Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 novembre 2016 et 16 octobre 2017, la SARL Oxial, représentée par Me D... A...et Me B...C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces arrêtés et ces décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me B...C..., représentant la société Oxial.
Considérant ce qui suit :
1. La société Oxial a demandé au préfet du Nord de l'autoriser à installer deux dispositifs de publicité lumineuse à des emplacements situés sur le territoire de la commune de Ennetières-en-Weppes. Par les deux arrêtés en litige, le préfet du Nord a rejeté les demandes de la société Oxial aux motifs que, la population de cette commune étant inférieure à 10 000 habitants, et dès lors qu'elle ne fait pas partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants, la publicité lumineuse y est interdite par les dispositions de l'article R. 581-34 du code de l'environnement. La société Oxial relève appel du jugement du 15 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces arrêtés.
2. Pour l'application des dispositions du code de l'environnement fixant les conditions dans lesquelles la publicité peut être autorisée dans et en dehors des agglomérations, la notion d'agglomération, qui doit être entendue comme un espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis rapprochés, ne saurait, en l'absence de disposition contraire, être appréhendée qu'à l'intérieur du territoire d'une seule commune.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 581-7 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date des décisions en litige : " En dehors des lieux qualifiés d'agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière, toute publicité est interdite. Elle est toutefois autorisée à l'intérieur de l'emprise des aéroports ainsi que des gares ferroviaires, selon des prescriptions fixées par décret en Conseil d'Etat. La publicité peut également être autorisée par le règlement local de publicité de l'autorité administrative compétente à proximité immédiate des établissements de centres commerciaux exclusifs de toute habitation et situés hors agglomération, dans le respect de la qualité de vie et du paysage et des critères, en particulier relatifs à la densité, fixés par décret ". Il résulte de ces dispositions que les " centres commerciaux exclusifs de toute habitation et situés hors agglomération " ne peuvent être regardés comme constituant eux-mêmes une agglomération au sens et pour l'application des règles relatives à l'affichage publicitaire, et que la publicité ne peut y être autorisée que par une disposition du règlement local de publicité.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 581-9 du même code : " Dans les agglomérations, et sous réserve des dispositions des articles L. 581-4 et L. 581-8, la publicité est admise. Elle doit toutefois satisfaire, notamment en matière d'emplacements, de densité, de surface, de hauteur, d'entretien et, pour la publicité lumineuse, d'économies d'énergie et de prévention des nuisances lumineuses au sens du chapitre III du présent titre, à des prescriptions fixées par décret en Conseil d'Etat en fonction des procédés, des dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l'importance des agglomérations concernées. (...) / (...) L'installation des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence est soumise à l'autorisation de l'autorité compétente (...) ". Aux termes de l'article R. 581-34 de ce code, pris pour l'application de ces dispositions : " La publicité lumineuse est la publicité à la réalisation de laquelle participe une source lumineuse spécialement prévue à cet effet. / La publicité lumineuse ne peut être autorisée à l'intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que les dispositifs publicitaires en cause doivent être installés dans une vaste zone commerciale, couramment désignée comme le centre commercial d'Englos, située à cheval sur plusieurs communes, notamment l'extrémité est du territoire de celle d'Ennetières-en-Weppes, où se trouvent les emplacements des dispositifs projetés. Il est constant que la zone bâtie qui se trouve à l'est du territoire de cette commune correspond exclusivement à ce centre commercial et n'accueille aucun habitant. Elle est séparée de plusieurs centaines de mètres du centre-bourg de cette commune. Dès lors que, comme il a été dit au point 2, la notion d'agglomération ne saurait être appréhendée qu'à l'intérieur d'une telle commune, cette zone commerciale constitue un " centre commercial exclusif de toute habitation et situé hors agglomération ", au sens de l'article L. 581-7 du code de l'environnement, cité au point 3, alors même qu'elle se trouve dans la continuité d'une grande agglomération située sur les territoires des communes voisines. Il s'ensuit qu'en se fondant, pour rejeter les demandes d'autorisation présentées par la société Oxial, sur les dispositions de l'article R. 581-34 du même code qui régissent, ainsi qu'il a été dit au point 4, les dispositifs de publicité lumineuse installés dans les agglomérations, le préfet du Nord a méconnu le champ d'application de cet article.
6. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
7. Dans son mémoire enregistré le 28 décembre 2018 et communiqué à la société Oxial, le ministre de la transition écologique et solidaire fait valoir que les décisions en litige sont légalement justifiées par un autre motif, tiré de ce que les dispositifs publicitaires en cause, dès lors qu'ils se situent en dehors d'une agglomération au sens de l'article L. 581-7 du code de l'environnement, cité au point 3, sont en tout état de cause interdits par les dispositions de cet article.
8. Il résulte des dispositions de l'article L.581-7 du code de l'environnement que les dispositifs publicitaires tels que ceux envisagés par la société ne peuvent être implantés dans un centre commercial dépourvu de toute habitation et situé hors agglomération, au sens de cet article, que si la commune d'implantation a adopté un règlement local de publicité à cet effet dans les conditions prévues par les articles L. 581-14 et R. 581-72 et suivants du code de l'environnement. Il est constant qu'il n'existe pas de règlement local de publicité qui autoriserait la publicité à proximité des magasins situés dans la partie de ce centre commercial qui se trouve sur le territoire de la commune d'Ennetières-en-Weppes où la société Oxial souhaite installer ses deux dispositifs de publicité lumineuse. Dès lors, ce motif est de nature à fonder légalement les décisions par lesquelles le préfet du Nord a rejeté les demandes d'autorisation présentées par la société Oxial. Il résulte, en outre, de l'instruction que le préfet du Nord aurait pris la même décision s'il s'était fondé initialement sur ce motif. Il y a lieu, par suite, de procéder à la substitution demandée, qui ne prive pas la société Oxial d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
9. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le second moyen soulevé par la société Oxial et tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des dispositions de l'article R. 581-34 du code de l'environnement est inopérant, compte tenu de la substitution de motifs ainsi réalisée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Oxial n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Nord du 20 juin 2014. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Oxial est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Oxial et au ministre de la transition écologique et solidaire.
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°16DA02070 2