Par un jugement n° 2002121-2002122 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a joint ces demandes, annulé les arrêtés du 13 mai 2020 et enjoint à la préfète de réexaminer les demandes de titres de séjour de M. et Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 février 2021, la préfète de Lot-et-Garonne demande à la cour ;
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 décembre 2020 ;
2°) de rejeter les demandes portées par M. et Mme A... devant les premiers juges.
La préfète de Lot-et-Garonne soutient que :
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration était signé des trois médecins ;
- les moyens des demandes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... A... et M. B... A..., de nationalité albanaise, sont entrés irrégulièrement en France, selon leurs déclarations le 14 novembre 2019, accompagnés de leurs deux enfants, et ont déposé le 20 novembre suivant une demande d'asile, rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 février 2020. Ils ont déposé une demande de titre de séjour en qualité d'accompagnant d'un enfant malade, et par des arrêtés du 13 mai 2020, la préfète de Lot-et-Garonne leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et les a assignés à résidence. Elle relève appel du jugement du 30 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces arrêtés.
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Les premiers juges, pour prononcer l'annulation des arrêtés du 13 mai 2020 portant refus de titre de séjour, ont relevé que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 mars 2020 n'avait été signé que par deux des trois médecins composant le collège. Il résulte toutefois de l'instruction que, si la signature du Dr D... était plus pâle que les deux autres sur la copie transmise au tribunal, elle est toutefois parfaitement lisible sur la copie, de meilleure qualité, produite devant la cour. Par suite, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour faire droit aux demandes de M. et Mme A....
3. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A... devant le tribunal administratif et la cour.
Sur les décisions portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, par arrêté du 28 avril 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 30 avril 2020, la préfète de Lot-et-Garonne a donné délégation à M. Morgan Tanguy, secrétaire général, " à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires relevant des attributions de l'État dans le département de Lot-et-Garonne ". Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés litigieux doit par suite être écarté.
5. En deuxième lieu, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 mars 2020 est signé des Dr D..., Ortega et Pintas, qui figurent tous les trois sur la liste des médecins désignés pour participer au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration figurant à l'annexe 1 de la décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 novembre 2019 portant désignation au collège de médecins.
6. En troisième lieu, il ressort du bordereau de transmission de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 mars 2020 que le rapport médical a été établi par le Dr C..., qui n'a pas siégé au sein du collège.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
8. L'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 mars 2020 mentionne que l'état de santé du fils de M. et Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.
9. M. et Mme A... produisent le certificat médical d'un médecin albanais du 24 octobre 2019, ainsi que les certificats de praticiens français des 20 novembre 2019, 14 et 19 février 2020. Toutefois, ces documents, s'ils attestent de la gravité de l'état de santé de l'enfant et de la nécessité d'un suivi pluridisciplinaire, ne contredisent pas l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le préfet sur la possibilité d'être traité dans son pays d'origine.
10. Ils produisent également un article du site internet " dictionnaire-médical.net " décrivant la pathologie de l'enfant, ainsi qu'une copie d'écran du site internet du Centre de génétique moléculaire et chromosomique. Toutefois, ces documents ne contiennent aucune donnée relative à l'existence d'un traitement dans le pays d'origine.
11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
12. En quatrième lieu, M. et Mme A..., qui font tous les deux l'objet d'un refus de titre assorti d'une obligation de quitter le territoire français, ne sont pas fondés à soutenir que le refus de titre de séjour opposé à Mme A... impliquerait la séparation des membres de la famille et méconnaîtrait par suite l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour doit être écarté.
14. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux rappelés aux points à 11, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
15. En troisième lieu, l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , dans sa rédaction issue de la même loi, dispose que : " (...) Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. ".
16. Dans les cas mentionnés au point 3, l'étranger, faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui forme, en application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un recours contre celle-ci peut, en application de l'article L. 743-3 précité, saisir le tribunal administratif de conclusions à fins de suspension de cette mesure d'éloignement.
17. Il est fait droit à la demande de suspension de la mesure d'éloignement si le juge a un doute sérieux sur le bien-fondé de la décision de rejet ou d'irrecevabilité opposée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à la demande de protection, au regard des risques de persécutions allégués ou des autres motifs retenus par l'Office. Les moyens tirés des vices propres entachant la décision de l'Office ne peuvent utilement être invoqués à l'appui des conclusions à fin de suspension de la mesure d'éloignement, à l'exception de ceux ayant trait à l'absence, par l'Office, d'examen individuel de la demande ou d'entretien personnel en dehors des cas prévus par la loi ou de défaut d'interprétariat imputable à l'Office.
18. M. et Mme A... se bornent à soutenir qu'ils ont des " craintes sérieuses en cas de retour dans leur pays d'origine " et qu'il y a lieu de suspendre l'exécution des décisions litigieuses jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence de doute sérieux sur le bien-fondé des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ils ne sont pas fondés à demander la suspension de leur exécution.
Sur les assignations à résidence :
19. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " I. L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".
20. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
21. En second lieu, la circonstance que, lors de la notification des décisions litigieuses, la préfecture aurait omis de remettre aux intéressés le formulaire d'information prévu par les dispositions de l'article R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est postérieure aux décisions litigieuses et, par suite, sans influence sur leur légalité. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le formulaire en cause a bien été remis aux intéressés le 15 mai 2020, comme en atteste la signature des intéressés figurant sur l'exemplaire conservé par l'administration.
22. En troisième lieu, il ne ressort des pièces du dossier ni que l'éloignement des intéressés vers l'Albanie ne constituait pas, à la date des décisions litigieuses, une perspective raisonnable, ni que lesdites décisions seraient illégales eu égard à la situation du couple et de ses enfants.
23. En quatrième lieu, si l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme F... A... n'était accompagnée d'aucun délai de départ volontaire, ce qui autorisait la préfète de Lot-et-Garonne à prendre à son égard une décision d'assignation à résidence, en application du 5° du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, en revanche, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B... A... était assortie d'un délai de départ de trente jours. Par suite, la préfète de Lot-et-Garonne ne pouvait, le jour même de l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, décider son assignation à résidence.
24. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre les décisions portant refus de titre de séjour, n'appelle aucune mesure d'injonction. Par ailleurs, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme A... doivent être rejetées ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 9 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il a annulé les arrêtés du 13 mai 2020 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, ainsi que la décision du même jour assignant M. A... à résidence.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la préfète de Lot-et-Garonne est rejeté.
Article 3 : les conclusions de la demande de M. et Mme A... à fin d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Mme F... A.... Une copie en sera adressée à la préfète de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère
Rendu public après dépôt au greffe le 21 octobre 2021.
La rapporteure,
Frédérique E...Le président
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX00664