Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 août 2015, M. A..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 mai 2015 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2014 du préfet de l'Eure ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de l'Eure de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il en est de même des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a commis une erreur de droit dans l'application de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant la Turquie comme pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2015, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur le refus de séjour :
1. Considérant que si M. A...fait valoir qu'il est entré en France le 8 novembre 2008 pour solliciter le statut de réfugié et, qu'après le rejet de cette demande, il est demeuré dans ce pays où l'ont rejoint en mars 2013 son épouse et leurs deux enfants mineurs alors qu'un troisième enfant naissait sur le territoire national le 13 mars 2014, il ressort toutefois des pièces du dossier, d'une part, que l'intéressé, qui n'avait effectué aucune démarche tendant à la régularisation de sa situation administrative entre la mesure d'éloignement prononcée le 17 décembre 2010 et son interpellation intervenue le 25 novembre 2013, ne peut se prévaloir d'une réelle insertion dans la société française et, d'autre part, que son épouse, qui se trouve en situation irrégulière, a également fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'en outre, M. A...ne justifie pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale en dehors du territoire français notamment en Turquie, que n'ont quitté que très récemment son épouse et deux de ses enfants et où il a lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de 27 ans ; qu'il n'établit pas davantage être dépourvu d'attache familiale dans ce pays où résident ses parents et ceux de son épouse ; que dans les circonstances de l'espèce, et eu égard aux conditions de son séjour en France, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour opposé par le préfet de l'Eure aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que l'arrêté attaqué n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
2. Considérant que la seule circonstance que les enfants aînés du couple, âgés de huit ans et six ans lors de leur arrivée en France, y soient scolarisés ne suffit pas à établir que leur intérêt supérieur n'a pas été pris en compte dans les décisions attaquées ; qu'eu égard à l'âge des enfants des requérants, et alors que rien ne s'oppose à ce qu'ils repartent avec leurs parents et à la possibilité pour eux d'être à nouveau scolarisés dans leur pays d'origine, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. / La carte porte la mention " salarié " lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. (...) " ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 311-7 du même code, l'octroi d'une carte de séjour temporaire est, sauf exceptions prévues par les dispositions législatives, subordonné à la production d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ;
4. Considérant que, si M. A...produit un certificat de travail attestant qu'il est employé depuis le 1er octobre 2014 par la société Les Muslu en qualité de manoeuvre par un contrat de travail à durée indéterminée, il ressort toutefois des pièces du dossier que, d'une part, M. A...n'est pas détenteur d'un visa de long séjour et que, d'autre part, il ne dispose pas d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative ; que, contrairement à ce qu'il soutient, les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obligation au préfet de l'Eure de transmettre les demandes de carte de séjour en qualité de salarié à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ; que M. A...ne saurait pas plus se prévaloir, à le supposer avéré, d'un usage répandu à la préfecture de l'Eure qui consisterait à assurer une telle transmission ; que, par suite, le préfet de l'Eure n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant que si M. A...fait valoir qu'il réside en France depuis six ans, que sa famille est présente sur le territoire national et qu'il a des perspectives d'intégration professionnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de considérer ces circonstances comme devant constituer à elles seules des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le requérant, en se bornant à se prévaloir des risques au demeurant non établis encourus en cas de retour en Turquie, ne démontre pas davantage que le représentant de l'Etat aurait, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, manifestement méconnu l'étendue des compétences qui lui appartiennent ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant qu'il résulte des termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte dès lors qu'elle assortit une décision de refus de séjour qui est elle-même suffisamment motivée ; qu'il ressort des pièces du dossier que tel est le cas en l'espèce ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 5, que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ;
8. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 1, l'arrêté en litige n'est entaché d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.A... ; qu'il n'est pas non plus établi qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait dépourvue de base légale ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée fixant le pays de destination comporte les éléments de droit qui en constituent le fondement, et notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait ;
11. Considérant que, si le requérant soutient qu'il a fait l'objet de persécutions de la part des autorités turques en raison de ses sympathies pour la cause kurde, il n'apporte aucun élément probant de nature à justifier la réalité des craintes personnelles qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, M.A..., dont la demande d'asile a été au demeurant rejetée le 19 octobre 2010 par la Cour nationale du droit d'asile qui avait souligné le caractère peu cohérent et évasif de ses déclarations, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Eure aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste d'appréciation en désignant la Turquie comme pays à destination duquel il devait être reconduit ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction assorties d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de l'Eure.
Délibéré après l'audience publique du 26 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 février 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. LAVAIL DELLAPORTALe président de chambre,
Signé : M. C...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01433