Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2017, un mémoire, enregistré le 23 octobre 2017, et des pièces complémentaires, enregistrées le 26 novembre 2018, la société MSE Le moulin de Sehen, représentée par la SELARL Enckell avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 6 932 863 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me A...B..., représentant la société MSE Le moulin de Sehen.
Considérant ce qui suit :
1. La société MSE Le moulin de Sehen a déposé, le 17 décembre 2003, une demande de permis de construire cinq éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Bourthes. Par un arrêté du 17 avril 2009, le préfet du Pas-de-Calais a accordé l'autorisation sollicitée. Par un jugement n° 0906452 du 19 juillet 2012, le tribunal administratif de Lille a, à la demande du Groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer (GDEAM), annulé cet arrêté du 17 avril 2009. Par un arrêt n° 12DA01458 du 9 avril 2014, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Douai, se fondant sur l'insuffisante motivation de l'avis du commissaire enquêteur et sur la circonstance que cette irrégularité a privé le public de la garantie qui s'attache à l'expression d'une position personnelle du commissaire enquêteur, a confirmé ce jugement. Par une lettre du 22 décembre 2014, la société MSE Le moulin de Sehen a demandé au préfet du Pas-de-Calais la réparation financière des divers préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de la délivrance illégale d'un permis de construire. Par un jugement du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a, à la demande de la société MSE Le moulin de Sehen, d'une part, condamné l'Etat à indemniser celle-ci à hauteur de 172 718,55 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2014, au titre des frais de développement, d'études et de constitution du dossier accompagnant la demande de permis de construire, ainsi qu'au titre des frais de justice, d'autre part, rejeté la demande en ce qui concerne l'indemnisation d'un manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser l'opération projetée. La société MSE Le moulin de Sehen relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté cette demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal a relevé que " du fait de l'annulation pour excès de pouvoir de son permis de construire, la société MSE Le moulin de Sehen doit être regardée comme n'ayant jamais eu un droit à construire ; que, par suite, le bénéfice qu'elle aurait pu retirer de la construction envisagée serait résulté d'une opération elle-même illégale ; que la requérante ne saurait dès lors, en tout état de cause, prétendre à être indemnisée de son manque à gagner sur cette opération ". Si la société appelante conteste la pertinence de ce raisonnement, l'erreur alléguée, qui n'affecte que le bien-fondé du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, est sans incidence sur sa régularité.
Sur l'indemnisation du manque à gagner :
4. Toute illégalité est constitutive d'une faute. Ainsi, la décision par laquelle l'autorité administrative délivre un permis de construire illégal constitue une faute de nature à engager sa responsabilité, à condition, notamment, que l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'illégalité ainsi commise et le préjudice invoqué puisse être établi.
5. L'arrêté du 17 avril 2009, par lequel le préfet du Pas-de-Calais a accordé à la société MSE Le moulin de Sehen un permis de construire cinq éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Bourthes, a été annulé, ainsi qu'il a été dit au point 1, par le juge administratif. L'Etat a donc commis une faute en délivrant un permis de construire illégal.
6. Cependant, et ainsi qu'il a déjà été dit au point 1, cette annulation n'a été prononcée, par le tribunal administratif, que le 19 juillet 2012. Il ne résulte pas de l'instruction que la société MSE Le moulin de Sehen aurait été dans l'impossibilité, jusqu'à cette annulation, d'engager et d'achever les travaux de construction autorisés par ce permis du 17 avril 2009. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que, si ces travaux avaient été engagés et achevés entre la date à laquelle a été délivré ce permis de construire et celle à laquelle il a ensuite été annulé, ces constructions auraient pu, à la suite de cette annulation, et compte tenu du seul vice d'illégalité externe entachant ce permis, faire l'objet d'une action de nature à faire obstacle à la poursuite de son exploitation. L'impossibilité de réaliser par la suite l'opération projetée trouve donc sa cause dans le choix fait par la société MSE Le moulin de Sehen de différer l'engagement des travaux alors qu'elle était titulaire, jusqu'au 19 juillet 2012, d'un permis de construire l'y autorisant, le recours pour excès de pouvoir dirigé à l'encontre de ce dernier devant le tribunal administratif n'étant pas suspensif d'exécution. Par suite, l'illégalité commise par l'Etat en délivrant à la société MSE Le moulin de Sehen un permis de construire illégal ne présente pas de lien de causalité direct et certain avec le manque à gagner résultant de l'impossibilité de réaliser l'opération projetée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société MSE Le moulin de Sehen n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de ce manque à gagner. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société MSE Le moulin de Sehen est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société MSE Le moulin de Sehen et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
N°17DA00028 2