Par une requête enregistrée le 10 avril 2020, M. F..., représenté par
Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué du préfet de la Haute-Garonne du 18 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité, dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de
100 euros par jour de retard ou à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État les entiers dépens au procès ainsi que la somme de
2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du
10 juillet 1991 sur l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire sont insuffisamment motivées, ce qui révèle un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- la décision portant refus de séjour méconnait les dispositions du 11° de l'article
L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ; son état nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et il démontre que les soins nécessités par son état de santé sont indisponibles dans son pays d'origine ; le Levidopa/Carbidopa est actuellement sujet à une rupture de stock au niveau mondial et le préfet de la Haute-Garonne n'établit pas qu'il pourrait avoir accès en Arménie à un traitement de substitution adéquat ; de plus, il produit la liste actualisée en juin 2019, sur laquelle ne figure pas le Pramipexole ; il ressort du certificat médical en date du 31 décembre 2019, que le traitement qu'il suit en France ne peut pas être réalisé en Arménie ; s'agissant de la prise en charge du syndrome anxio-dépressif et du stress
post-traumatique, le suivi psychologique réalisé aujourd'hui ne peut être substitué ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour dont elle procède ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et de celle lui faisant obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article
L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. F... n'est fondé.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du
23 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant arménien, est entré en France le 14 octobre 2016, selon ses déclarations. Il a présenté, le 2 décembre 2016, une demande d'admission au séjour au titre de l'asile, rejetée le 28 septembre 2017 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis, le 29 janvier 2018, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).
M. F... a sollicité, le 18 avril 2018, son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Il relève appel du jugement du 21 novembre 2019 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Sur l'arrêté dans son ensemble :
2. M. F... soutient que les décisions contenues dans l'arrêté du 18 avril 2019 sont insuffisamment motivées. Toutefois, l'arrêté en litige vise notamment les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait état d'éléments relatifs à l'identité de l'intéressé et à ses conditions d'entrée et de séjour sur le territoire français et vise l'avis rendu le 7 novembre 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Il relève que l'intéressé ne justifie pas de l'impossibilité d'accéder aux soins dans son pays d'origine. L'arrêté qui n'avait pas à énoncer de manière exhaustive les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale en France et en Arménie de l'appelant, mentionne les principaux éléments relatifs à sa situation au regard de sa situation de santé ainsi que les attaches personnelles de M. F... en France et dans son pays d'origine. De plus, en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'était pas tenu de motiver spécifiquement la décision obligeant à quitter le territoire français, fondée sur le 3° du I de l'article L. 511-1 de ce code. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions attaquées doit être écarté. Il ne ressort pas par ailleurs des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
3. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".
4. Pour refuser de délivrer à M. F... une carte de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur l'avis émis le 7 novembre 2018 par le collège des médecins de l'OFII selon lequel l'état de santé du demandeur nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'un traitement approprié était disponible en Arménie. Pour remettre en cause les mentions de cet avis, M. F... fait valoir que le traitement approprié à son état de santé n'est pas disponible en Arménie, notamment le Pramipexole, ni le suivi pluri-disciplinaire dont il bénéficie. Il produit des certificats médicaux attestant qu'il est atteint d'un syndrome parkinsonien aggravé par une varicelle contractée en 2019, un certificat médical indiquant qu'il souffre d'un syndrome de stress post-traumatique et une liste de médicaments disponibles issue du site internet www.pharm.am. Toutefois, il ne résulte pas de cette documentation, qui ne revêt au demeurant aucun caractère officiel, que des médicaments équivalents au traitement de
M. F... ne seraient pas disponibles en Arménie. Par ailleurs, il n'établit pas, alors même que M. F... ne bénéficierait pas du même suivi qu'en France, qu'un traitement approprié aux troubles psychologiques dont il souffre ne serait pas effectivement disponible dans son pays d'origine.
5. Si M. F... se prévaut en appel d'un nouveau certificat médical, établi le
31 décembre 2019, toutefois, ce certificat, qui évoque deux opportunités de traitement, dont celle vers laquelle le département de neurologie de l'hôpital a choisi de s'orienter par perfusion sous-cutanée d'apomorphine, ne se prononce pas sur la question de sa disponibilité en Arménie et n'est pas davantage de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le préfet sur la disponibilité d'un traitement adapté en Arménie. Le préfet justifie au demeurant que l'apomorphine est disponible en Arménie. Si ce certificat souligne également que la seconde opportunité de traitement, par stimulation cérébrale profonde, ne pourrait être réalisée en Arménie, cette opportunité n'a pas constitué le choix de traitement de ce service alors au demeurant que le traitement par perfusion sous-cutanée d'apomorphine a permis une " une amélioration notable de son état neurologique ". Ainsi, l'ensemble de ces éléments n'est pas de nature à remettre en cause l'avis du 7 novembre 2018 du collège des médecins de l'OFII. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui la fonde.
7. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les motifs énoncés aux points 4 et 5.
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision fixant le pays de destination n'est pas illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde.
9. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un État pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet État, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'État de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
10. Si M. F... soutient que son état de santé nécessite un traitement qui n'est pas disponible en Arménie, il ne démontre pas, ainsi qu'il a été mentionné aux points précédents, qu'il ne pourrait bénéficier effectivement des soins nécessités par son état de santé dans son pays d'origine. De plus, alors que sa demande d'asile a été, comme il a été rappelé au point 1, rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA, l'appelant n'apporte aucun élément sur la nature des risques actuels auxquels il craindrait d'être exposé en cas de retour en Arménie. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut donc être accueilli.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme B... D..., présidente de la cour,
Mme H..., présidente-assesseure
Mme C... E..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.
Le rapporteur,
Florence E...
La présidente de la cour,
Brigitte D...
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01320