Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mai 2019, M. A..., représenté par Me B... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 mars 2018 ;
3°) d'ordonner la suppression du signalement de M. A... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant roumain né le 28 juillet 1990, déclare être entré en France en 2007 et s'être maintenu depuis lors sur le territoire français avec sa concubine et leurs trois enfants mineurs. Le 16 octobre 2017, M. A... a été condamné à une peine d'emprisonnement de douze mois par le tribunal correctionnel du Havre pour des faits de vol en réunion en récidive. M. A... a été incarcéré au centre pénitentiaire du Havre le 13 décembre 2017. Par un arrêté du 20 mars 2018, alors qu'il était toujours en détention, la préfète de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 18 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2018 comme tardive et, par suite, irrecevable.
2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) II. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) / IV. - Lorsque l'étranger est en détention, il est statué sur son recours selon la procédure prévue au III. Dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète ainsi que d'un conseil ".
3. Il est vrai que, lorsque les conditions de détention portent atteinte au droit à un recours effectif en ne mettant pas le détenu en mesure d'avertir, dans les meilleurs délais, un conseil ou une personne de son choix, elles font obstacle à ce que le délai spécial de quarante-huit heures prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile commence à courir.
4. Si l'appelant allègue qu'il n'a pas été mis en possession de l'arrêté du 20 mars 2018 et donc qu'il n'avait pas connaissance de la substance de cette décision, il ressort toutefois des pièces du dossier que le procès-verbal de notification du 21 mars 2018, signé par M. A..., indique qu'il est remis à l'intéressé une copie de l'arrêté préfectoral. M. A... soutient également qu'il n'a pas eu lecture en langue roumaine de l'arrêté. Toutefois, ce procès-verbal indique que l'intéressé reconnaît avoir pris connaissance de l'arrêté et des droits qu'il peut exercer, la traduction ayant été effectuée par voie téléphonique par un interprète en langue roumaine. Enfin, si le requérant soutient avoir été dans l'impossibilité matérielle d'exercer un recours, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas été mis en mesure de le faire par l'intermédiaire de l'administration pénitentiaire, ou que les contraintes matérielles inhérentes à sa détention auraient fait obstacle à ce qu'il puisse faire valoir ses droits. Par ailleurs, il n'établit ni même n'allègue avoir effectué une quelconque démarche en ce sens jusqu'à l'enregistrement de sa demande par le tribunal administratif de Rouen, le 29 avril 2018.
5. Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ". Aux termes de l'article L. 111-9 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des articles L. 111-7 et L. 111-8 et définit notamment les conditions dans lesquelles les interprètes traducteurs sont inscrits sur la liste prévue au dernier alinéa de l'article L. 111-8 et en sont radiés ". Aux termes de l'article R. 111-1 du même code : " La liste des interprètes traducteurs prévue à l'article L. 111-9 est dressée chaque année par le procureur de la République dans chaque tribunal de grande instance. / Elle comporte en annexe les listes établies dans les autres tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel. "
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié, le 13 mars 2018 au centre pénitentiaire du Havre, d'une audition par un agent de police judiciaire avec l'assistance téléphonique d'une interprète en langue roumaine qu'il a déclaré comprendre. Au terme de cette audition, la préfète de la Seine-Maritime a décidé, par l'arrêté en litige, de l'obliger à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire. Il résulte des mentions du procès-verbal de notification du 21 mars 2018 versé au dossier par la préfecture de la Seine-Maritime et signé par M. A... que cet arrêté lui a été notifié le 21 mars 2018 par voie administrative, avec l'assistance téléphonique de la même interprète. A cette occasion, il s'est vu remettre une copie de l'arrêté en litige et a été informé des voies et délais de recours, de la possibilité de transmettre son recours par l'intermédiaire de la maison d'arrêt, de prendre connaissance de son dossier, de bénéficier du concours d'un interprète et d'aviser un avocat, son consulat ainsi que toute autre personne de son choix. L'appelant remet en cause la qualité de l'interprète par l'intermédiaire de laquelle lui ont été transmises ces informations et l'absence d'indication de ses coordonnées dans le procès-verbal de notification, dès lors que cette interprète n'est inscrite ni sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Toutefois, M. A... n'établit ni même n'allègue qu'il n'aurait pas correctement compris les informations qui lui ont été délivrées par celle-ci. Par suite, la notification de l'arrêté en litige était de nature à déclencher le délai de recours contentieux de quarante-huit heures.
7. Dans ces conditions, rien ne s'opposait à ce que M. A... puisse exercer un recours dans ce délai, qui expirait le 23 mars 2018. Dès lors, la demande de M. A..., enregistrée par le greffe du tribunal administratif de Rouen le 29 avril suivant, était tardive et, par suite, irrecevable. En la rejetant comme telle, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, de même que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B... D....
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime
N°19DA01037 4