Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 août 2015, M. A...B..., représenté par la SCP Caron, Daquo, Amouel, C..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour temporaire ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation par la Cour nationale du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Il soutient que :
- il remplissait les conditions pour bénéficier de l'aide juridictionnelle totale en première instance ;
- à la date de l'arrêté attaqué, la procédure de demande d'asile n'était pas définitive, la Cour nationale du droit d'asile n'ayant pas statué sur son recours contre la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire enregistré le 5 novembre 2015, le préfet de l'Oise a conclu au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une lettre du 15 janvier 2016, les parties ont été informées, en application de l'article R 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à venir était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité de l'ordonnance intervenue avant la décision du bureau d'aide juridictionnelle alors que le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire n'avait pas été demandé au juge. Par ailleurs, il ne relève pas de l'office du juge de statuer à titre définitif sur l'aide juridictionnelle.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai désignant Me D...C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
Sur la régularité de l'ordonnance du 7 juillet 2015 :
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'accès à la justice et au droit est assuré dans les conditions prévues par la présente loi. / L'aide juridique comprend l'aide juridictionnelle, (...) " ; qu'aux termes de l'article 18 de cette même loi : " L'aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l'instance " ; qu'aux termes de l'article 43-1 du décret du 19 décembre 1991 portant application de cette loi : " Sans préjudice de l'application des dispositions relatives à l'admission provisoire, la juridiction avisée du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle est tenue de surseoir à statuer dans l'attente de la décision statuant sur cette demande. / Il en est de même lorsqu'elle est saisie d'une telle demande, qu'elle transmet sans délai au bureau d'aide juridictionnelle compétent. / Les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables en cas d'irrecevabilité manifeste de l'action du demandeur à l'aide, insusceptible d'être couverte en cours d'instance " ; qu'il résulte, en outre, du droit constitutionnellement garanti à toute personne à un recours effectif devant une juridiction que, lorsqu'un requérant a formé une demande d'aide juridictionnelle, l'obligation de surseoir à statuer s'impose à la juridiction, que cette dernière ait ou non été avisée de cette demande dans les conditions fixées par le décret du 19 décembre 1991 ;
2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'admission à l'aide juridictionnelle est prononcée par un bureau d'aide juridictionnelle " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 20 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 50 : " [Le bénéfice de l'aide juridictionnelle] est retiré, en tout ou partie, dans les cas suivants : / 1° S'il survient au bénéficiaire, pendant cette instance ou l'accomplissement de ces actes, des ressources telles que si elles avaient existé au jour de la demande d'aide juridictionnelle, celle-ci n'aurait pas été accordée ; / 2° Lorsque la décision passée en force de chose jugée a procuré au bénéficiaire des ressources telles que si elles avaient existé au jour de la demande d'aide juridictionnelle, celle-ci ne lui aurait pas été accordée ; /3° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive " ; qu'aux termes de l'article 51 : " Dans les cas mentionnés aux 1° et 2° de l'article 50, le retrait est prononcé par le bureau qui a accordé l'aide juridictionnelle. / Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l'aide juridictionnelle " ;
3. Considérant que la demande de M. B...enregistrée le 4 juin 2015 au greffe du tribunal administratif d'Amiens, qui faisait état de ce que " l'aide juridictionnelle (était) en cours " tendait uniquement à l'annulation d'une décision du préfet de l'Oise portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire et ne comportait pas de conclusions tendant à ce que le requérant soit admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par une ordonnance du 7 juillet 2015, le président du tribunal administratif d'Amiens, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté cette requête et a, en outre, définitivement rejeté la demande d'aide juridictionnelle au motif que la requête était " manifestement dénuée de fondement et au surplus dilatoire " ;
4. Considérant que, la demande première instance n'étant pas manifestement irrecevable, l'ordonnance du président du tribunal administratif d'Amiens a été rendue en méconnaissance de l'obligation de surseoir à statuer qui s'impose à toute juridiction lorsqu'a été présentée une demande d'aide juridictionnelle, que la demande ait été présentée directement devant le bureau d'aide juridictionnelle ou bien devant la juridiction saisie ; que, de surcroît, aucune disposition de la loi du 10 juillet 1991 ne confère compétence à la juridiction pour rejeter définitivement l'aide juridictionnelle au lieu et place du bureau d'aide juridictionnelle, les dispositions citées au point 2 du présent arrêt lui permettant simplement soit, en cas d'urgence, de prononcer l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle avant que le bureau n'ait statué, soit de retirer l'aide juridictionnelle accordée par le bureau en cas de requête dilatoire ou abusive ; que les irrégularités ainsi commises, qu'il appartient à la cour de soulever d'office, entachent la régularité de l'ordonnance attaquée qui doit être annulée ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Oise du 24 avril 2015 :
6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'office statue sur les demandes d'asile dont il est saisi. (...) L'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, ou qui se sont vu refuser pour l'un de ces motifs le renouvellement de ce document " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 742-6 dudit code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2º à 4º de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (...) " ;
7. Considérant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile de M. B...le 27 février 2015 ; que les dispositions citées au point précédent ne faisaient pas obstacle à ce que le préfet de l'Oise prenne l'arrêté attaqué avant que la Cour nationale du droit d'asile, saisie par M. B...le 8 avril 2015, se soit prononcée sur son recours ;
8. Considérant que la demande d'asile présentée par M. B...ayant été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le préfet de l'Oise était tenu de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour présenté en qualité de réfugié ; que, par suite, les moyens tirés de ce que les administrations auraient porté des appréciations contradictoires sur l'âge susceptible de lui être attribué, qu'un tel rejet méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, doivent être écartés comme inopérants ;
9. Considérant qu'il ressort que M.B..., ressortissant guinéen, dont ni la date de naissance ni même l'identité n'ont pu être déterminées avec certitude, déclare être entré en France en avril 2013 ; qu'il s'y est maintenu à la faveur de l'instruction de sa demande d'asile qui a été rejetée, ainsi qu'il a été dit, le 27 février 2015 ; qu'il n'établit ni même n'allègue avoir des attaches personnelles et familiales en France et ne fait état d'aucune insertion socio-professionnelle ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de renvoi n'ont pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'elles n'ont donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elles ne sont pas entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
10. Considérant que l'intéressé ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision de refus de titre de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire français, qui n'ont pas pour objet de fixer le pays de destination, méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant que s'il soutient qu'il a dû fuir son pays suite à l'arrestation de son oncle, accusé de complicité de coup d'Etat dans son pays d'origine, M.B..., dont, au demeurant et ainsi qu'il a été dit, la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, n'apporte aucun élément de nature à établir les risques qu'il encourrait personnellement en cas de retour en Guinée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être écartées ;
13. Considérant que M. B...a été admis pour la présente instance au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai ; qu'il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur sa demande d'aide juridictionnelle de première instance ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif d'Amiens est annulée.
Article 2 : Les autres conclusions de M. B...sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et à Me D...C....
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 21 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 février 2016.
Le président-rapporteur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°15DA01377 2