Par un jugement nos 1601301,1601366 du 27 juin 2017, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint ces deux demandes, les a rejetées.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés les 1er septembre et 11 octobre 2017, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 28 août, 18 octobre et 26 novembre 2018, la société Berobe, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces délibérations ;
3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine de Dunkerque et de la commune de Dunkerque la somme de 10 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la société Berobe, et de Me A...B..., représentant la communauté urbaine de Dunkerque et la commune de Dunkerque.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 14 décembre 2015, le conseil de la communauté urbaine de Dunkerque a approuvé la réalisation d'un programme immobilier de commerces et de logement sur le site des écoles du parc de la Marine et du bâtiment des Affaires maritimes, sur le territoire de la commune de Dunkerque, a désigné la société Vinci immobilier, sélectionnée à l'issue d'un appel à candidatures, comme opérateur de ce programme, et a autorisé le président de cet établissement à signer avec cette société et la commune de Dunkerque un " protocole d'accord " afférent ainsi que tout acte nécessaire à la mise en oeuvre de la délibération. Par une délibération du 17 décembre 2015, le conseil municipal de la commune de Dunkerque a, à son tour, approuvé le programme immobilier en cause et autorisé son maire à signer le " protocole d'accord " ainsi que tout acte nécessaire à la mise en oeuvre de cette délibération. La société Berobe, qui, dans le cadre d'un groupement d'entreprises, s'était portée candidate pour la réalisation de ce programme immobilier, a saisi le tribunal administratif de Lille de deux demandes distinctes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de chacune de ces délibérations. Elle relève appel du jugement du 27 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille, après avoir joint ces deux demandes, les a rejetées comme irrecevables.
Sur la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ". Ces dispositions impliquent qu'un délai suffisant soit laissé aux parties pour présenter utilement leurs observations sur le moyen communiqué.
3. Il ressort des pièces des dossiers de première instance que le tribunal administratif de Lille a informé les parties, le 7 juin 2017, que le jugement à intervenir était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office tirés, d'une part, de ce que, le " protocole d'accord " conclu entre la communauté urbaine de Dunkerque, la commune de Dunkerque et la société Vinci immobilier étant un contrat administratif, le recours pour excès de pouvoir formé par la société Berobe contre la délibération du 14 décembre 2015 du conseil de la communauté urbaine de Dunkerque était irrecevable en application de la jurisprudence dite " Tarn-et-Garonne " et, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la délibération du 17 décembre 2017 du conseil municipal de la commune de Dunkerque au motif que celle-ci constitue seulement un acte préparatoire d'une éventuelle cession de parcelles du domaine privé de la commune. La lettre du tribunal, reçue le jour même par le conseil de la société Berobe qui en a accusé réception par l'intermédiaire de l'application " Télérecours ", invitait les parties à faire valoir d'éventuelles observations avant l'audience du 13 juin 2017, soit six jours plus tard, et de préférence dans un délai de deux jours. Le délai de six jours ainsi donné aux parties leur permettait de présenter utilement leurs observations sur les moyens communiqués. En tout état de cause, il ressort des pièces des mêmes dossiers que la société Berobe a effectivement présenté des observations substantielles en réponse aux lettres du tribunal, et ce dès le 9 juin 2017. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait intervenu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure.
Sur la motivation du jugement :
4. En premier lieu, en ce qui concerne les conclusions de la société Berobe dirigées contre la délibération du conseil de la communauté urbaine de Dunkerque du 14 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a d'abord rappelé les principes en vertu desquels, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts par sa passation ou ses clauses étant recevable à en contester la validité par un recours de pleine juridiction devant le juge du contrat, les conclusions d'excès de pouvoir tendant à l'annulation des actes détachables de ce contrat, tels que le choix du cocontractant et l'autorisation de conclure le contrat, sont irrecevables. Il a ensuite qualifié le protocole d'accord conclu entre la communauté urbaine de Dunkerque, la commune de Dunkerque et la société Vinci immobilier de concession d'aménagement, en relevant, d'une part, que ce contrat avait été précédé d'un avis d'appel public à la concurrence publié au Journal officiel de l'Union européenne, d'autre part, que le programme immobilier en cause constitue une opération d'aménagement au sens des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et, enfin, que les missions dévolues à l'opérateur désigné correspondent à celles énoncées à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme. Ce faisant, le tribunal, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments évoqués par la société Berobe dans ses écritures, a suffisamment motivé son jugement.
5. En deuxième lieu, si le jugement attaqué du tribunal administratif de Lille a ajouté qu'en tout état de cause, le contrat conclu entre la communauté urbaine de Dunkerque, la commune de Dunkerque et la société Vinci immobilier constitue un contrat administratif dès lors qu'il confie à la société Vinci immobilier une mission de service public, ces motifs présentent, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, un caractère surabondant. Dès lors, leur précision insuffisante ne saurait entacher le jugement attaqué d'irrégularité.
6. En troisième lieu, en ce qui concerne les conclusions de la société Berobe dirigées contre la délibération du conseil municipal de la commune de Dunkerque du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille, après avoir cité les dispositions du code général des collectivités territoriales attribuant aux communautés urbaines les compétences de ses communes membres en matière de développement et d'aménagement économique, a considéré, d'une part, que la commune de Dunkerque n'étant pas compétente pour conduire une opération d'aménagement telle que celle envisagée en l'espèce, la délibération en litige ne pouvait pas présenter, sur ce point, un caractère décisoire et, d'autre part, qu'en ce qui concerne la cession, à la société Vinci immobilier, de parcelles du domaine privé de la commune, elle ne présentait qu'un caractère préparatoire, pour en déduire que ces conclusions étaient également irrecevables. Ce faisant, le tribunal a suffisamment motivé son jugement, à supposer même qu'il n'ait pas répondu à l'ensemble des arguments avancés par l'appelante dans ses écritures.
7. En dernier lieu, la contradiction de motifs affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité. En tout état de cause, en tenant un raisonnement différent quant à la portée juridique de chacune des délibérations contestées devant lui, pour des raisons qui apparaissent dans les motifs de son jugement, ainsi qu'il a été dit au point précédent, le tribunal ne s'est pas fondé sur des motifs contradictoires.
Sur l'omission de statuer sur certaines conclusions :
8. Il résulte des écritures produites en première instance par la société Berobe que celle-ci a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du conseil de la communauté urbaine de Dunkerque du 14 décembre 2015. Le tribunal administratif de Lille a rejeté ces conclusions, dans leur ensemble, comme irrecevables. Dès lors, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait omis de répondre à ses conclusions dirigées contre cette délibération en tant que celle-ci porte sur la cession des parcelles relevant du domaine privé de la communauté urbaine.
Sur l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre les délibérations en litige :
9. Aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération en litige : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations ".
10. Il ressort des pièces du dossier que par un avis de " concession de travaux publics " publié au Journal officiel de l'Union européenne le 3 avril 2015, la communauté urbaine de Dunkerque a lancé une consultation en vue de confier à un opérateur immobilier la réalisation d'un programme de commerces et de logements sur le site des écoles du Parc de la Marine et du bâtiment des Affaires maritimes, sur le territoire de la commune de Dunkerque, qui appartient pour partie à la communauté urbaine et pour partie à la commune. Cet appel à candidatures indiquait qu'il présentait le caractère d'une " consultation en vue de la cession du foncier avec charges ". Il précisait que le programme immobilier envisagé s'inscrit dans le cadre d'un projet global de renforcement de l'attractivité du centre d'agglomération de Dunkerque, dénommé le " projet Phoenix ", ayant pour objet d'intensifier l'armature commerciale du centre-ville en résorbant les linéaires commerciaux actuels et d'accroître le nombre de logements neufs de qualité à proximité immédiate des bassins portuaires et dans un secteur ayant vocation à être desservi par un projet de lignes de bus à " haut niveau de service ". Il renvoyait à un " cahier des charges " de la consultation détaillant le contexte de l'opération envisagée, la " stratégie urbaine " à laquelle il participe et les attentes de l'établissement, notamment en ce qui concerne le gabarit des bâtiments à construire, la typologie des commerces et des logements envisagés sur le site et les " autres intentions urbaines " tenant en particulier à l'aménagement de " porosités entre le site et son environnement pour créer des boucles marchandes piétonnes ". Les délibérations en litige ont pour objet d'approuver le programme immobilier proposé par la société Vinci immobilier en réponse à cette consultation, de désigner cette société " comme opérateur de ce programme " et d'autoriser le président de la communauté urbaine et le maire de la commune à signer avec elle le " protocole d'accord afférent " ainsi que tout acte nécessaire à leur mise en oeuvre.
11. Le protocole d'accord dont les délibérations en litige autorisent la signature " fixe les droits et obligations respectifs des Parties et précise les modalités juridiques, financières et opérationnelles du partenariat " noué entre la communauté urbaine de Dunkerque, la commune de Dunkerque et la société Vinci immobilier. Il stipule qu'il a " pour objet de définir la consistance " du programme immobilier de commerces et de logements envisagé, dont il précise les caractéristiques, et renvoie au projet présenté par la société Vinci et annexé au protocole. Cette société s'engage à mener les études nécessaires à la conception précise du programme et à organiser un concours de maîtrise d'oeuvre. Les parties s'engagent par ailleurs à négocier les termes d'une future promesse de vente des parcelles sur la base de la proposition de " charge foncière " formulée par la société Vinci immobilier dans son dossier, soit un prix prévisionnel minimum de 1 900 000 euros hors taxes. Le protocole met en place des instances de concertation entre les parties pour la durée du projet et fixe un calendrier prévisionnel de réalisation de l'opération. Il prévoit la possibilité d'une résiliation amiable et d'une résiliation en cas de manquement de la société Vinci immobilier à l'une des obligations mises à sa charge par le protocole, " notamment la programmation ou le calendrier prévisionnel ". Enfin, il prévoit qu'à défaut, pour la promesse de vente des parcelles, de reprendre de manière exhaustive les droits et obligations qu'il fixe, celles-ci " continueront de s'appliquer de plein droit durant un délai de 4 ans suivant la commercialisation du programme de commerces ".
12. D'une part, il résulte des stipulations de ce protocole qu'il ne constitue pas qu'une simple déclaration commune d'intention qui, prévoyant sa concrétisation par des conventions ultérieures, serait par elle-même dépourvue de portée juridique, mais que les parties ont, au contraire, entendu lui donner une portée contraignante.
13. D'autre part, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier, et notamment des termes de la délibération en litige, que l'objet principal de ce protocole d'accord est de confier à la société Vinci immobilier la réalisation du programme immobilier de commerces et de logements évoqué au point 10. Compte tenu de ses caractéristiques et de l'importance des travaux envisagés, ce programme, qui ainsi qu'il a été dit s'inscrit dans un projet plus global de redynamisation du centre de Dunkerque dénommé " projet Phoenix ", caractérise une volonté d'aménagement de la part de la communauté urbaine et de la commune de Dunkerque et présente ainsi le caractère d'une opération d'aménagement qui répond aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, cité au point 9. Dès lors, ce protocole d'accord, conclu entre deux personnes publiques et une personne privée en vue de réaliser une opération d'aménagement, qui constitue une mission de service public, revêt le caractère d'un contrat administratif.
14. Or, indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini.
15. En application des principes rappelés au point précédent, compte tenu du caractère administratif du protocole d'accord conclu entre la société Vinci immobilier, la communauté urbaine de Dunkerque et la commune de Dunkerque, la société Berobe, qui peut en contester la validité devant le juge du contrat, n'est pas recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des délibérations des 14 décembre et 17 décembre 2015 par lesquelles le conseil de la communauté urbaine de Dunkerque et le conseil municipal de la commune de Dunkerque en ont autorisé la conclusion.
16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 15 que la société Berobe n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête comme irrecevable.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la société Berobe n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ni, par suite, à demander son annulation.
Sur les frais liés au litige :
18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Berobe est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté urbaine de Dunkerque et par la commune de Dunkerque au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Berobe, à la communauté urbaine de Dunkerque et à la commune de Dunkerque.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord et à la société Vinci immobilier.
N°17DA01740 7