Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 novembre 2018, M. F...B...et Mme D...B..., représentés par Me I...C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) d'enjoindre au président du conseil départemental du Pas-de-Calais d'autoriser la commune d'Audruicq à entreprendre les travaux en cause dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des postes et communications électroniques ;
- le code de la voirie routière ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me A...G..., représentant M. et MmeB..., et de Me E...H..., représentant le département du Pas-de-Calais.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B...ont obtenu en 2011 du maire d'Audruicq la délivrance d'un permis de construire les autorisant à édifier deux maisons d'habitation sur un terrain dont ils sont propriétaires sur le territoire de cette commune. Ces deux maisons devaient, selon les indications du dossier de demande de permis de construire, être raccordées aux réseaux de distribution d'eau et d'électricité et de télécommunications existant au droit du terrain, sur la route départementale 219, également dénommée rue du Fort Bâtard. A la suite de la délivrance du permis de construire et du commencement des travaux, il est apparu que les réseaux n'existaient pas le long de la route départementale 219 et qu'ainsi, une extension de ceux-ci depuis la rue d'Hennuin située au sud du terrain était nécessaire. M. et Mme B... ont adressé un courrier au maire d'Audruicq pour lui demander de prendre à sa charge les travaux de prolongation des réseaux le long de la route départementale 219 et jusqu'à leur terrain, la partie privée du branchement étant à leur charge. A la suite de ce courrier, le maire d'Audruicq a demandé au département du Pas-de-Calais, le 4 septembre 2014, de lui délivrer, en sa qualité de gestionnaire du domaine public routier, une permission de voirie l'autorisant à faire réaliser les travaux en cause. Le silence gardé par le département du Pas-de-Calais sur cette demande a donné naissance à une décision implicite de rejet que M. et Mme B...ont contestée devant le tribunal administratif de Lille. Ils relèvent appel du jugement du 28 février 2017 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.
Sur le non-lieu à statuer :
2. Si le département du Pas-de-Calais fait valoir que par un jugement du 4 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune d'Audruicq à verser une indemnité à M. et Mme B... au titre, notamment, du surcoût résultant pour eux de la nécessité de faire passer les réseaux par un chemin privé leur appartenant en indivision, plutôt que par le domaine public, cette circonstance n'a pas privé de son objet le recours pour excès de pouvoir formé par les intéressés à l'encontre du refus de permission de voirie en litige. Le département du Pas-de-Calais n'est dès lors pas fondé à soutenir que la présente requête serait devenue sans objet.
Sur la légalité de la décision en litige :
3. Aux termes de l'article premier de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) -refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article 5 de cette loi : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".
4. La décision par laquelle le président du conseil général du département du Pas-de-Calais a rejeté la demande de permission de voirie présentée par la commune d'Audruicq entre dans le champ de l'article premier de la loi du 11 juillet 1979, cité au point précédent, et était donc soumise à obligation de motivation. Toutefois, il résulte de l'article 5 de la même loi que la décision implicite de rejet de cette demande n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. La possibilité, prévue par ce même article, de solliciter la communication des motifs d'une décision implicite n'est ouverte qu'au seul destinataire de la décision en cause, et non aux tiers. Dès lors, M. et MmeB..., qui ne sont pas les destinataires de la décision en litige, laquelle rejette une demande présentée par la seule commune d'Audruicq, n'avaient pas qualité pour saisir le président du conseil général du département du Pas-de-Calais d'une demande de communication des motifs de cette décision dans le cadre fixé par les dispositions de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979. Par suite, alors même que le président du conseil général a répondu à la demande de communication des motifs de la décision en litige qui lui avait été adressée par M. et MmeB..., par une lettre du 12 décembre 2014 qui, si elle énonce les considérations de fait sur lesquelles se fonde cette décision, ne comporte en revanche l'énoncé d'aucune considération de droit, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que la décision en litige est entachée d'insuffisance de motivation.
5. Aux termes de l'article L. 113-3 du code de la voirie routière : " Sous réserve des prescriptions prévues à l'article L. 122-3, les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public les services publics de transport ou de distribution d'électricité ou de gaz et les canalisations de transport d'hydrocarbures ou de produits chimiques déclarées d'utilité publique ou d'intérêt général peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre (...) ". Aux termes de l'article L. 113-4 du même code : " Les travaux exécutés sur la voie publique pour les besoins des services de télécommunications sont soumis aux dispositions des articles L. 46 et L. 47 du code des postes et communications électroniques ". Aux termes de l'article L. 47 du code des postes et communications électroniques : " Les exploitants de réseaux ouverts au public peuvent occuper le domaine public routier, en y implantant des ouvrages dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation. / Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des réseaux sont effectués conformément aux règlements de voirie, et notamment aux dispositions de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière. / L'occupation du domaine routier fait l'objet d'une permission de voirie, délivrée par l'autorité compétente, suivant la nature de la voie empruntée, dans les conditions fixées par le code de la voirie routière. La permission peut préciser les prescriptions d'implantation et d'exploitation nécessaires à la circulation publique et à la conservation de la voirie (...) ".
6. Il résulte des dispositions citées au point précédent que le droit de passage sur le domaine public routier des exploitants autorisés à établir les réseaux ouverts au public doit être concilié avec la préservation de son affectation à la circulation terrestre et s'exerce dans le cadre des conditions fixées par les règlements de voirie. Dès lors, en se fondant, pour rejeter la demande de permission de voirie présentée par la commune d'Audruicq, sur des considérations tenant à la protection de l'intégrité du domaine public routier, laquelle conditionne nécessairement le maintien de son affectation à la circulation terrestre, le président du conseil général du département du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur de droit.
7. Le règlement de voirie adopté par le conseil général du Pas-de-Calais prévoit qu'il convient de rechercher, avant toute demande de permission de voirie, des solutions de passage par des emprises privées plutôt que par le domaine public routier. Il comporte des dispositions qui, d'une part, limitent la réalisation de tranchées sur la voie pour se raccorder à des réseaux ou à des canalisations et, d'autre part, protègent les plantations qui bordent le domaine public routier en interdisant notamment l'implantation de canalisations ou de réseaux à moins de deux mètres du tronc des arbres.
8. Il ressort des pièces du dossier que la rue du Fort Bâtard n'est pas desservie par les réseaux publics de distribution d'eau et d'électricité et de télécommunications, de sorte que le raccordement des maisons construites par M. et Mme B...sur leur terrain imposerait de prolonger les réseaux situés au sud, le long de la rue d'Hennuin, jusqu'à ce terrain. Il est constant que ces travaux impliqueraient la réalisation d'une tranchée, soit dans la chaussée, soit le long de celle-ci, ce qui emporterait la destruction des arbres plantés sur le bas-côté. Il n'est pas sérieusement contesté que le raccordement des constructions aux réseaux peut être réalisé en passant par le chemin en indivision qui relie le terrain de M. et Mme B...à la rue d'Hennuin, ce qui est déjà le cas, au demeurant, pour la maison occupée par les appelants eux-mêmes. Dans ces conditions, en refusant, par la décision en litige, d'autoriser la commune d'Audruicq à porter atteinte à l'intégrité du domaine public routier afin de procéder aux travaux en cause, le président du conseil général du département du Pas-de-Calais n'a commis aucune erreur d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le département du Pas-de-Calais à la demande de première instance, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Pas-de-Calais, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. et Mme B...de la somme qu'ils demandent sur ce fondement.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme B... le versement au département du Pas-de-Calais de la somme qu'il demande sur le même fondement.
Sur l'indemnité pour procédure abusive :
12. La requête de M. et Mme B...ne présente pas un caractère abusif. Le département du Pas-de-Calais n'est dès lors pas fondé, en tout état de cause, à demander la condamnation des requérants à lui verser une indemnité pour procédure abusive.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Pas-de-Calais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'indemnité pour procédure abusive sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...B...et Mme D...B..., à la commune d'Audruicq et au département du Pas-de-Calais.
N°17DA00789 2