Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 février 2019, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté litigieux ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État deux indemnités de 1 920 euros au profit de son conseil.
Elle soutient que :
- l'arrêté est signé d'une autorité incompétente, dès lors qu'il n'est pas justifié d'une situation d'absence ou d'empêchement du secrétaire général ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français,
- elle méconnaît le principe du contradictoire posé par les articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle et familiale, les attaches familiales de la requérante n'étant pas mentionnées ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale et méconnaît le préambule de la Constitution de 1946, l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politique et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des libertés et des droits de l'homme, dès lors qu'elle n'a plus aucun de ses proches au Maroc, son fils résidant en France, comme ses frères et soeurs et neveux et nièces, et ses filles à Abu-Dhabi et à Dubaï ; sa soeur chez laquelle elle vit souffre d'un état de santé dégradé et a besoin de sa présence auprès d'elle ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, dès lors qu'elle s'occupe régulièrement de ses petites enfants ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français,
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnait le principe du contradictoire posé par les articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation, défaut d'exercice de son pouvoir d'appréciation, d'une violation du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'erreurs de fait, de droit et d'appréciation.
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2019, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 26 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 aout 2019.
Par décision du 31 janvier 2019, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme G... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité marocaine, est entrée en France le 3 septembre 2016, sous couvert d'un visa de court séjour. Elle s'est maintenue en France après l'expiration de son visa et a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " qui lui a été refusé par un arrêté du préfet de la Corrèze du 6 février 2017, confirmé par cette cour le 21 juin 2018. S'étant maintenue sur le sol français de manière irrégulière, elle a été interpelée le 1er août 2018 par le commissariat de Brive pour des faits de violence sur sa belle-fille avec arme par destination. Par arrêté du 2 août 2018, le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Mme C... relève appel du jugement du 14 septembre 2018 par lequel la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la compétence du signataire de l'arrêté :
2. Par arrêté du 2 juillet 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet de la Corrèze a donné délégation à M. Éric F..., secrétaire général de la préfecture de la Corrèze, à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, (...) relevant des attributions de l'État dans le département ", à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions portant obligation de quitter le territoire français. Le même arrêté précise qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M. F..., la délégation de signature qui lui est accordée peut être notamment exercée par M. E... B..., sous-préfet de l'arrondissement de Brive-la-Gaillarde et signataire de l'arrêté contesté. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. F... n'ait pas été absent ou empêché à la date de l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, Mme C... reprend en appel, sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse, du défaut d'examen de sa situation personnelle et de ce qu'elle n'aurait pas été mise en mesure de présenter des observations en méconnaissance du principe du contradictoire. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.
4. En deuxième lieu, en se bornant à invoquer le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, sans mentionner l'alinéa dont elle se prévaut, la requérante n'assortit pas le moyen tiré de la méconnaissance de ce préambule des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques : " 1. La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'État (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Mme C... fait valoir que son fils, sa belle-fille, ses petits-enfants et ses frère et soeurs résident en France, et que l'état de santé dégradé de l'une de ses soeurs nécessite sa présence auprès d'elle. Cependant, il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France en 2016, à l'âge de 52 ans, et s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration de son visa de court séjour, malgré l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été notifiée le 8 février 2017. Elle est divorcée, ses trois enfants sont majeurs et elle n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu la majeure partie de sa vie. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'aide dont elle soutient que sa soeur a besoin en raison de son état de santé ne pourrait lui être apportée par un tiers. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré par Mme C... de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté, ainsi que ceux tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". En vertu de l'article 371-4 du code civil : " L'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit. (...) ".
8. Si Mme C... soutient que la décision attaquée méconnaît l'intérêt supérieur de ses trois petits-enfants en les privant du droit d'entretenir des relations avec leur grand-mère, il ne ressort pas des pièces du dossier que les enfants seraient dans l'impossibilité de lui rendre visite au Maroc et d'entretenir des liens avec leur grand-mère. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 371-4 du code civil doit être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti./ (...) La durée de l'interdiction de retour ( ...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
11. En deuxième lieu, Mme C... reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas été mise en mesure de présenter des observations en méconnaissance du principe du contradictoire. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.
12. En troisième lieu, pour les motifs exposés au point 6, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. En quatrième lieu, pour prononcer l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet de la Corrèze a relevé que Mme C... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, qu'elle n'est présente en France que depuis moins de deux ans et qu'elle est divorcée et mère de trois enfants majeurs dont l'un seulement réside en France, qu'elle est sans emploi ni ressource et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, qu'elle n'a pas respectée, et qu'elle a été interpelée pour des faits de violence sur sa belle-fille. La décision litigieuse est, dès lors, suffisamment motivée. Cette motivation révèle que le préfet a examiné sa situation et exercé son pouvoir d'appréciation.
14. En cinquième lieu, la requérante soutient que la motivation de la décision litigieuse est entachée d'erreurs de fait. Toutefois, faute de préciser les erreurs dont elle entend ainsi se prévaloir, elle ne permet pas à la cour d'apprécier le bien-fondé de ce moyen.
15. En sixième lieu, si la requérante soutient qu'elle ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ressort de la motivation de la décision litigieuse que le préfet ne s'est pas fondé sur la circonstance qu'elle constituerait une telle menace pour décider de lui interdire le retour, mais sur la circonstance qu'aucun délai de départ volontaire ne lui a été accordé, qui à elle seule était de nature à justifier l'interdiction contestée.
16. En sixième lieu et dernier lieu, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la durée d'un an de l'interdiction litigieuse serait entachée d'une erreur d'appréciation.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de Corrèze.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme G..., présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.
La rapporteure,
H... Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
Le greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX00674 2