Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 août 2016, et des mémoires, enregistrés le 19 septembre 2017 et les 11 octobre, 26 octobre et 29 octobre 2018, la société Etablissements J. Moncomble, représentée par la SELURL Gilbert C...avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 6 novembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me B...C..., représentant la société Etablissements J. Moncomble, et de Me A...D..., représentant la société publique locale Amiens Développement.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 24 mai 2003, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Amiens Métropole a approuvé la convention publique d'aménagement confiée à la société anonyme d'économie mixte Amiens Aménagement (SAEM-AA), relative à l'opération d'aménagement " Quartier Gare - Centre d'agglomération ". Cette convention a été signée le 25 juin 2003. Par une délibération du 9 février 2006, ce même organe délibérant a décidé de créer une zone d'aménagement concerté (ZAC), dite " Gare-la Vallée ", sur le territoire des communes d'Amiens et de Rivery. Par une délibération du 14 octobre 2010, il a autorisé la SAEM-AA à solliciter du préfet de la Somme la déclaration d'utilité publique préalable à cette opération, en sa qualité de délégataire. Le préfet de la Somme a prescrit l'ouverture de deux enquêtes publiques conjointes relatives à l'utilité publique de ce projet et aux acquisitions foncières nécessaires à sa réalisation par un arrêté du 10 janvier 2011, puis a déclaré ce projet d'utilité publique par un arrêté du 22 août 2011, devenu définitif. Par un arrêté du 28 février 2012, le préfet de la Somme a déclaré cessible, notamment, la parcelle cadastrée section AH n° 24, située 40 rue du port d'Amont à Amiens. Cette parcelle étant soumise au régime de la copropriété, le préfet a ordonné l'ouverture d'une enquête parcellaire complémentaire par un arrêté du 27 novembre 2012, pour intégrer les lots de copropriété nos 1, 2, 4, 5, 7 et 8 à la liste des biens déclarés cessibles. Par un arrêté du 8 mars 2013, le préfet de la Somme a déclaré cessibles ces lots de copropriété. Ces lots désignés par cet arrêté du 8 mars 2013 étant situés non seulement sur la parcelle AH n° 24 mais aussi sur la parcelle AH n° 25, le préfet a ordonné, par un arrêté du 15 janvier 2014, l'ouverture d'une seconde enquête parcellaire complémentaire portant sur les lots de copropriété nos 1, 2, 4, 5, 7 et 8 des immeubles cadastrés AH n° 24 et AH n° 25. Par un arrêté du 16 avril 2014, le préfet de la Somme a déclaré cessibles ces lots de copropriété. Par un arrêté du 6 novembre 2014, le préfet de la Somme a, d'une part (article 1er), retiré l'arrêté de cessibilité du 28 février 2012, en tant seulement qu'il portait sur la parcelle AH n° 24, d'autre part (article 2), retiré intégralement l'arrêté de cessibilité du 8 mars 2013 et, enfin (article 3), indiqué que la parcelle cadastrée AH n° 24 restait déclarée cessible dans les conditions prévues par l'arrêté du 16 avril 2014. La société Etablissements J. Moncomble relève appel du jugement du 14 juin 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation des articles 1 et 2 de l'arrêté du 6 novembre 2014.
Sur les mémoires en défense présentés par la société publique locale Amiens Développement :
2. Par une délibération du 4 février 2016, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Amiens Métropole a approuvé la résiliation de la convention publique d'aménagement conclue le 25 juin 2003 mentionnée au point précédent. Ce protocole de résiliation a été signé le 11 mars 2016 et a pris effet au 1er mai 2016. Par une délibération du 17 mars 2016, le même organe délibérant a confié la réalisation de la même ZAC à la société publique locale Amiens Développement (SPL-AD), par une concession d'aménagement, qui a pris effet le 1er mai 2016. L'arrêté du 13 mai 2016, par lequel le préfet de la Somme a prorogé de cinq ans les effets de l'arrêté du 22 août 2011 portant déclaration d'utilité publique du projet, dispose que " la communauté d'agglomération Amiens Métropole et la société publique locale Amiens Développement, concessionnaire remplaçant la société anonyme d'économie mixte Amiens Aménagement, sont autorisées à acquérir soit à l'amiable, soit par voie d'expropriation, les parcelles nécessaires à la réalisation de ce projet ". La SPL-AD, en sa qualité de concessionnaire de l'opération d'aménagement et de bénéficiaire des expropriations nécessaires à sa réalisation, est, contrairement à ce que soutient la société Etablissements J. Moncomble, recevable à présenter des observations en défense dans la présente instance.
Sur l'exception de non-lieu :
3. Par jugement n° 1301211 du 14 juin 2016, devenu définitif postérieurement à l'introduction de la présente requête d'appel, le tribunal administratif d'Amiens a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 mars 2013 mentionné au point 1. L'éventuelle annulation de l'article 2 de l'arrêté en litige du 6 novembre 2014, dont le seul objet consiste à procéder au retrait de cet arrêté du 8 mars 2013, est donc insusceptible de rétablir celui-ci dans l'ordonnancement juridique. Le ministre de l'intérieur est, par suite, fondé à soutenir que les conclusions tendant à l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 6 novembre 2014 sont devenues en cours d'instance sans objet.
4. En revanche, les conclusions tendant à l'annulation de l'article 1er de l'arrêté du 6 novembre 2014 n'ont pas perdu leur objet, les dispositions retirées par cet arrêté n'ayant pas, en cours d'instance, été annulées par un jugement devenu définitif.
Sur la légalité de l'article 1er de l'arrêté du 6 novembre 2014 :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur de droit :
5. L'arrêté par lequel l'autorité préfectorale déclare immédiatement cessibles des biens immobiliers n'a pas le caractère d'une décision créatrice de droits au profit des propriétaires de ces biens. Un tel arrêté peut ainsi être légalement retiré sans délai par son auteur. Il en va de même y compris dans le cas ou un tel arrêté a servi de fondement à une ordonnance par laquelle le juge de l'expropriation a déclaré expropriés ces biens immobiliers et ou cette ordonnance, régulièrement notifiée, est devenue définitive.
6. Il résulte de ce qui vient d'être dit que doit être écarté le moyen tiré de l'erreur de droit qui aurait été commise par le préfet de la Somme en retirant, plus de quatre mois après leur édiction, les arrêtés de cessibilité des 28 février 2012 et 8 mars 2013, qui ont servi de fondement à une ordonnance d'expropriation régulièrement notifiée.
En ce qui concerne les moyens, soulevés par voie d'exception, tirés de l'illégalité de la délibération du 25 mai 2003 par laquelle la communauté d'agglomération Amiens Métropole a approuvé le projet de convention publique d'aménagement et de la décision du 25 juin 2003 par laquelle le président de la communauté d'agglomération a signé celle-ci :
7. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. L'acte par lequel l'autorité préfectorale retire un arrêté de cessibilité n'est pas pris pour l'application de la délibération approuvant la convention par laquelle l'assemblée délibérante compétente a confié à une société l'aménagement de cette zone, ou pour celle de la décision par laquelle l'autorité exécutive signe cette convention, ni une telle délibération et une telle décision ne constituant la base légale de cet acte.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'appelante ne peut ainsi utilement se prévaloir, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2014 retirant deux précédents arrêtés de cessibilité, de l'illégalité de la délibération du 25 mai 2003, ni de celle de la décision du 25 juin 2003.
En ce qui concerne le moyen tiré de la résiliation de la convention publique d'aménagement :
9. Un arrêté préfectoral ne peut légalement déclarer cessibles des parcelles de terrain nécessaires à la réalisation d'une ZAC en l'absence d'identification du concessionnaire chargé de cet aménagement et bénéficiaire, à ce titre, de l'expropriation. Par suite, l'arrêté de cessibilité par lequel le préfet déclare des terrains cessibles à une société concessionnaire doit être annulé par voie de conséquence de la résolution ou de l'annulation de la convention de concession. En revanche, la résiliation de la convention, eu égard à son absence de caractère rétroactif, ne conduit à annuler, par voie de conséquence, ni un tel arrêté de cessibilité, ni, en tout état de cause, l'acte procédant au retrait d'un tel arrêté.
10. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la résiliation, décidée par un protocole signé le 11 mars 2016 et prenant effet à compter du 1er mai 2016, de la convention publique d'aménagement conclue le 25 juin 2003 entre la communauté d'agglomération Amiens Métropole et la SAEM-AA, devrait entrainer par voie de conséquence l'annulation de l'arrêté de retrait en litige.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir soulevées par les intimées, que la société Etablissements J. Moncomble n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au procès :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, le versement de la somme réclamée sur leur fondement par la société Etablissements J. Moncomble.
13. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Etablissements J. Moncomble une somme de 1 500 euros à verser à la société publique locale Amiens Développement sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 6 novembre 2014.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Etablissements J. Moncomble est rejeté.
Article 3 : La société Etablissements J. Moncomble versera à la société publique locale Amiens Développement une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Etablissements J. Moncomble, au ministre de l'intérieur et à la société publique locale Amiens Développement.
N°16DA01506 4