Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2016, M.B..., représenté par la SELARL Eden avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter du jugement dans l'attente du réexamen de sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement, qui ne fait pas mention de la relation entamée avec une ressortissante française, est insuffisamment motivé ;
- le titre de séjour lui a été refusé au terme d'une procédure irrégulière, la commission du titre de séjour n'ayant pas été saisie ;
- le refus de titre méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant le titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- elle méconnait son droit à la vie privée et familiale et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination qui ne vise pas le dernier alinéa du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas motivée en droit ;
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Maritime qui n'a pas produit de mémoire.
Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai a constaté le désistement de M. B...par décision du 7 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,
- et les observations de Me A...C..., représentant M.B....
1. Considérant que M.B..., ressortissant tunisien né le 18 mars 1965 à El Alia, a épousé le 13 juin 2009 une ressortissante française ; qu'il est entré en France en septembre 2009 muni d'un visa " vie privée et familiale " et qu'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français lui a alors été délivré ; que le tribunal de grande instance de Rouen ayant prononcé le divorce par jugement du 28 mars 2013, l'administration a lui retiré son titre de séjour le 14 octobre 2013 ; qu'il relève appel du jugement du 10 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 juillet 2015 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de l'admettre au séjour sur les fondements de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail, du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a désigné la Tunisie comme pays de destination ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que pour écarter le moyen tiré de l'atteinte excessive portée à la vie privée et familiale de l'intéressé, le magistrat a notamment relevé que M.B..., depuis son divorce, était célibataire ; que la circonstance que le jugement n'ait pas fait état de l'attestation, peu circonstanciée, d'un ressortissante française déclarant " envisager de manière sérieuse la vie commune " avec le requérant n'a pas eu pour effet de l'entacher d'une insuffisance de motivation dès lors qu'il est constant qu'à la date de la décision attaquée, aucune vie commune n'existait ; que M. B...n'est pas, dès lors, fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé ;
Sur le refus de titre de séjour :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République / (...) / " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
4. Considérant que si M. B...soutient qu'il est entré en France en 2004, sa présence n'est établie que depuis 2009 ; que s'il a épousé une ressortissante française en 2009, il a été condamné pour violences conjugales en 2013 et le divorce a été prononcé à cette date ; qu'il est depuis lors célibataire ; que l'attestation d'une ressortissante française qui affirme entretenir une relation intime avec le requérant depuis un peu plus d'un an et " envisager de manière sérieuse la vie commune " ne présente pas, en l'absence d'éléments plus circonstanciés et vérifiables, un caractère probant, et n'établit pas en tout état de cause, ainsi qu'il a été dit au point 2, la réalité d'une vie commune à la date de la décision attaquée ; que si les parents du requérant sont décédés, M. B...n'établit pas qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans ; que ni la circonstance que M. B...aurait travaillé régulièrement à l'époque où il était en situation régulière, ni la promesse d'embauche qu'il produit, ne suffisent à établir la réalité et la qualité de son insertion dans la société française ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'a donc pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni porté une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale de M. B...garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
6. Considérant que ni la circonstance que la présence en France de M. B...soit attestée depuis 2009, ni celle qu'il y ait travaillé régulièrement entre 2009 et 2014, ni celle, insuffisamment établie, qu'il entretiendrait une relation amoureuse au demeurant récente avec une ressortissante française, ne constituent des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ; qu'en refusant de l'admettre au séjour au titre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas entaché son appréciation d'erreur manifeste ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " La commission est saisie par l 'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 312-2 du même code : " Le préfet ou, à Paris, le préfet de police saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-8, quatrième alinéa, L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance (...) " ;
8. Considérant que la commission du titre de séjour prévue par les dispositions des articles L. 312-2 et R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne doit être saisie que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions mentionnées à l'article L. 313-11 pour lesquels une décision de refus de titre de séjour est envisagée, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces conditions ; qu'il en résulte que le préfet de la Seine-Maritime n'était pas tenu de soumettre le cas de M.B..., qui ne peut prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code, à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
9. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.B... ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'illégalité ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ;
12. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 4 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de M. B...doivent être écartés ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'illégalité ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Considérant que l'arrêté attaqué vise expressément le I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et cite, en particulier, ses dispositions aux termes desquelles : " L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays de destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de destination manque en fait ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2015 ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., au ministre de l'intérieur et à la SELARL Eden avocats.
Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 2 juin 2016 à laquelle siégeaient :
M. Christian Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller,
- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 16 juin 2016.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : H. HABCHILe président de la formation de jugement,
Rapporteur,
Signé : C. BERNIER
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°16DA00080 2