Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 janvier 2016 et 15 mars 2018, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la S.A. MBK Industrie, représentée par le cabinet Nicorosi, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de lui accorder bénéfice du crédit de taxe professionnelle prévu par l'article 1647 C sexies du code général des impôts au titre de l'année 2011 pour son établissement situé à Rouvroy, dans l'Aisne, pour un montant de 200 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, notamment son article 2 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une lettre reçue le 26 décembre 2012, la société anonyme MBK Industrie a, au titre de l'année 2011 et pour son établissement situé sur le territoire de la commune de Rouvroy, dans le département de l'Aisne, sollicité le bénéfice du crédit d'impôt prévu par l'article 1647 C sexies du code général des impôts. Sa demande ayant été rejetée par le service par une décision du 14 juin 2013, la société MBK Industrie a soumis le litige au tribunal administratif d'Amiens qui a rejeté sa demande par un jugement du 5 novembre 2015 dont elle relève appel.
2. Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour (...) assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".
3. Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elle a pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations. Par ailleurs, si ces stipulations ne font en principe pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits patrimoniaux découlant de lois en vigueur, ayant le caractère d'un bien au sens de ces stipulations, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre l'atteinte portée à ces droits et les motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier.
4. Pour faire état d'une espérance légitime d'obtenir la restitution de la somme d'argent qu'elle sollicite, la société requérante, se prévaut de l'article 1647 C sexies du code général des impôts, supprimé par la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, qui prévoyait que lorsqu'une zone d'emploi cessait d'être reconnue en grande difficulté, les salariés situés dans cette zone continuaient à ouvrir droit au crédit d'impôt pendant un an pour les établissements en ayant bénéficié au titre de deux années, et pendant deux ans pour ceux en ayant bénéficié au titre d'une année ou n'en ayant pas bénéficié.
5. La suppression, à compter du 1er janvier 2010, du crédit d'impôt dont pouvaient bénéficier certains établissements redevables de la taxe professionnelle en application de l'article 1647 C sexies du code général des impôts n'est intervenue qu'en conséquence de la suppression de cet impôt lui-même, qui a été remplacé par la contribution économique territoriale, composée de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Cette suppression, pour l'avenir, d'un allègement d'impôt spécifique à certaines situations a été dictée par la nécessité de garantir la cohérence d'ensemble d'une réforme globale de la fiscalité directe locale des personnes exerçant à titre habituel une activité professionnelle non salariée. Bien qu'elle ait eu dans certains cas pour conséquence la perte du droit à un crédit d'impôt dont la loi garantissait le bénéfice pendant une durée circonscrite à un ou deux ans, cette suppression, compte tenu des motifs d'intérêt général qui la justifient et eu égard à l'atteinte limitée portée aux droits des contribuables n'a pas méconnu les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, et à supposer même que la société MBK Industrie aurait disposé, comme elle le soutient, d'une espérance légitime d'obtenir le crédit d'impôt en cause pour l'année 2011 au titre de la clause de garantie prévue par le II de l'article 1647 C sexies du code général des impôts, cette suppression du crédit d'impôt n'a pas méconnu les stipulations de l'article 1er de ce premier protocole.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société MBK Industrie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA MBK Industrie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA MBK Industrie et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience publique 22 mars 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Michel Richard, président-assesseur,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 avril 2018.
Le rapporteur,
Signé : X. FABRELe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
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N°16DA00005