Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juin 2016, la SAS " Le domaine sauvage ", représentée par Me K...J..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance ;
2°) de mettre à la charge solidaire de M. et MmeE..., Mme L...et M. et Mme N... le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La clôture de l'instruction a été fixée au 13 octobre 2017 par une ordonnance du 26 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me K...J..., représentant la SAS " Le domaine sauvage ", de Me R...I..., représentant la commune de Bray-Dunes, et de Me B...-W...D..., représentant M. et Mme E...et autres.
Considérant ce qui suit :
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
1. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
2. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
3. Il ressort des pièces du dossier que, parmi les demandeurs de première instance, M. et MmeE..., Mme L...et M. et Mme N... ont produit leur titre de propriété afin de justifier de leur qualité de voisins immédiats du projet, laquelle n'est, au demeurant, plus contestée par la pétitionnaire devant la cour. Ils font, en outre, état d'éléments relatifs aux caractéristiques du projet et à ses conséquences sur les conditions de jouissance des biens dont ils sont propriétaires. En particulier, ils soulignent que la profondeur du bâtiment à édifier, supérieure à celle des deux résidences voisines, va entraîner à l'arrière du bâtiment un dépassement important, disgracieux et à l'origine d'une perte de vue pour les bâtiments voisins. En faisant état de ces éléments et de leur qualité de voisins immédiats du projet, les intéressés justifient d'un intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en litige. Dès lors, la requête est recevable en tant au moins qu'elle est présentée par M. et Mme E..., Mme L...et M. et MmeN.... Par suite, la SAS " Le domaine sauvage " et la commune de Bray-Dunes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que leur fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir a été écartée par le tribunal.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 123-1-12 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " (...) Lorsque le plan local d'urbanisme impose la réalisation d'aires de stationnement, celles-ci peuvent être réalisées sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat. / Lorsque le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable ne peut pas satisfaire aux obligations résultant de l'alinéa précédent, il peut être tenu quitte de ces obligations en justifiant, pour les places qu'il ne peut réaliser lui-même, soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation et situé à proximité de l'opération, soit de l'acquisition ou de la concession de places dans un parc privé de stationnement répondant aux mêmes conditions. / En l'absence d'un tel parc, le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être tenu de verser à la commune une participation en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement dans les conditions définies par l'article L. 332-7-1 (...) ".
5. D'autre part, l'article UH 12 du règlement du plan local d'urbanisme applicable sur le territoire de la commune de Bray-Dunes impose, pour les constructions neuves à usage d'habitat collectif, la réalisation de " une place de stationnement par tranche de 75 m² de SHON avec un minimum de une place par logement " et prévoit que " En cas d'impossibilité architecturale, urbanistique ou technique motivée et qui n'est pas imputable au constructeur, d'aménager sur la parcelle support de la construction le nombre de places nécessaires au stationnement, le constructeur est autorisé à : / - Soit aménager sur une autre parcelle distante de moins de 300 mètres du lieu d'opération les places de stationnement qui lui font défaut ; / - Soit acquérir des places de stationnement dans un parc privé situé dans le même rayon ; / - Soit obtenir une concession de longue durée dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation. / A défaut de toutes modalités précédentes le pétitionnaire est tenu de verser à la communauté urbaine de Dunkerque une participation fixée par la délibération du conseil de communauté ".
6. Il résulte de ces dispositions combinées qu'un constructeur ne peut être admis à se soustraire aux obligations imposées par le plan local d'urbanisme en matière de réalisation d'aires de stationnement en obtenant une concession à long terme dans un parc public de stationnement, soit l'acquisition ou la concession de places dans un parc privé de stationnement, soit en versant la participation fixée par le conseil municipal, que lorsqu'existe une impossibilité architecturale, urbanistique ou technique de réaliser les aires de stationnement correspondant aux prescriptions de ce plan ;
7. En application des dispositions du plan local d'urbanisme citées au point 5, le projet de la SAS " Le domaine sauvage ", qui comporte la création de 23 logements, devait prévoir l'aménagement de 23 places de stationnement. Or, il ressort des pièces du dossier que le projet n'en prévoit que 14. La pétitionnaire et la commune de Bray-Dunes n'établissent pas l'existence d'une impossibilité architecturale, urbanistique ou technique de réaliser le nombre de places requis, le cas échéant au rez-de-chaussée du bâtiment projeté, dès lors en particulier que, contrairement à ce qui est soutenu, la suppression des deux logements prévus au rez-de-chaussée ne modifierait pas les conditions d'implantation du bâtiment et n'induirait donc aucune rupture dans la séquence bâtie qu'il intègre, au sens des dispositions de l'article UH 6 du règlement du plan local d'urbanisme. Dès lors, en délivrant le permis de construire en litige à la SAS " Le domaine sauvage " alors qu'il prévoit un nombre insuffisant de places de stationnement, le maire de Bray-Dunes a méconnu les dispositions de l'article UH 12 du règlement du plan local d'urbanisme citées au point précédent. Il y a lieu, par suite, de confirmer le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille sur le fondement de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS " Le domaine sauvage " et la commune de Bray-Dunes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 21 octobre 2013.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mme E...et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement à la SAS " Le domaine sauvage " et à la commune de Bray-Dunes des sommes qu'elles demandent sur ce fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS " Le domaine sauvage " le versement à M. et Mme E...et autres de la somme de 1 500 euros sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS " Le domaine sauvage " est rejetée.
Article 2 : La SAS " Le domaine sauvage " versera la somme totale de 1 500 euros à M. et Mme E..., Mme U... L..., M. et MmeV..., M. H...P..., Mme A...M..., le syndicat des copropriétaires de la résidence Lafayette I et II et le syndicat des copropriétaires de la résidence Lafayette III au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Bray-Dunes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS " Le domaine sauvage ", à la commune de Bray-Dunes, à M. et Mme C...E..., Mme U...L..., M. B...Q..., Mme G...F..., M. et MmeV..., M. H...P..., Mme A...M..., M. et Mme T...N..., Mme S...O..., au syndicat des copropriétaires de la résidence Lafayette I et II et au syndicat des copropriétaires de la résidence Lafayette III.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 22 mars 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Michel Richard, président-assesseur,
- M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 avril 2018.
Le rapporteur,
Signé : C.-E. MINETLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE La République mande et ordonne au préfet du Nord et au ministre de la cohésion des territoires chacun en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°16DA01120 2