Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2018, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande de Mme A...F....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 61-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Boulanger, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeF..., ressortissante guinéenne née le 10 décembre 1990, déclare être entrée sur le territoire français le 21 mars 2015. Sa première demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 décembre 2015 et par la Cour nationale du droit d'asile le 7 septembre 2016. La demande de réexamen déposée par l'intéressée a été rejetée le 20 septembre 2017 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 16 mars 2018 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 23 avril 2018, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 21 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé ses décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Par la voie de l'appel incident, Mme F...demande l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions sur la demande de titre de séjour.
Sur la décision de refus de séjour :
2. Par un arrêté du 19 mars 2018, régulièrement publié le même jour au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à Mme B...D..., à l'effet de signer les décisions de refus de titre de séjour en cas d'absence ou d'empêchement de M. E..., directeur de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision doit être écarté.
3. Il résulte de ce qui précède que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, Mme F...n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 avril 2018 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer son titre de séjour.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille :
4. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 19 mars 2018, régulièrement publié au recueil spécial des actes du département du même jour, le préfet du Nord a donné délégation à Mme B...D..., attachée principale d'administration de l'Etat, directrice adjointe de l'immigration et de l'intégration, signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. E..., directeur de l'immigration et de l'intégration, les décisions reprises aux articles 1, 2, 3, 5 et 11 de cet arrêté. L'article 1 liste un certain nombre de décisions parmi lesquelles se trouvent notamment les décisions refusant un titre de séjour, celles portant obligation de quitter le territoire français et celles fixant le pays de destination. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que M. E...n'aurait pas été absent ou empêché. Mme D...était ainsi compétente pour signer toutes les décisions contestées, en dépit des éventuelles incohérences qui entacheraient d'autres articles de l'arrêté. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
5. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme F...à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
En ce qui concerne les autres moyens :
6. Il résulte de ce qui a été énoncé au point 3 que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
7. La décision attaquée vise les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la première demande d'asile et la demande de réexamen de MmeF.... Elle énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour l'obliger à quitter le territoire français. Dès lors, cette mesure est suffisamment motivée au regard des exigences du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
8. Le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
9. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 de ce code, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection internationale, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ainsi que l'indique le " Guide du demandeur d'asile en France " qui lui a été remis à l'occasion du dépôt de sa demande. Il lui appartenait, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il jugeait utile, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'imposait pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire. Ainsi, la circonstance que Mme F... n'ait pas été invitée à formuler des observations avant l'édiction de la décision d'éloignement ne permet pas de la regarder comme ayant été privée de son droit à être entendu. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu tel que garanti par le principe général du droit de l'Union européenne doit, dès lors, être écarté.
10. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".
11. Le préfet du Nord produit un extrait de la base de donnes " TelemOfpra ", relative à l'état des procédures des demandes d'asile, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire en application des dispositions de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il ressort que la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande de Mme F... lui a été notifiée le 23 mars 2018. L'intéressée, qui ne fait état d'aucun élément contraire, n'est dès lors pas fondée à soutenir que le 23 avril 2018, date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, elle bénéficiait du droit de se maintenir en France, en application de l'article L. 743-1 du même code.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
Sur la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 23 avril 2018 portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination. Dès lors, la demande que Mme F...a présentée au tribunal administratif de Lille doit être rejetée. Il en est de même des conclusions incidentes qu'elle présente en cause d'appel, y compris les conclusions tendant au prononcé de l'injonction et celle qu'elle présente sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du 21 juin 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme F...devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions incidentes, y compris celles tendant au prononcé d'une injonction ainsi qu'à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...F..., au ministre de l'intérieur et à Me C...G....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
N°18DA01670 5