Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juin 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 2 janvier 2019, l'association Contre-vent, M. A...B...et M. A...D..., représentés par Me F...G..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me E...C..., représentant la société " Parc éolien d'Illois ".
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 12 novembre 2013, le préfet de la Seine-Maritime a délivré à la société " Parc éolien d'Illois " un permis de construire un parc éolien, composé de six éoliennes et d'un poste de livraison, sur le territoire de la commune d'Illois. L'association Contre-vent, M. B...et M. D... relèvent appel du jugement du 25 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Si le tribunal administratif de Rouen a, au point 9 du jugement attaqué, écarté comme inopérant le moyen soulevé par l'association Contre-vent et MM. B...et D...tiré de la méconnaissance des orientations du schéma régional éolien, au motif que celles-ci n'ont qu'une valeur indicative, il a également, au point 11 de ce jugement, répondu à l'argumentation des intéressés selon laquelle la méconnaissance des orientations du schéma caractériserait, de la part du préfet de la Seine-Maritime, une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme. Les appelants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le tribunal administratif a mal apprécié la portée de leur moyen et omis d'y répondre.
3. L'association Contre-vent et MM. B...et D...ont soulevé en première instance un moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis par le maire d'Illois dans le cadre de l'instruction de l'arrêté en litige, en raison, selon eux, d'un défaut d'impartialité. Le tribunal administratif de Rouen a écarté ce moyen au point 8 de son jugement en considérant que la circonstance que le frère de l'intéressé est propriétaire de l'une des parcelles d'assiette du projet de parc éolien en litige ne suffit pas à caractériser un défaut d'impartialité. A l'appui de ce moyen, l'association Contre-vent et MM. B... et D...faisaient également valoir que le frère du maire d'Illois aurait participé au vote d'une délibération du conseil municipal de la commune voisine de Marques, dont il est membre, émettant un avis sur le projet de parc éolien, en soutenant " qu'une telle participation est de nature à entacher d'illégalité les avis émis par le maire et par conséquent le permis de construire lui-même ". Toutefois, le tribunal administratif de Rouen n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties à l'appui de ce moyen. En outre, cet argument était inopérant, l'irrégularité alléguée d'une délibération du conseil municipal de la commune de Marques étant sans influence sur la régularité de l'avis émis par le maire d'Illois dans le cadre de l'instruction du permis de construire contesté. Les appelants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le tribunal administratif de Rouen a entaché son jugement d'irrégularité en omettant de répondre à cet argument.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la qualité de la pétitionnaire pour déposer une demande de permis de construire :
4. Aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". Aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " La demande de permis de construire (...) comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ".
5. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme cité ci-dessus. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer, au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif. Enfin, si postérieurement à la délivrance du permis de construire, l'administration a connaissance de nouveaux éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de sa décision, elle peut légalement procéder à son retrait sans condition de délai. La fraude est caractérisée lorsqu'il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a eu l'intention de tromper l'administration sur sa qualité pour présenter la demande d'autorisation d'urbanisme.
6. Il ressort des pièces du dossier que le 31 août 2012, soit deux semaines après le dépôt de la demande de permis de construire de la société " Parc éolien d'Illois ", l'association foncière de remembrement d'Illois, se présentant comme propriétaire de la parcelle cadastrée ZI 19, sur laquelle doit être aménagé l'un des chemins d'accès au parc éolien projeté, l'a autorisée à présenter toute demande visant à l'aménagement de ce parc impliquant notamment cette parcelle. Ni le fait que cette attestation soit postérieure au dépôt de la demande de permis de construire, ni la circonstance que la parcelle en cause appartiendrait, en réalité, à la communauté de communes d'Aumale ne sont, à eux seuls, de nature à faire regarder l'attestation signée par la pétitionnaire à l'occasion de sa demande de permis de construire, selon laquelle elle remplissait les conditions requises pour présenter une telle demande, comme entachée de fraude. Au demeurant, les appelants n'allèguent pas qu'en signant cette attestation, la pétitionnaire aurait entendu tromper l'administration sur sa qualité pour présenter cette demande. Dans ces conditions, et compte tenu des principes rappelés au point précédent, ils ne sont pas fondés à soutenir que l'absence de qualité de la société " Parc éolien d'Illois " pour présenter une demande de permis de construire visant notamment la parcelle ZI 19 est de nature à entacher d'illégalité l'arrêté en litige, qui est délivré sous réserve du respect des droits des tiers.
En ce qui concerne la justification du dépôt d'une demande d'autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement :
7. Aux termes de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque les travaux projetés portent sur une installation classée soumise à autorisation, enregistrement ou déclaration en application des articles L. 512-1, L. 512-7 et L. 512-8 du code de l'environnement, la demande de permis de construire doit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande d'autorisation de la demande d'enregistrement ou de la déclaration ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le récépissé de demande d'autorisation d'exploitation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement a été versé par la pétitionnaire au dossier de demande de permis de construire le 13 novembre 2012. Ce dossier était donc complet à la date de l'arrêté en litige. Ni les dispositions citées au point précédent, ni aucune autre disposition applicable au permis de construire contesté n'imposait que les deux demandes soient déposées simultanément.
En ce qui concerne l'enquête publique réalisée au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement :
9. Les moyens soulevés par les appelants et tirés des irrégularités entachant, selon eux, l'enquête publique organisée dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation d'exploitation présentée par la même pétitionnaire au titre de la législation sur les installations classées sont inopérants à l'encontre du permis de construire en litige, dont la légalité s'apprécie au regard de la seule législation de l'urbanisme.
En ce qui concerne la régularité de l'avis émis par le maire d'Illois :
10. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision est prise par le préfet, celui-ci recueille l'avis du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ".
11. Le principe d'impartialité, qui garantit aux administrés que toute autorité administrative, individuelle ou collégiale, est tenue de traiter leurs affaires sans préjugés ni partis pris, doit être respecté durant l'intégralité de la procédure d'instruction et de délivrance d'un permis de construire, y compris, dès lors, dans la phase de consultation précédant la prise de décision.
12. La circonstance que le maire d'Illois, consulté dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire de la société " Parc éolien d'Illois " en application des dispositions citées au point 10, est le frère du propriétaire de l'une des parcelles d'assiette du projet de la pétitionnaire ne permet pas, à elle seule, de faire regarder le maire comme étant personnellement intéressé à cette affaire. Les appelants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que l'avis du maire d'Illois serait intervenu en méconnaissance du principe d'impartialité.
En ce qui concerne les mentions de l'arrêté en litige :
13. Aucune disposition n'imposait au préfet de la Seine-Maritime de mentionner dans le permis de construire en litige l'existence d'une demande d'autorisation d'exploitation au titre de la législation sur les installations classées, non plus que les dispositions de l'article L. 512-2 du code de l'environnement aux termes desquelles le permis de construire ne pouvait pas être exécuté avant la clôture de l'enquête publique prévue au titre de cette législation.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :
14. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
15. D'une part, si trois des éoliennes qui composent le parc éolien projeté se situent dans l'axe d'écoulement des eaux qui se dirige vers le captage d'eau potable voisin, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la mise en place, au pied des éoliennes, d'un dispositif technique visant à parer aux conséquences d'une situation accidentelle, par nature hypothétique, dans laquelle l'huile contenue dans les machines viendrait à s'écouler le long du mat. Dans ces conditions, l'association Contre-vent et MM. B...etD..., qui ne remettent pas en cause l'efficacité de ce dispositif, ne démontrent pas qu'il existerait un risque réel de pollution des eaux du captage.
16. D'autre part, si les appelants soutiennent que la possibilité de la projection d'une pale, d'un morceau de pale ou de glace formée sur les pales des éoliennes présente un risque pour la sécurité publique, il ressort des pièces du dossier que ce risque est nul pour les habitations voisines, lesquelles se situent, pour les plus proches, à plus de 520 mètres des machines, donc hors d'atteinte d'une telle projection. S'agissant du risque résultant d'une projection sur la route départementale 929, depuis les éoliennes E3 et E6 situées respectivement à 125 mètres et 286 mètres de cette route, il ressort des pièces du dossier qu'une telle éventualité est très peu probable, compte tenu notamment, en ce qui concerne le risque de projection de glace, des conditions climatiques en Seine-Maritime et de l'existence d'un dispositif technique visant à permettre la détection de glace en formation sur les pales. Les indications de l'étude d'impact selon lesquelles ce risque est en conséquence " acceptable " ne sont pas sérieusement remises en cause par les appelants. Ceux-ci ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le permis de construire en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme cité au point 14.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme :
17. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
18. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus.
19. D'une part, il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté par les appelants que le secteur d'implantation du parc éolien projeté par la pétitionnaire ne présente pas d'intérêt particulier. Il s'agit d'un plateau agricole voué à l'agriculture intensive. Aucun site naturel classé ou inscrit ni aucun monument historique classé ou inscrit ne se trouve dans un rayon de 5 kilomètres autour du parc. La route départementale 929 traverse le territoire de la commune d'Illois à proximité immédiate des terrains d'assiette du projet et l'autoroute A 29 se situe à quelques centaines de mètres au sud.
20. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'il existe, à la date du permis de construire contesté, dans un rayon de 16,5 kilomètres autour des terrains d'implantation du projet, douze parcs éoliens déjà réalisés ou autorisés. Si les appelants soutiennent que ce nouveau parc éolien renforce le mitage du paysage, qui se trouvera " totalement saturé d'éoliennes ", il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier de l'étude d'impact réalisée par la pétitionnaire, qui mentionne notamment qu'il existera peu de nouvelles covisibilités ou intervisibilités entre ce parc éolien et les parcs voisins, que la construction des six éoliennes autorisées par le permis de construire en litige soit de nature, en raison de l'existence d'autres parcs éoliens déjà réalisés ou autorisés dans les environs, à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Il est vrai que le schéma régional éolien de Haute-Normandie énonce que la zone n° 7 dite du " Petit Caux ", où se trouve le territoire de la commune d'Illois, quoique favorable à l'implantation d'éoliennes, est déjà saturée en parcs éoliens, de sorte qu'il ne peut être envisagé que de densifier les parcs existants. Toutefois, outre que les énonciations de ce schéma sont dépourvues de portée contraignante à l'égard d'un permis de construire, il ressort de l'annexe IV de ce schéma qu'une dérogation est admise pour les parcs éoliens qui se situent dans un fuseau de 1 kilomètre de part et d'autre de l'autoroute A29, ce qui est le cas en l'espèce. En outre, il apparaît sur la carte annexée à ce schéma que la zone n° 7, qui s'étend jusqu'aux côtes de la Manche, est vaste et que la saturation qu'il évoque ne se constate pas dans le secteur d'Illois à un niveau tel qu'il caractériserait une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, cité au point 17.
21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ou de la demande de première instance, que l'association Contre-vent et MM. B...et D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement aux appelants de la somme qu'ils demandent sur ce fondement.
23. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de l'association Contre-vent, de M. B...et de M. D...le versement de la somme totale de 1 500 euros à la société " Parc éolien d'Illois " sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association Contre-vent, de M. B...et de M. D...est rejetée.
Article 2 : L'association Contre-vent, M. B...et M. D...verseront solidairement la somme totale de 1 500 euros à la société " Parc éolien d'Illois " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Contre-vent, à M. A...B..., à M. A... D..., à la société " Parc éolien d'Illois " et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.
N°17DA01222 7