Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2015, M. D...C..., représenté par Me B...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir le refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 155 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de quinze jours, assorti de la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet n'apporte pas la preuve que la décision de la Cour nationale du droit d'asile lui avait été notifiée à la date de l'arrêté ;
- le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- sa situation n'a fait l'objet d'un examen particulier ;
- l'obligation de quitter le territoire porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale ;
- elle viole l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- elle viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 5 avril 2016, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai qui a désigné Me B...A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur, a été entendu a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur le refus de titre de séjour :
1. Considérant qu'il résulte de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'admission au séjour d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que dans les situations limitativement énumérées à cet article, au nombre desquelles figure le fait que : " (...) / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " Lorsqu'il est admis à séjourner en France (...), l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) " et qu'enfin, aux termes de l'article L. 742-6 : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. (...) " ;
2. Considérant que la première demande d'asile présentée par M. C...a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 juillet 2012, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 13 mars 2013 ; que le 17 juillet 2013, le requérant ayant à nouveau sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, le préfet du Nord a rejeté le 14 août 2013 sa demande comme dilatoire et abusive sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, saisi de la demande de réexamen de situation, le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides l'a rejetée par décision du 24 septembre 2013, notifiée par voie postale à M. C...le 27 septembre 2013 ainsi qu'en fait foi l'avis de réception postal produit par le préfet du Nord à l'appui de son mémoire en défense de première instance, en relevant que les documents produits, qui ne présentaient pas de garanties suffisantes d'authenticité, se rapportaient à des faits sur lesquels l'Office s'était déjà prononcé, et que les explications de l'intéressé s'étaient avérées très peu convaincantes ; que cette appréciation sur le peu de valeur des éléments produits dans le cadre de ce réexamen a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile qui, par décision du 1er octobre 2014, en l'absence de tout fait nouveau établi et susceptible de justifier les craintes de persécutions, et eu égard au caractère " succinct, non circonstancié et vague " des explications de l'intéressé lors de l'audience publique, a rejeté le recours de M.C... ; que, dans ces conditions, la demande de réexamen de situation présentant un caractère abusif, le requérant, en application des dispositions précitées de l'article L. 742-6, avait perdu le droit de se maintenir sur le territoire français à compter du 27 septembre 2013, date à laquelle la décision de rejet de sa demande de réexamen de situation par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui avait été notifiée ; qu'à la date du 23 avril 2015, le préfet pouvait donc prendre l'arrêté attaqué ; que M. C...ne saurait donc utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 742-3 qui ne s'appliquent pas à sa situation ;
3. Considérant que M. C...n'ayant pas sollicité son admission au séjour au titre de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne saurait utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions :
4. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales, " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
5. Considérant qu'il ressort de la demande d'admission au séjour remplie par le requérant, que M. C...est entré en France en 2012 à l'âge de trente-sept ans, et qu'il ne s'est maintenu en France qu'à la faveur de demandes d'asile répétées dont il a été débouté ; que son épouse et ses trois enfants nés respectivement en 2000, 2003 et 2012 résident en République démocratique du Congo ; que s'il est le père d'une fillette née en 2014 et s'il affirme vivre en couple avec la mère de l'enfant, compatriote titulaire d'une carte de résident, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale créée en France se reconstitue dans son pays d'origine ; que, bien que plusieurs membres de sa famille aient obtenu le statut de réfugié ou la nationalité française, et s'il suit une formation professionnelle, le préfet du Nord, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ; que les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales n'ont donc pas été méconnues ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste commise dans l'appréciation des conséquences de refus de titre de séjour sur sa situation personnelle doit être écarté pour les mêmes motifs ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant que le refus de titre de séjour n'étant pas illégal, M. C...n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire ;
7. Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui mentionne les éléments de fait et de droit qui la fondent, est suffisamment motivée ;
8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen sérieux et complet de la situation de M.C... ;
9. Considérant que les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés par les motifs exposés au point 5 ;
10. Considérant qu'aux termes du 1° du l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociales, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
11. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait un obstacle à ce que la cellule familiale formée par M.C..., sa compagne, elle-même de nationalité congolaise, et de leur enfant, et éventuellement des autres enfants mineurs de sa compagne, dont il n'est pas établi qu'ils auraient la nationalité française, se reconstitue au Congo ; que le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit être écarté ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. Considérant que l'obligation de quitter le territoire n'étant pas illégale, M. C...n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision fixant la république démocratique du Congo comme pays de destination ;
13. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...)Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; et qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants." ;
14. Considérant que si M. C...soutient avoir été inquiété dans son pays après avoir participé à une manifestation d'un parti d'opposition, avoir subi des sévices et être recherché par la police, il ne produit aucun élément probant et nouveau à l'appui de ses dires ; qu'au demeurant, sa demande d'asile, fondée sur les mêmes circonstances, a été rejetée à deux reprises par la Cour nationale du droit d'asile ; que le requérant ne justifiant pas être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, le moyen tiré de la violation des dispositions citées au point 13 doit être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 avril 2015 ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., au ministre de l'intérieur et à Me B...A....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 2 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller,
- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 16 juin 2016.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : H. HABCHILe président de la formation de jugement,
Rapporteur,
Signé : C. BERNIER
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°15DA01930