Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mai 2021, Mme A... B..., représentée par Me Marty, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de limoges du 21 janvier 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2020 par lequel la préfète de la Creuse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Creuse de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi n° 91-347 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour,
- sa demande de titre n'a pas été instruite sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle vit depuis six ans en France, qu'elle a accouché d'un enfant mort-né en 2020, ce qui justifie une prise en charge psychologique, qu'elle n'a plus d'attache familiale dans son pays d'origine, sa mère et son demi-frère étant en France ;
- la décision est entachée d'erreur de fait, dès lors qu'elle justifie de sa nationalité et d'un domicile stable ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre ;
- la préfète s'est cru obligée d'assortir son refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français et a ainsi entaché sa décision d'erreur de droit ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2021, la préfète de la Creuse conclut au rejet de la requête et fait valoir que ses moyens ne sont pas fondés.
Par une décision du 8 avril 2021, Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-347 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... A... B..., de nationalité congolaise (RDC), est entrée irrégulièrement en France en 2014 et y a déposé une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 4 janvier 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. Elle a fait l'objet d'un arrêté du 11 février 2016 du préfet de la Haute-Vienne portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français mais elle s'est maintenue sur le territoire français et, le 22 juin 2016, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé, qui lui a été délivré jusqu'au 22 mars 2017. Le 27 septembre 2017, le préfet lui a refusé le renouvellement de ce titre et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 14 août 2018, elle a de nouveau demandé un titre de séjour en raison de son état de santé et a été autorisée à séjourner sur le territoire français jusqu'au 19 septembre 2019. Par courrier du 17 octobre 2019, une association a sollicité pour son compte la délivrance d'un titre de séjour et, le 21 janvier 2020, l'intéressée a été invitée à compléter cette demande lors d'un entretien fixé le 11 février 2020. Par l'arrêté contesté du 16 septembre 2020, la préfète de la Creuse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... B... relève appel du jugement du 21 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision contestée mentionne que l'intéressée, célibataire et sans enfant, entrée en France à 22 ans, " ne justifie pas de liens personnels et familiaux en France appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, de ses conditions d'existence, de son insertion dans la société française tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Ainsi, Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que sa demande de titre fondée sur les dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'aurait pas été instruite.
3. En deuxième lieu, si la décision litigieuse relève que l'intéressée " ne dispose d'aucun document justifiant sa nationalité et son état civil et n'a pas de domicile stable ", la préfète ne s'est pas fondée sur ce motif pour refuser à Mme A... B... le titre de séjour sollicité. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Mme A... B... fait valoir qu'elle vit depuis six ans en France, qu'elle a accouché d'un enfant mort-né en 2020, ce qui justifie une prise en charge psychologique, qu'elle n'a plus d'attache familiale dans son pays d'origine, sa mère et son demi-frère étant en France, qu'elle a fait des efforts d'intégration et est investie au sein du secours populaire. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle est célibataire et sans enfant, a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement et ne justifie pas avoir tissé en France des liens d'une intensité telle que la décision litigieuse devrait être regardée comme portant une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, ainsi que, pour les mêmes motifs celui tirés de l'erreur manifeste d'appréciation.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
7. Les circonstances invoquées par la requérante, rappelées au point 5, ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, et le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, doit être écarté.
9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète se serait crue tenue d'assortir le refus de titre d'une obligation de quitter le territoire français, et le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles 37 de la loi n° 91-347 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée à la préfète de la Creuse.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public après mise à disposition au greffe le 24 février 2022.
La rapporteure,
Frédérique C...Le président
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02173