mis à sa charge le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par le ministre de l'intérieur à l'encontre de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision par laquelle la préfète de la Gironde a implicitement refusé d'abroger la décision du 10 octobre 2016 lui faisant interdiction de revenir sur le territoire national pendant une durée de deux ans.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées devant le tribunal administratif et devant la cour par M. F... sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mohamed F... et au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme G..., présidente-assesseure,
M. Manuel D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
Le rapporteur,
Manuel D...Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°20BX00421