Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 mars 2014 et le 26 janvier 2016, la société Holding MB, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 16 janvier 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas cessé son activité de vente de véhicules et de pièces détachées ;
- elle a interrompu temporairement son activité de vente de véhicules en raison d'une clause de non-concurrence ;
- elle a différé la reprise de cette activité en raison de l'état de santé de son directeur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la société Holding MB a changé son activité réelle et ne peut ainsi reporter ses déficits antérieurs ;
- l'activité de revente de véhicules a été définitivement interrompue ;
- aucune activité de vente de pièces détachées n'est établie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Domingo, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que la société Holding MB a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle des redressements en matière d'impôt sur les sociétés au titre des années 2007 et 2008 lui ont été notifiés par une proposition de rectification du 19 octobre 2010 ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de ces rectifications ont été mises en recouvrement le 31 mars 2011 ; que la société relève appel du jugement du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires et des pénalités correspondantes ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts, relatif à la détermination de la base de l'impôt sur les sociétés, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants (...) " ; qu'aux termes de l'article 221 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) 5. Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la mise en oeuvre du droit au report déficitaire est subordonnée notamment à la condition qu'une société n'ait pas subi, dans son activité, des transformations telles qu'elle n'est plus, en réalité, la même ; que de telles transformations dans l'activité d'une société, qui doivent être regardées comme emportant cessation d'entreprise, font obstacle à ce que celle-ci puisse reporter un déficit antérieur à son changement d'activité sur le bénéfice d'un exercice postérieur à ce changement ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société anonyme Carrosserie Eudoise, qui exerçait une activité de vente de véhicules automobiles neufs et d'occasion, de réparation et de carrosserie en qualité de concessionnaire Renault, à Eu en Seine-Maritime, a cédé son fonds de commerce à la société Le Palais de l'Automobile le 1er janvier 2007 ; qu'elle est devenue, le 26 janvier 2007, la société Holding MB, qui a pour activité la location de locaux professionnels ; que si cette société fait valoir qu'elle a, en réalité, continué à exercer une activité de vente de pièces détachées et de négoce de véhicules d'occasion, elle ne justifie toutefois d'aucune opération au titre de la vente de pièces détachées ; qu'en outre, l'administration fait valoir, sans être sérieusement contredite, que les véhicules inscrits dans les stocks de la société, notamment une Renault Vel Satis achetée en juillet 2005, une Jaguar XJS, achetée en décembre 1998, une Rover achetée en 1999 avec un kilométrage de 176 000 km, ainsi qu'une Austin de 1965, étaient utilisés par M. A..., son dirigeant, pour trois d'entre eux ou ne pouvaient, compte tenu de leur état, être vendus ; que si la société requérante fait valoir qu'elle a acquis trois autres véhicules au cours de la période vérifiée, il résulte toutefois de l'instruction que l'un d'entre eux n'a pas été acquis par elle, l'autre était toujours en sa possession et que le dernier, qui a certes été revendu, n'était pas mentionné dans les stocks de l'entreprise mais avait été comptabilisé à un compte d'immobilisation afin d'être utilisé, avant sa cession, comme véhicule de fonctions par le dirigeant de la société, de telle sorte qu'il ne peut être regardé comme ayant été cédé dans le cadre d'une réelle activité de négoce ; qu'enfin, la société Holding MB ne peut utilement se prévaloir d'acquisitions puis de cessions de véhicules qui seraient intervenues au cours de l'année 2012, postérieurement aux opérations de contrôle, au profit d'une société dont le dirigeant est au demeurant le même que celui de la société requérante ; qu'ainsi, l'activité de la société Carrosserie Eudoise devenue la société Holding MB a subi, en 2007, un changement d'une importance telle qu'il doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme emportant cessation de l'entreprise au sens du 5 précité de l'article 221 du code général des impôts ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause les reports de déficits antérieurs à ce changement d'activité opérés par la société en 2007 et 2008 ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Holding MB, qui ne peut se prévaloir des termes d'une doctrine dans les prévisions de laquelle elle n'entre pas, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Holding MB la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Holding MB est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Holding MB et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 9 février 2015 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 1er mars 2016.
Le rapporteur,
Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,
Signé : M. B...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°14DA00459