Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2015, Mme D...A..., représentée par Me F...E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 27 novembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de prendre une nouvelle décision dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, un récépissé de demande de certificat de résidence l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 480 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- le préfet a commis une erreur de droit et d'appréciation quant aux circonstances de la rupture de vie commune et a méconnu les stipulations de l'article 6-2° de l'accord franco-algérien ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur sa situation personnelle et méconnu les stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de sa fille et méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle a été prise en violation du droit à une bonne administration et du principe général de droit communautaire du respect des droits de la défense ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours est illégale car prise en application de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'est pas conforme aux objectifs de l'article 7 de la directive 2008/115/CE ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2016, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme D...A..., ressortissante algérienne, née le 23 octobre 1977 est entrée en France le 2 février 2012 munie d'un visa de long séjour en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français, qu'elle avait épousé le 29 avril 2010 ; que par l'arrêté attaqué du 27 novembre 2014, le préfet du Nord a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat de résidence en qualité de conjoint de français et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant l'Algérie comme pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ; qu'elle relève appel du jugement du 21 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur le refus de titre de séjour :
2. Considérant que la décision en litige comporte les considérations de fait et droit qui en constituent le fondement, et précise notamment que la communauté de vie entre Mme A...et son époux avait cessé, qu'elle est accompagnée de sa fille, de nationalité algérienne, et que cette dernière, âgée de 9 ans à la date de la décision, était scolarisée en France ; que, par suite, le préfet du Nord, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de MmeA..., ni à viser expressément l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, a suffisamment motivé la décision par laquelle il a refusé de renouveler le certificat de résidence de l'intéressée ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet du Nord se serait abstenu de procéder à un examen complet de la situation personnelle de Mme A...; que, par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'absence d'examen complet de sa situation doivent être écartés ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux (...) " ; qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 7 bis du même accord : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour (...) / a) au ressortissant algérien marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article " ;
4. Considérant que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité ; qu'il suit de là que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui sont relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance, ne sont, à l'exception de certaines dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers et qui n'ont pas été écartées par une disposition contraire expresse contenue dans l'accord, pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent des règles fixées par cet accord ; qu'une ressortissante algérienne ne peut ainsi utilement, pour contester la légalité d'un refus de renouvellement de certificat de résidence, invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant que lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, le préfet peut accorder le renouvellement du titre de séjour ; que, toutefois, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, notamment eu égard à l'examen des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...a épousé en Algérie, le 29 avril 2010, un ressortissant français ; qu'elle est entrée en France, le 2 février 2012, sous couvert d'un visa de long séjour ; qu'en sa qualité de conjointe de français, elle a obtenu un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", valable jusqu'au 14 juin 2013 ; qu'elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence de dix ans sur le fondement de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ; qu'il est toutefois constant que la communauté de vie entre les conjoints a cessé au plus tard en février 2014, soit plusieurs mois avant l'arrêté en litige ; que Mme A...soutient que la rupture de la vie commune est due aux violences qu'elle a subies de la part de certains membres de sa belle-famille, et qu'une plainte a été déposée ; qu'il n'est, au demeurant, pas établi que cette plainte aurait été suivie d'une procédure judiciaire ; qu'elle n'établit pas le lien entre ces violences et la rupture de la vie commune par la seule production d'attestations très peu circonstanciées ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux d'audition de Mme A...par la police aux frontières les 22 avril 2013 et 13 octobre 2014 que ces services ont fortement mis en doute la réalité de la vie commune et qu'ils ont conclu à un mariage de complaisance ; que, dans ces conditions, le préfet du Nord a pu, sans méconnaître les stipulations citées au point 3 ni commettre une erreur dans l'appréciation des circonstances de la rupture de vie commune, lui refuser la délivrance du certificat de résidence demandé ;
6. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de l'erreur dans l'appréciation des conséquences du refus de séjour sur la situation personnelle de MmeA..., de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que si Mme A... soutient avoir trouvé un emploi et se prévaut d'une demande d'une déclaration d'embauche et d'une demande d'autorisation de travail, cette circonstance, postérieure à la décision attaquée, est sans influence sur la légalité de celle-ci ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant que Mme A...fait valoir, comme en première instance, que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour, qu'elle aurait été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue, et enfin qu'elle aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'apporte, en appel, aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens ; que, par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de les écarter ;
Sur la décision d'octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours :
8. Considérant qu'aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...). Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;
9. Considérant que si Mme A...fait valoir que sa fille, âgée de 9 ans à la date de la décision, était scolarisée, cette circonstance ne suffit pas à établir que le préfet du Nord, en ne lui octroyant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., au ministre de l'intérieur et à Me F...E....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 24 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme C...B..., première conseillère,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juin 2016.
La première conseillère la plus ancienne,
Signé : M. B...Le président-assesseur,
Signé : M. G...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01645