Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 avril 2019, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 2 juillet et 26 août 2019, M. D..., représenté par Me E... B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation de séjour provisoire, sans délai et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Boulanger, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant turc né le 2 novembre 1997, déclare être entré en France le 21 mars 2013. Sa demande d'asile a été rejetée une première fois par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 17 février 2014 et par la Cour nationale du droit d'asile le 18 mars 2014 et une seconde fois par l'Office le 25 février 2015 et par la Cour le 18 mars 2015. Ses demandes de réexamen ont été rejetées comme irrecevables par l'Office le 23 novembre 2015 et le 18 mai 2016 et par la Cour le 22 décembre 2015. Il a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement notifiées le 1er septembre 2016 et le 12 avril 2017. Le tribunal correctionnel d'Evreux l'a condamné le 22 février 2016 à une peine de vingt-quatre mois d'emprisonnement pour des faits de violence par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, violence sur un mineur de quinze ans et rébellion et violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique. Par un arrêté du 28 février 2019, la préfète de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. D... relève appel du jugement du 5 avril 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2019.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / III. - (...) / L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. / (...) / IV. - En cas de détention de l'étranger, celui-ci est informé dans une langue qu'il comprend, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, qu'il peut, avant même l'introduction de sa requête, demander au président du tribunal administratif l'assistance d'un interprète ainsi que d'un conseil. / (...) ". Aux termes de l'article D. 316 du code de procédure pénale : " Le préfet apprécie si l'extraction des détenus appelés à comparaître devant des juridictions ou des organismes d'ordre administratif est indispensable. / (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. D... était incarcéré au centre pénitentiaire du Havre lorsque lui a été notifié, le 13 mars 2019, l'arrêté du 28 février 2019. Il a introduit une demande d'annulation de cet arrêté par courrier du 13 mars 2019, enregistré au greffe du tribunal administratif de Rouen le même jour. Par un mémoire, enregistré le 27 mars 2019, Me E... B..., conseil du requérant, a produit des moyens complémentaires à l'appui de la demande aux fins d'annulation. L'audience ayant été fixée au 1er avril 2019, le magistrat désigné a sollicité le 19 mars 2019 de la préfète de la Seine-Maritime et du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rouen l'organisation de l'extraction de M. D... afin qu'il puisse assister à cette audience.
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime ait entendu donner suite à la demande d'extraction de M. D... transmise par le greffe du tribunal administratif. Il s'ensuit que ce dernier n'a pas pu assister à l'audience du fait de l'administration, sans qu'il ressorte d'aucune pièce ou mention au dossier que l'absence de mise en oeuvre de l'extraction sollicitée ait été portée à la connaissance du tribunal et de l'avocat de M. D... avant la tenue de l'audience. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le conseil du requérant a pu présenter un mémoire complémentaire cinq jours avant l'audience, qui s'est elle-même tenue vingt jours après le dépôt du recours de M. D.... En outre, l'appelant ne soutient pas avoir été dans l'impossibilité de s'entretenir avec son conseil et de lui communiquer les éléments nécessaires à sa défense. Enfin, le requérant était représenté à l'audience par son avocat, qui n'a pas demandé de report d'audience au motif de l'absence de son client. Dans ces conditions, M. D... ne démontre pas que sa présence à l'audience du 1er avril 2019 était indispensable. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que cette audience ne s'étant pas déroulée dans les conditions prévues par l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La préfète, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de M. D..., a cité les éléments pertinents qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. (...) / (...) / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. / Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de l'audition du 23 novembre 2018, que M. D... a formulé une demande de réexamen de sa demande d'asile, qui ainsi qu'il a été dit au point 1, avait déjà été rejetée à quatre reprises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à trois reprises par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 741-1 et L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que la préfète de la Seine-Maritime a entendu obliger le requérant à quitter le territoire sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des 6° et 7° du I. du même article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inopérants et doivent être écartés.
9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est père d'un enfant français né le 28 août 2016. Toutefois, il ne démontre pas contribuer effectivement à son éducation et à son entretien par la production d'une attestation non circonstanciée de la mère de l'enfant et par celle d'un relais enfants-parents en milieu carcéral. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. M. D... verse au débat un certificat médical attestant qu'il présente sur le torse une brûlure importante mais toutefois cicatrisée. Il est également précisé que l'état du requérant est stable. Dans ces conditions, il n'est pas établi que M. D... était, à la date à laquelle l'arrêté en litige a été pris, au nombre des ressortissants étrangers, visés au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète de la Seine-Maritime, en faisant obligation au requérant de quitter le territoire français, aurait méconnu ces dispositions doit être écarté.
12. M. D... soutient résider en France de façon continue depuis 2013. Toutefois, son séjour s'est tout d'abord déroulé sous couvert de l'examen de sa demande d'asile puis de manière irrégulière, le requérant ayant fait l'objet deux mesures d'éloignement en septembre 2016 et en avril 2017. Ainsi qu'il a été dit au point 10, l'intéressé ne démontre pas l'intensité des liens qui l'uniraient à son fils. Il ne fait état d'aucune autre attache en France. Ainsi qu'il a été dit au point 11, il n'établit pas que son état de santé ferait obstacle à son éloignement. Il ne se prévaut d'aucune insertion professionnelle. Il ne justifie pas être isolé en cas de retour en Turquie où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quinze ans et où résident encore ses parents. Enfin, il a été condamné à une peine de prison pour des faits de violences volontaires rappelés au point 1. Dès lors, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de l'intéressé, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise la préfète quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doit également être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Compte tenu de ce qui a été dit au point 13, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
15. Les motivations en fait de la décision fixant le pays de destination et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne se confondent pas nécessairement. En revanche, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté attaqué précise la nationalité de M. D... et énonce qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée manque en fait.
16. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
17. M. D... soutient qu'il serait en danger en cas de retour en Turquie au motif de ses origines kurdes. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, dont la demande d'asile a, au demeurant, été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile à de nombreuses reprises, ne produit, à l'appui de ses allégations, aucun élément probant permettant d'établir la réalité et l'actualité des risques qu'il invoque. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
18. Pour les motifs mentionnés au point 12, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :
19. Compte tenu de ce qui a été dit au point 13, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
20. La décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle précise notamment que l'intéressé est dépourvu de garantie de représentation et qu'il a refusé de déférer à deux précédentes mesures d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
21. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de la décision attaquée, que la préfète de la Seine-Maritime se serait abstenue de procéder à l'examen de la situation personnelle de M. D... avant de lui refuser un délai de départ volontaire.
22. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; / (...) ".
23. Les dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles s'est fondée la préfète de la Seine-Maritime pour refuser à M. D... un délai de départ volontaire, qui fixent des critères objectifs permettant de penser que l'étranger faisant l'objet de la mesure d'éloignement est susceptible de prendre la fuite, ne sont pas incompatibles avec celles du 7) de l'article 3 et de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 que la loi du 16 juin 2011 a eu pour objet de transposer. En prévoyant que des circonstances particulières peuvent faire obstacle à ce que le risque de fuite soit considéré comme établi dans l'hypothèse où un étranger entrerait dans un des cas définis par le 3° du II de l'article L. 511-1 du code précité, le législateur a imposé à l'administration un examen de la situation particulière de chaque étranger, à même d'assurer le respect du principe de proportionnalité entre les moyens et les objectifs poursuivis lorsqu'il est recouru à des mesures coercitives. Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec la directive précitée doit être écarté.
24. M. D... est entré irrégulièrement sur le territoire français et il n'a pas déféré à deux précédentes mesures d'éloignement. Dès lors, le risque de fuite est établi. Dans ces conditions, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas entaché sa décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire d'une erreur de droit.
25. Pour les motifs mentionnés au point 12, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'elle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :
26. Par arrêté du 18 janvier 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, la préfète de la Seine-Maritime a donné délégation à M. F... C..., directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture, pour signer tous les actes relevant des attributions de sa direction de laquelle relève l'ensemble des décisions attaquées. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a signé l'arrêté contenant notamment la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.
27. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Il en va de même de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français qui accompagne, en vertu du III de l'article L. 511-1, l'obligation de quitter le territoire français sans délai adoptée par l'autorité administrative.
28. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de l'audition de M. D... du 23 novembre 2018, que l'intéressé a été auditionné par les services de la police aux frontières, qu'il a été informé à cette occasion qu'il pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il a pu présenter des observations orales relatives aux raisons pour lesquelles il a quitté son pays et à sa volonté de ne pas y retourner et qu'il a été entendu notamment sur sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine, l'irrégularité de son séjour et la perspective de son éloignement. M. D... a eu ainsi la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre, alors même qu'il n'a pas été entendu de façon particulière sur le fait qu'une interdiction de retour sur le territoire français était susceptible d'être prise. Au demeurant, il n'établit pas qu'il disposait d'informations tenant à sa situation qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure contestée et qui, si elles avaient été communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision. Dans ces conditions, le droit d'être entendu de M. D... préalablement au prononcé de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'a pas été méconnu.
29. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, (...) alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
30. L'arrêté attaqué indique que M. D... déclare être arrivé en France depuis 2013, qu'il est père d'un enfant français mais ne justifie pas contribuer à sa prise en charge matérielle et affective, qu'il a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement et qu'il constitue une menace à l'ordre public au vu de ses condamnations. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée manque en fait.
31. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... justifierait de considérations humanitaires de nature à empêcher l'édiction de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
32. Pour les motifs mentionnés au point 12, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
33. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me E... B....
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.
N°19DA00954 9