Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 avril 2019, et des mémoires, enregistrés les 11 et 15 juillet 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 mars 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2018 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux a méconnu les stipulations de l'article 7 b de l'accord franco algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions des articles R. 5221-20 du code du travail et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est privée de base légale par l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2019, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... F...,
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 2 septembre 1987 à Bejaia (Algérie), est entré en France le 12 septembre 2011 muni d'un visa portant la mention " étudiant ". Il s'est ensuite vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelée jusqu'au 8 novembre 2016. Par un arrêté du 9 octobre 2018, le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... demande à la cour d'annuler le jugement du 7 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié", cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule (...). ".
3. Le préfet du Tarn a refusé de délivrer à M. C..., un titre de séjour portant la mention " salarié " au motif que les caractéristiques de la promesse d'embauche que lui a adressé la société de droit suisse Dcarte Engineering concernant un poste d'analyste décisionnel étaient en inadéquation avec son cursus universitaire et qu'il n'était pas établi que cette société avait accompli des recherches auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail.
4. Toutefois et d'une part, il est constant que M. C... est titulaire de deux maîtrises en économie-gestion ainsi que d'un master " Stratégie de l'entreprise et économie des organisations " et qu'il a suivi au cours de l'année universitaire 2016-2017 une formation non diplômante à l'ensemble des outils informatiques de gestion de données dits " ETL " couramment utilisés par les entreprises. Il ressort, en outre, des pièces du dossier et, en particulier, de la fiche de poste éditée en 2011 par la société précitée, que la formation universitaire de l'intéressé correspond aux exigences du poste d'analyste décisionnel et que, s'agissant d'une activité exercée dans les locaux des clients de cette société et avec leurs outils informatiques, la formation à ces outils était nécessaire à l'exercice des fonctions correspondantes.
5. D'autre part, si le poste d'analyste décisionnel ne figure pas sur la liste des emplois en tension, M. C... établit, par les pièces qu'il produit, que, le 8 février 2018, la société Dcarte Engineering a déposé auprès de Pôle emploi une offre d'emploi portant sur quatre postes correspondant à ce métier, assortie d'une rémunération prévisionnelle identique à celle versée à M. C..., et que le directeur de l'agence Pôle emploi de Lyon Confluence atteste qu'aucun candidat n'a répondu à cette offre. En outre, si le préfet soutient que l'entreprise n'a pas précisé quel était le lieu d'exercice du poste proposé, il ressort de cette offre d'emploi que le lieu d'exercice de ce poste, qui implique de travailler dans les locaux des clients de la société, couvrait l'ensemble du territoire national ainsi qu'il était d'ailleurs déjà indiqué dans le contrat de travail dont M. C... était titulaire au sein de cette société en qualité d'étudiant. Enfin, si le préfet soutient qu'il résulte d'une enquête de l'inspection du travail du Rhône que la société Dcarte engineering connaît un fort taux de " turn-over ", que 177 des 181 salariés de cette société sont de nationalité étrangère, dont 118 de nationalité algérienne et que, la société ne faisant pas appel à ses services, Pôle emploi n'est pas en mesure d'émettre un avis sur l'existence de candidats déjà présents sur le marché du travail, il ne produit pas cette enquête, laquelle est pourtant directement contredite par l'attestation établie par le directeur de l'agence Pôle emploi de Lyon Confluence, ni n'indique qu'elle aurait connu des suites judiciaires alors qu'il ressort également des pièces du dossier que la société Dcarte engineering exerce une activité réelle de prestation de services et de sous-traitance dans le domaine des bases de données.
6. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que le préfet ne pouvait, sans commettre d'erreur de fait, lui opposer l'inadéquation entre sa formation et le poste proposé et la situation de l'emploi. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, il est également fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que celle de l'arrêté litigieux du 9 octobre 2018.
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et sous réserve d'un changement de circonstances de fait et de droit y faisant obstacle, d'enjoindre au préfet de délivrer un titre de séjour à M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
8. Il y a également lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 mars 2019 et l'arrêté du préfet du Tarn du 9 octobre 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Tarn de délivrer à M. C... un certificat de résidence algérien portant la mention " salarié " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à M. C... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme G..., présidente-assesseure,
M. E... F..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.
Le premier conseiller,
Manuel F...Le président
Éric Rey-Bèthbéder
Le greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°19BX01365