Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2019, et un mémoire, enregistré le 14 septembre 2020, M. C... E..., Mme H... E... épouse G... et Mme B... E... épouse F..., représentés par la SELARL Pierre-Xavier A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen ;
2°) d'annuler la délibération du 24 novembre 2016 et, subsidiairement, en tant seulement qu'elle a classé la parcelle ZB n°156 leur appartenant en zone A ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Roumois-Seine la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions à fin d'annulation :
1. Par des délibérations des 19 novembre 2009 et du 10 novembre 2011, le conseil municipal de Saint-Ouen-du-Tilleul a prescrit la révision de son plan d'occupation des sols et par conséquent l'élaboration d'un plan local d'urbanisme.
2. Le projet de plan local d'urbanisme a été arrêté par une délibération du conseil municipal de Saint-Ouen-du-Tilleul du 10 décembre 2015. Ce plan a finalement été approuvé le 24 novembre 2016 par la communauté de communes de Bourgtheroulde-Infreville, devenue depuis le 1er janvier 2017 la communauté de communes Roumois-Seine, alors compétente en matière d'élaboration des plans locaux d'urbanisme.
3. Les consorts E... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler cette décision et subsidiairement de l'annuler en tant seulement qu'elle a classé la parcelle ZB n°156 leur appartenant en zone A. Par un jugement du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande. Ils font appel de ce jugement.
En ce qui concerne la publicité et le caractère exécutoire des délibérations des 19 novembre 2009 et 14 novembre 2011 :
4. Aux termes de l'article R. 123-24 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Font l'objet des mesures de publicité et d'information édictées à l'article R. 123-25 : / a) La délibération qui prescrit l'élaboration ou la révision du plan local d'urbanisme et définit les modalités de la concertation, en application des articles L. 123-6 et L. 123-13 ; / b) La délibération qui approuve, modifie, révise ou abroge un plan local d'urbanisme, en application de l'article L. 123-13, ou l'arrêté préfectoral qui le révise en application de l'article L. 123-14 ; (...) ".
5. Aux termes de l'article R. 123-25 du même code : " Tout acte mentionné à l'article R. 123-24 est affiché pendant un mois en mairie ou au siège de l'établissement public compétent et, dans ce cas, dans les mairies des communes membres concernées. Mention de cet affichage est insérée en caractères apparents dans un journal diffusé dans le département. (...) L'arrêté ou la délibération produit ses effets juridiques dès l'exécution de l'ensemble des formalités prévues au premier alinéa ci-dessus, la date à prendre en compte pour l'affichage étant celle du premier jour où il est effectué. ".
6. D'une part, l'extrait du registre des délibérations du conseil municipal de Saint-Ouen-du-Tilleul, signé par le maire de la commune, comporte pour la délibération du 19 novembre 2009 la mention suivante : " Conformément aux articles R. 123-24 et R. 123-25 du code de l'urbanisme, la présente délibération fera l'objet d'un affichage en mairie durant un mois, et d'une mention dans le journal suivant : Le courrier de l'Eure ".
7. D'autre part, l'extrait du même registre, signé par le même maire, comporte pour la délibération du 10 novembre 2011, d'abord la mention suivante : " Conformément aux articles R. 123-24 et R. 123-25 du code de l'urbanisme, la délibération du 19 novembre 2009 a été l'objet d'un affichage en mairie durant un mois, et une mention dans le journal suivant : Le courrier de l'Eure sera publiée ", ensuite la mention " affichée du 14 novembre 2011 au 15 décembre 2011 " avec en-dessous le cachet de la mairie.
8. Enfin, un extrait du Courrier de l'Eure du 23 novembre 2011 indiquant que la délibération du 10 novembre 2011 portant " prescription de la révision d'un POS, transformation en PLU " était " consultable en mairie " a été produit à l'instance.
9. Il résulte de ce qui précède, même si la délibération du 10 novembre 2011 comporte une erreur de plume, par l'emploi du futur, s'agissant de la publication de la délibération du 19 novembre 2009 dans le Courrier de l'Eure et alors que les requérants n'ont fourni à l'instance aucun autre élément de nature à établir l'inexactitude des mentions des délibérations des 19 novembre 2009 et 10 novembre 2011, que le moyen tiré de ce que la publicité de ces délibérations n'a pas été faite dans les conditions prévues aux articles R. 123-24 et R. 123-25 du code de l'urbanisme manque en fait.
En ce qui concerne les modalités de la concertation :
10. Aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération du 19 novembre 2009 : " I - Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme ; (...) Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. (...) "
11. Il résulte de ces dispositions que l'adoption ou la révision du plan local d'urbanisme doit être précédée d'une concertation associant les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées. Le conseil municipal doit, avant que ne soit engagée la concertation, délibérer, d'une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme, et, d'autre part, sur les modalités de la concertation. Ainsi que le prévoit l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant la révision du document d'urbanisme demeurent par ailleurs invocables à l'occasion d'un recours contre le plan local d'urbanisme approuvé.
12. La délibération du conseil municipal de Saint-Ouen-du-Tilleul du 19 novembre 2009 a fixé les modalités de la concertation suivantes : " Information de la population : - par affichage de la délibération en mairie, communiqué de presse et bulletin municipal spécial distribué dans les boîtes aux lettres des administrés. / - organisation d'une ou plusieurs réunions publiques ; / - mise à disposition d'un dossier de consultation en mairie ; / - recueil des observations dans un registre dédié ; / - information tout au long de la procédure par affichage en mairie ".
13. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport du commissaire-enquêteur, que des documents, au fur et à mesure de leur état d'avancement, ont été mis à la disposition du public à la mairie avec possibilité de consigner les observations sur un registre, que plusieurs articles sur l'état d'avancement de l'élaboration du plan local d'urbanisme ont été publiés dans le bulletin municipal entre octobre 2012 et novembre 2014, qu'une réunion publique s'est tenue le 15 octobre 2015 et que le dossier du projet de plan local d'urbanisme a été mis à disposition du public du 26 octobre au 25 novembre 2015.
14. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les modalités de concertation n'auraient pas été respectées au motif qu'aucun dossier de consultation en mairie et aucun recueil d'observations n'auraient été mis en place et que les premières démarches d'information du public n'auraient été réalisées qu'en octobre 2015.
En ce qui concerne la notification de la délibération prescrivant l'élaboration du plan aux personnes publiques associées :
15. Aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de la commune. La délibération qui prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les modalités de concertation, conformément à l'article L. 300-2, est notifiée au préfet, au président du conseil régional, au président du conseil général et, le cas échéant, au président de l'établissement public prévu à l'article L. 122-4, ainsi qu'au président de l'autorité compétente en matière d'organisation des transports urbains et, si ce n'est pas la même personne, à celui de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de programme local de l'habitat dont la commune est membre et aux représentants des organismes mentionnés à l'article L. 121-4. Lorsque la commune est limitrophe d'un schéma de cohérence territoriale sans être couverte par un autre schéma, la délibération est également notifiée à l'établissement public chargé de ce schéma en application de l'article L. 122-4. "
16. D'une part, la délibération du 19 novembre 2009 qui a prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et a fixé les modalités de la concertation, a été notifiée le 23 novembre 2009 au président du conseil régional, à la chambre du commerce et de l'industrie, à la communauté de communes, au président du conseil général, à la chambre de l'agriculture, à la chambre des métiers, au syndicat d'aménagement du Roumois, au syndicat d'assainissement et au préfet de l'Eure puis le 27 novembre 2009 aux maires des communes de Bosc Roger en Roumois, d'Elbeuf, du Thuit Signol et de La Londe.
17. D'autre part, si la délibération du 10 novembre 2011 qui a également prescrit l'élaboration de ce même plan local d'urbanisme et a confirmé la délibération du 19 novembre 2009 n'a été transmise qu'au seul préfet de l'Eure, ce défaut de notification aux autres autorités mentionnées à l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme n'a pas privé les intéressés d'une garantie et est resté sans influence sur le sens de la décision qui a approuvé le plan local d'urbanisme dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport du commissaire-enquêteur, que ces mêmes autorités ont été associées à l'élaboration du plan et ont émis un avis en 2016, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance antérieure que le schéma de cohérence territoriale du Roumois serait devenu caduc entre la délibération du 19 novembre 2009 et celle du 10 novembre 2011.
En ce qui concerne le rapport du commissaire-enquêteur :
18. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. "
19. Si cette règle de motivation n'implique pas que le commissaire-enquêteur soit tenu de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête, elle l'oblige néanmoins à indiquer, au moins sommairement et en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.
20. Il ressort du rapport du commissaire-enquêteur, et notamment de sa partie intitulée " conclusions et avis ", d'une part, que ce dernier s'est approprié les éléments communiqués par le cabinet Euclyd Eurotop qu'il estimait de nature à répondre aux observations du public et notamment des consorts E... et de M. et Mme D..., d'autre part, qu'il a émis un avis personnel et motivé sur le projet de plan local d'urbanisme.
En ce qui concerne le classement de la parcelle ZB n° 156 en zone A :
21. Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. "
22. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du document versé à l'instance établi par l'observatoire des sols à l'échelle communale de la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Normandie en mai 2018, que cette parcelle ZB n° 156 d'une surface de 3 hectares a le caractère d'une prairie et qu'elle a été déclarée en 2015 comme îlot agricole lors de la campagne " politique agricole commune ". Ce terrain n'est ainsi pas dépourvu de potentiel agricole, alors qu'il ressort du certificat d'urbanisme produit le plus récent qu'il n'est pas desservi par la voirie et le réseau d'électricité.
23. En deuxième lieu, cette parcelle ZB n° 156 est contigüe à une parcelle de taille légèrement inférieure qui est également une prairie, ces deux parcelles étant situées au milieu de secteurs résidentiels de la commune de Saint-Ouen-le-Tilleul.
24. En troisième lieu, si le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme a prôné " l'optimisation des disponibilités foncières au sein du tissu urbain du pôle de centralité existant par une politique d'intensification urbaine et un comblement des dents creuses ", il s'est aussi fixé comme objectifs " d'infléchir de 50 % environ la dynamique de consommation d'espace liée à la croissance résidentielle enregistrée depuis la dernière décennie ", de " phaser et organiser l'urbanisation future sur le secteur de la Chouque ", de " limiter le dimensionnement des zones constructibles aux seuls besoins en logements dégagés " et de " garantir la préservation des espaces agricoles ".
25. En quatrième lieu, le projet d'aménagement et de développement durables a prévu, en reprenant les préconisations du schéma de cohérence territoriale du Roumois, qu'il convenait de tendre vers une moyenne de 16 logements par hectare avec un minimum de 12 logements au sein des nouvelles opérations de développement urbain et que le projet de développement de la commune devait permettre de dégager une offre de 80 nouveaux logements sur dix ans.
26. Si les requérants soutiennent que la commune a surévalué le nombre de logements susceptibles d'être créés au regard des capacités résiduelles des zones urbanisées des hameaux et du bourg et dans le secteur de La Chouque à urbaniser et que la création de logements ne pourra en réalité être supérieure à un chiffre de 59, soit moins que prévu par le projet d'aménagement et de développement durables, d'une part cette évaluation ne prend pas en compte l'augmentation de la moyenne de logements par hectare portée de 12 à 16 dans le projet d'aménagement des 3 hectares du secteur de la Chouque, d'autre part l'urbanisation de la parcelle appartenant aux consorts E... à hauteur de 16 logements par hectare, comme le préconisent le schéma de cohérence territoriale et le projet d'aménagement et de développement durables, permettrait d'atteindre un nombre de logements de 107 unités soit bien plus que le chiffre envisagé par ce schéma et ce plan, ce qui méconnaîtrait l'objectif retenu par le même projet consistant à " limiter le dimensionnement des zones constructibles aux seuls besoins en logements dégagés ".
27. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le classement de la parcelle ZB n° 156 doit être écarté.
En ce qui concerne le classement du secteur de la Chouque en zone 1AU :
28. D'une part, si le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme a fixé l'objectif de garantir la préservation des espaces agricoles, il a aussi retenu l'objectif d'optimiser les " disponibilités foncières au sein du milieu urbain du pôle de centralité existant (bourg et ses différents quartiers) (...) par une politique d'intensification urbaine et un comblement des dents creuses. ".
29. D'autre part, le secteur de la Chouque classé en zone 1AU est inséré du nord-ouest au sud-est dans une zone UA et délimité au sud par une voie publique. Il dispose d'équipements publics d'une capacité suffisante pour accueillir le projet d'aménagement de ce secteur qui était au demeurant déjà engagé à la date de la délibération attaquée.
30. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le classement du secteur de la Chouque en zone 1AU ne serait pas cohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables.
31. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucune pièce du dossier ne fait apparaître la présence d'une cavité souterraine ou d'une bétoire dans la zone 1AU de la Chouque.
32. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le classement du secteur de la Chouque doit être écarté.
33. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par son jugement du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Roumois-Seine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les consorts E... réclament au titre des frais liés au litige.
35. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge des consorts E... une somme globale de 2 000 euros à verser à la communauté de communes Roumois-Seine au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts E... est rejetée.
Article 2 : Les consorts E... verseront une somme globale de 2 000 euros, à la communauté de communes Roumois-Seine au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me I... A... pour M. C... E..., Mme H... E... épouse G... et Mme B... E... épouse F... et à la communauté de communes Roumois-Seine.
N°19DA02071 2