Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 février 2018, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M.B....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant sierra-léonais, est entré irrégulièrement en France le 10 juillet 2017 en provenance d'Italie et a présenté une demande d'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été relevées en Italie à la suite du franchissement irrégulier de la frontière extérieure de l'Union européenne. Le préfet du Nord, considérant que l'Italie est l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B..., a demandé aux autorités de cet Etat de le prendre en charge sur leur territoire. Par un arrêté du 6 décembre 2017, il a décidé le transfert de M. B...aux autorités italiennes et son assignation à résidence. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 20 décembre 2017 par lequel, à la demande de M. B..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes du premier paragraphe de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale (...) ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 18 du même règlement : " L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre Etat membre (...) ". Aux termes de l'article 22 de ce règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. / (...) / 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".
3. Pour pouvoir procéder au transfert d'un demandeur d'asile vers un autre Etat membre en mettant en oeuvre ces dispositions du règlement, et en l'absence de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant une procédure différente, l'autorité administrative doit obtenir l'accord de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile avant de pouvoir prendre une décision de transfert du demandeur d'asile vers cet Etat. Une telle décision de transfert ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la prise en charge par l'Etat requis.
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du formulaire de requête aux fins de prise en charge adressé par le préfet du Nord aux autorités italiennes, produit en appel, qui comporte un numéro de référence correspondant à celui qui figure sur l'accusé de réception émis par le système DubliNET à la réception de cette requête, que le préfet a sollicité la prise en charge de M. B...par les autorités italiennes le 29 septembre 2017. Il est constant que ces autorités n'ont pas répondu à cette requête dans le délai de deux mois à compter de cette date, tel qu'il est prévu au paragraphe 1 de l'article 22 du règlement du 26 juin 2013, cité au point précédent. Dès lors, en application du paragraphe 7 du même article, le préfet du Nord pouvait se prévaloir, à la date de la décision de transfert en litige, de l'acceptation implicite de sa requête. M. B...n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision de le transférer aux autorités italiennes a été prise sans que celles-ci aient accepté de le prendre en charge sur leur territoire.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté de transfert. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant la juridiction administrative.
Sur les autres moyens soulevés par M.B... :
En ce qui concerne la décision de transfert :
6. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier qu'un entretien individuel a été mené avec M. B... à la préfecture du Nord le 21 septembre 2017. Il résulte du compte rendu d'entretien que l'intéressé était assisté d'une interprète en langue soussou dont le nom figure tant dans ce compte rendu que dans l'arrêté en litige. M. B...ne conteste pas sérieusement avoir reçu l'assistance effective de cette interprète, dont témoigne au demeurant la teneur du compte rendu qui atteste que l'intimé a pu répondre précisément aux questions qui lui étaient posées et présenter ses observations. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'agent de la préfecture du Nord ayant mené l'entretien, dont les initiales figurent sur le compte rendu, n'aurait pas été désigné à cette fin par le préfet, ni que l'entretien ne se serait pas déroulé dans des conditions conformes aux dispositions citées au point précédent. M. B...n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que ces dispositions auraient été méconnues.
8. Aux termes du paragraphe 3 de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, la requête aux fins de prise en charge par un autre Etat membre est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend les éléments de preuve ou indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou les autres éléments pertinents tirés de la déclaration du demandeur qui permettent aux autorités de l'Etat membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article premier du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers : " Une requête aux fins de prise en charge est présentée à l'aide du formulaire type dont le modèle figure à l'annexe I (...) ".
9. Ainsi qu'il a été dit au point 4, le préfet du Nord produit, devant la cour, le formulaire de requête aux fins de prise en charge de M. B...qu'il a adressé aux autorités italiennes. Dès lors, le moyen tiré de ce que la requête adressée aux autorités italiennes par le préfet du Nord n'aurait pas été effectuée au moyen du formulaire-type prévu par ces dispositions manque, en tout état de cause, en fait.
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet du Nord de le transférer aux autorités italiennes est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
11. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. B...n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de transfert aux autorités italiennes dont il fait l'objet. Il s'en suit que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet du Nord ordonnant son assignation à résidence est entachée d'illégalité.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 6 décembre 2017.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au conseil de M. B...de la somme qu'il demande sur ce fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 20 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de M. B...est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées en appel par le conseil de M. B...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., au ministre de l'intérieur et à Me A...D....
N°18DA00276 5