Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 août 2021, M. C..., représenté par Me Breillat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2021 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2021 du préfet de la Charente-Maritime ;
3°) d'enjoindre audit préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour d'une durée d'un an, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et, dans tous les cas, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil qui s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ou, si l'aide juridictionnelle ne lui était pas accordée, la même somme à son profit sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
- la délégation de signature conférée à M. D... est trop générale et imprécise ;
En ce qui concerne le refus de séjour :
- il est insuffisamment motivé en fait ;
- le préfet n'a donc pas réellement examiné sa situation ;
- il viole l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; dès lors qu'il a produit un contrat de travail visé par la DIRECCTE, dans un secteur tendu, le préfet a commis une erreur d'appréciation ;
- il viole également l'article L. 313-14 du même code ;
- il viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la mesure d'éloignement :
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;
- elle est insuffisamment motivée au regard des risques encourus ;
- elle viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une décision en date du 7 octobre 2021, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention signée à Bamako le 26 septembre 1994 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant malien, né en 1992 à Bamako, déclare être entré en France le 12 août 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 12 octobre 2020, confirmée par la cour nationale du droit d'asile (CNDA) par une décision du 19 janvier 2021 contre laquelle il a introduit un recours en cassation. Il a alors sollicité, le 8 février 2021, la délivrance d'une carte de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 16 avril 2021, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... fait appel du jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers du 7 juillet 2021, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
2. M. C... ne conteste pas que, par un arrêté du 11 mai 2020, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Charente-Maritime a donné délégation à M. Pierre Molager, secrétaire général de la préfecture de la Charente-Maritime, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers, au travers de la mise en œuvre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce que soutient le requérant, cette délégation n'est ni trop générale ni imprécise et permettait à M. D... de signer l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité ayant édicté la décision doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
3. En premier lieu, la décision en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment son article 8, ainsi que les articles pertinents du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels elle se fonde. Au titre des considérations de fait, elle mentionne les conditions d'entrée et de séjour de M. C..., en particulier le rejet définitif de sa demande d'asile, et les circonstances de fait propres à sa situation en France, notamment au regard du travail. L'arrêté en litige précise enfin que M. C... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Si le requérant fait valoir que cet arrêté ne dit rien de son état de santé, il est constant qu'il a demandé un titre sur le seul fondement du travail. Dans ces conditions, le préfet de la Charente-Maritime, qui n'était pas tenu de préciser de manière exhaustive l'ensemble des éléments de fait caractérisant la situation personnelle de l'appelant, a suffisamment motivé sa décision.
4. En deuxième lieu, cette motivation ne révèle pas que le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen attentif de la situation particulière de M. C....
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention ''salarié'' ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ", et aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur: " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23, L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-29 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Charente-Maritime, qui était saisi par M. C... d'une demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", a constaté que l'intéressé ne satisfaisait pas à la condition tenant à la production d'un visa de long séjour, ce que le requérant ne conteste pas. Dès lors, le préfet a pu, pour ce seul motif, refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) ".
8. En se prévalant d'un contrat de travail à durée indéterminé visé par la DIRECCTE, ainsi que de la circonstance qu'il aurait dû fuir son pays d'origine en raison des persécutions qu'il y aurait subies, M. C..., dont, au demeurant, la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA, n'établit pas que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet de la Charente-Martime aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard desdites dispositions doit être écarté.
9. En cinquième lieu et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
10. M. C... fait valoir qu'il est bien intégré professionnellement en France, y a développé des relations amicales, a accès aux soins indispensables à son état de santé et ne dispose plus d'aucune attache dans son pays d'origine. Toutefois, d'une part, si le certificat médical du Dr A... produit par le requérant, au demeurant postérieur à l'arrêté attaqué, affirme qu'il est atteint d'une infection tuberculeuse latente en cours de traitement, les quelques documents médicaux produits n'établissent pas que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, alors en tout état de cause que M. C... n'a pas sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé et n'a pas non plus informé les services de la préfecture d'un état de santé déficient au cours de l'instruction de son dossier. D'autre part, il est entré récemment en France, est célibataire et sans enfant et ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, le préfet de la Charente-Maritime n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant éloignement :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le refus de séjour opposé à M. C... n'étant pas entaché d'illégalité, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne se trouve pas privée de base légale de ce fait.
12. En second lieu, le moyen tiré d'une violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la mesure d'éloignement opposée à M. C... n'étant pas entachée d'illégalité, la décision fixant le pays de renvoi ne se trouve pas privée de base légale de ce fait.
14. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que M. C... n'établit pas être exposé à un risque de subir des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Mali, et que, par ailleurs, sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA. La décision en litige, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement est, par suite, suffisamment motivée.
15. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains ou dégradants ".
16. M. C... fait valoir qu'il encourt des risques de persécutions en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son appartenance ethnique. Toutefois, pas plus en appel qu'en première instance, il ne produit le moindre élément à l'appui de ses allégations, alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA, puis par la CNDA. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations précitées.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 avril 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
18. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les frais de l'instance :
19. Les dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. C... sur ces fondements.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise pour information au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Florence Rey Gabriac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.
La rapporteure,
Florence E...
Le président
Éric Rey-BèthbéderLa greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX03238