Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 février 2019, M. D... F..., représenté par Me A... E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen ;
2°) de condamner solidairement la commune du Petit-Quevilly et l'Etat à lui verser la somme de 25 999,43 euros en réparation du préjudice qu'il a subi ;
3°) de mettre à la charge solidaire de la commune du Petit-Quevilly et de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitat ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... C..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... a été locataire d'un logement situé sur le territoire de la commune du Petit-Quevilly, dont l'état a conduit le maire de cette commune à enjoindre à la propriétaire, par un arrêté du 28 janvier 2013, d'y réaliser des travaux afin de le rendre conforme au règlement sanitaire départemental. Les travaux ainsi prescrits n'ont toutefois pas été diligentés et le maire n'a pris aucune mesure postérieurement à cet arrêté.
2. M. F... a alors saisi d'une part le maire du Petit-Quevilly et d'autre part la préfète de la Seine-Maritime d'une demande à fin d'indemnité en réparation de préjudices consécutifs, selon lui, à la carence de ces autorités à exercer leurs pouvoirs de police. Il relève appel du jugement du 11 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de cette commune et de l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total de 25 999,43 euros.
Sur le cadre juridique du litige :
3. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. (...) ". Aux termes de l'article L. 1421-4 du code de la santé publique : " Le contrôle administratif et technique des règles d'hygiène relève : / 1° De la compétence du maire pour les règles générales d'hygiène fixées, en application du chapitre Ier du titre Ier du livre III, pour les habitations, leurs abords et dépendances ; (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 1311-4 du code de la santé publique : " En cas d'urgence, notamment de danger ponctuel imminent pour la santé publique, le représentant de l'Etat dans le département peut ordonner l'exécution immédiate, tous droits réservés, des mesures prescrites par les règles d'hygiène prévues au présent chapitre. / Lorsque les mesures ordonnées ont pour objet d'assurer le respect des règles d'hygiène en matière d'habitat et faute d'exécution par la personne qui y est tenue, le maire ou, le cas échéant, le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou à défaut le représentant de l'Etat dans le département y procède d'office aux frais de celle-ci (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 1331-24 du même code : " Lorsque l'utilisation qui est faite de locaux ou installations présente un danger pour la santé ou la sécurité de leurs occupants, le représentant de l'Etat dans le département, après avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires ou technologiques, peut enjoindre à la personne qui a mis ces locaux ou installations à disposition ou à celle qui en a l'usage de rendre leur utilisation conforme aux prescriptions qu'il édicte dans le délai qu'il fixe. (...) ".
6. Aux termes de l'article L. 1331-26 de ce code : " Lorsqu'un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique (...) constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé ou, par application du troisième alinéa de l'article L. 1422-1, du directeur du service communal d'hygiène et de santé concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois / (...) / Le directeur général de l'agence régionale de santé établit le rapport prévu au premier alinéa soit de sa propre initiative, soit sur saisine du maire, du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de logement et d'urbanisme, soit encore à la demande de tout locataire ou occupant de l'immeuble ou de l'un des immeubles concernés. / (...) ". L'article L. 1331-28 définit les mesures qu'il appartient alors au préfet de prendre, suivant que la commission conclut à la possibilité ou non de remédier à l'insalubrité.
Sur la responsabilité de la commune :
7. Il résulte de l'instruction qu'alerté sur l'état du logement de M. F... par un courrier d'une association de consommateurs en date du 29 septembre 2012, le maire du Petit-Quevilly a fait procéder dès le 15 octobre 2012 à une visite du logement, en présence de M. F..., par un agent de la direction de l'aménagement et de l'urbanisme de la commune. Par un courrier reçu le 17 novembre 2012, la même autorité a demandé à la propriétaire du logement de mettre en oeuvre sous deux mois un certain nombre de mesures, dont il a constaté le 23 janvier 2013 qu'aucune n'avait été réalisée. Par un arrêté du 28 janvier 2013, il a enjoint à la propriétaire d'effectuer les travaux qu'il énumérait, en indiquant qu'en cas de non-exécution dans un délai de deux mois, un procès-verbal constatant les infractions à la réglementation en vigueur serait dressé et transmis au procureur de la République.
8. Nonobstant une relance des services communaux faite par un courrier de l'association de consommateurs du 22 mai 2013, aucune autre mesure n'a toutefois été prise par le maire du Petit-Quevilly et M. F... soutient que cette inaction est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.
9. Toutefois, d'une part, il résulte des dispositions précitées que s'il appartient au maire, en vertu des pouvoirs généraux de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et des pouvoirs de contrôle administratif et technique des règles générales d'hygiène applicables aux habitations et à leurs abords qui lui sont conférés par l'article L. 1421-4 du code de la santé publique, de veiller aux respect des règles de salubrité sur le territoire de la commune, l'édiction des mesures prescrites par les règles d'hygiène, en cas de danger pour la santé ou la sécurité ou pour faire cesser l'insalubrité relève, en application des articles L. 1311-4, L. 1331-24, L. 1331-26 et L. 1331-28 du même code, de la compétence des services de l'Etat.
10. D'autre part, en tout état de cause, il résulte de ce qui précède qu'informé de l'état du logement de M. F..., le maire du Petit-Quevilly a promptement pris des mesures et attiré l'attention de la propriétaire du logement sur la nécessité de procéder à des travaux pour améliorer le caractère habitable du logement.
11. Enfin, il résulte des pièces du dossier, et notamment du jugement du tribunal d'instance de Rouen du 19 janvier 2015, que M. F... a, à plusieurs reprises, fait obstacle à l'intervention dans son logement des professionnels mandatés par la propriétaire du logement entre septembre 2011 et février 2014.
12. Dans ces conditions, le maire du Petit-Quevilly n'a pas commis de faute dans l'exercice de son pouvoir de police de nature à engager la responsabilité de la commune.
13. En tout état de cause, comme l'a jugé le tribunal administratif de Rouen, il n'existe pas de lien de causalité direct entre l'abstention du maire de dresser le procès-verbal annoncé, dont l'établissement effectif n'aurait pas garanti la réalisation des travaux, et le préjudice allégué à raison de l'état du logement par M. F..., auquel la propriétaire du logement avait d'ailleurs donné son congé le 22 avril 2013 avec effet au 30 novembre suivant.
14. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la commune, ni, par suite, à solliciter une quelconque indemnisation de sa part.
Sur la responsabilité de l'Etat :
15. Il résulte des documents versés au dossier, notamment du rapport de visite effectué par l'agent communal susmentionné et du rapport rendu le 29 avril 2014 dans le cadre de l'expertise ordonnée en référé par le tribunal d'instance de Rouen le 3 janvier 2014, que les désordres affectant le logement de M. F... consistaient principalement en un dysfonctionnement de la ventilation, notamment la ventilation basse dans la salle de bains, en la présence d'humidité dans la maison donnant lieu à des moisissures aux premier et deuxième étages de la maison et enfin en une vétusté des ouvrants n'assurant plus une complète étanchéité à l'air et à l'eau.
16. De tels désordres, ainsi qu'ils sont notamment décrits par le rapport d'expertise, n'étaient toutefois pas de nature à présenter un danger pour la santé et la sécurité de M. F..., quand bien même ils révélaient par ailleurs, comme l'a relevé cette expertise, que le logement ne répondait pas aux caractéristiques de décence fixées par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent.
17. Dès lors qu'il ne résulte ni des documents susanalysés ni des certificats médicaux succincts versés au dossier par l'appelant que l'utilisation faite de la maison louée par M. F... aurait présenté un danger pour la santé ou la sécurité de son occupant, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le préfet, qu'il a saisi directement de sa situation par un courrier daté du 8 octobre 2014, aurait commis une faute en refusant d'intervenir sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1331-24 du code de la santé publique.
18. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, il ne résulte pas de l'instruction que l'immeuble en cause aurait constitué un danger ponctuel imminent pour la santé publique, ni même qu'il aurait été la cause d'une situation d'urgence pour la santé de M. F.... Dès lors, le préfet n'a pas non plus commis de faute en s'abstenant de mettre en oeuvre les pouvoirs qu'il détient seul, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 1311-4, pour ordonner l'exécution immédiate de mesures assurant le respect de règles d'hygiène.
19. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence des fautes alléguées par M. F... qu'aurait commises le préfet, l'appelant n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat, ni, par suite, à solliciter une quelconque indemnisation de sa part.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
21. D'une part, les conclusions présentées par M. F..., partie perdante, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
22. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. F... la somme que réclame la commune du Petit-Quevilly sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune du Petit-Quevilly présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... E... pour M. D... F..., à la commune du Petit-Quevilly au ministre des solidarités et de la santé et à Me A... E....
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.
N°19DA00348 2