Par requête enregistrée le 28 août 2019, M. et Mme C... D..., représentés par la SELARL E... Avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ce permis ;
3°) de condamner la commune de Cuincy à leur verser la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- les observations de Me F... représentant la commune de Cuincy.
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité du jugement :
1. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire (...) que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".
2. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui présente un recours tendant à l'annulation d'un permis de construire, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il juge insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.
3. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... sont propriétaires depuis 1993 de la parcelle AA 89 sise 237 rue Pasteur à Cuincy et résident dans la maison implantée sur ce terrain situé en limite séparative ouest du terrain d'assiette du projet.
5. D'autre part, le projet litigieux consiste à édifier, sur les parcelles immédiatement voisines situées à l'est de la parcelle AA 89, un groupe de trois logements locatifs à trois chambres, comportant un rez-de-chaussée et un étage, en brique rouge et à forme cubique qui, s'ajoutant à la maison existante conservée, portera l'emprise des constructions sur ces parcelles à 271,2 m2 et celle de l'accès, du cheminement et du stationnement, prévus en bordure de la parcelle AA 89, à 174,1 m2.
6. Dans ces conditions, M. et Mme D... justifiaient d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire délivré le 21 mars 2017.
7. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté la requête comme irrecevable au motif que M. et Mme D... étaient dépourvus d'intérêt à agir et son jugement doit être annulé.
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. et Mme D....
Sur la légalité du permis de construire :
9. Lorsqu'un permis de construire a été délivré sans que soient respectées une formalité ou une forme préalable ou en violation de dispositions relatives à l'utilisation du sol, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci a été précédé de l'exécution régulière de la formalité omise, répond aux exigences de forme ou assure le respect des règles de fond applicables au projet. L'irrégularité ainsi régularisée ne peut plus être utilement invoquée à l'appui d'un recours dirigé contre le permis initial.
En ce qui concerne la désignation des parcelles concernées par le projet :
10. Aux termes de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire précise : (...) c) La localisation et la superficie du ou des terrains ; (...) ".
11. Si le permis de construire délivré le 21 mars 2017 s'est seulement référé à la parcelle AA 87, il précisait que le terrain était situé 245 rue Pasteur et visait la demande de permis de construire qui se référait aux parcelles AA 87 et 88. En tout état de cause, le permis de construire modificatif délivré le 1er mars 2018 s'est référé aux parcelles AA 87 et 88. Le moyen tiré de la violation de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme doit donc être écarté.
En ce qui concerne l'insertion du projet dans son environnement :
12. Aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural (...) précise, par des documents graphiques ou photographiques, l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement de leurs accès et de leurs abords ".
13. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".
14. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas tous les documents exigés par le code de l'urbanisme, ou que des documents produits seraient insuffisants, imprécis ou inexacts, n'entache d'illégalité le permis de construire que si les omissions, insuffisances, imprécisions ou inexactitudes ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'administration sur la conformité du projet à la réglementation.
15. Il ressort des pièces du dossier que la notice descriptive, les plans de masse, de coupe et de façades, les documents graphiques et les photographies joints à la demande de permis de construire puis à la demande de permis de construire modificatif permettaient au maire de Cuincy d'apprécier la conformité du projet à la réglementation. Le moyen tiré de la violation des articles L. 431-2 et R. 431-10 du code de l'urbanisme doit donc être écarté.
En ce qui concerne l'article U3 du règlement du plan local d'urbanisme de Cuincy :
16. Aux termes de cette disposition : " Accès : Pour être constructible, un terrain doit disposer d'un accès à une voie publique ou privée (...) Les accès et voiries doivent présenter les caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la circulation des personnes handicapées et à mobilité réduite, de la défense contre l'incendie, de la protection civile, et aux besoins des constructions et installations envisagées. Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu notamment de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. (...) Les groupes de garages individuels ou aires de stationnement doivent être disposés dans les parcelles autour d'une cour d'évolution et ne présenter qu'une seule sortie sur la voie publique ".
17. D'une part, ces dispositions s'appliquent aux voies d'accès au terrain d'assiette des constructions et non aux voies internes à ce terrain.
18. D'autre part, il ressort des plans de la demande de permis de construire et de la demande de permis de construire modificatif que le projet, qui est relatif à la construction, en sus de la maison existante qui sera conservée, de trois logements à trois chambres, a prévu depuis la rue Pasteur, reprenant ainsi l'accès existant vers un garage destiné à être démoli, un accès en bitume au terrain d'assiette du projet large de 3,40 mètres, un cheminement vers le fond de ce terrain par un passage dont la largeur sera comprise entre 3,05 mètres, au niveau de la marche d'entrée dans la maison existante, et 4 mètres, huit places de stationnement dont une pour personne à mobilité réduite et enfin une aire de retournement.
19. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article U3 du règlement du plan local d'urbanisme doit être écarté.
En ce qui concerne l'article U16 du règlement du plan local d'urbanisme :
20. Aux termes de cette disposition : " (...) Il conviendra, dans le cadre d'opération d'ensemble, de prévoir les infrastructures (fourreaux, chambres ...) pour assurer le cheminement des câbles optiques jusqu'au domaine public de manière à pouvoir être raccordé au réseau de l'opérateur, lors de sa réalisation ".
21. Si les plans de la demande de permis de construire n'ont pas prévu les infrastructures permettant d'assurer le cheminement des câbles optiques jusqu'au domaine public, les plans de la demande de permis de construire modificatif ont prévu ce cheminement.
22. Dans ces conditions, et en tout état de cause, le moyen tiré de la violation de l'article U16 du règlement du plan local d'urbanisme doit être écarté.
23. Il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à demander l'annulation du permis de construire délivré à M. A....
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
24. D'une part, la demande présentée par les requérants, partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.
25. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande présentée en défense sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 27 juin 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : La demande présentée par la commune de Cuincy au titre des frais exposés et non compris dans les dépens est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... pour M. et Mme C... D..., à la commune de Cuincy et à M. B... A....
N° 19DA02011 2