Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2015, MmeD..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 mai 2015 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2014 du préfet de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour d'une année dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte, ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et de lui délivrer, dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer ;
- le refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination vise les dispositions de l'article L. 313-11-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non celles de l'article L. 313-13 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2015, le préfet de la Seine-Maritime conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête et, à titre subsidiaire, au rejet de celle-ci.
Il soutient que :
- Mme D...et son époux ayant obtenu un titre de séjour, la requête est devenue sans objet ;
- les moyens de la requête ne sont, en tout état de cause, pas fondés.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeD..., ressortissante géorgienne, née le 25 septembre 1984, déclare être entrée en France le 20 mai 2012 ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 avril 2013 et par la Cour nationale du droit d'asile le 11 décembre 2013 ; que la demande par laquelle l'intéressée avait sollicité un nouvel examen de sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 16 avril 2014 selon la procédure prioritaire ; que le préfet de la Seine-Maritime a, par un arrêté du 7 octobre 2014, refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite ; que Mme D...relève appel du jugement du 12 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant qu'en délivrant le 25 août 2015 à MmeD..., postérieurement à l'introduction de la présente requête, un récépissé de demande de carte de séjour, le préfet de la Seine-Maritime a implicitement mais nécessairement abrogé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de destination contenues dans l'arrêté attaqué du 7 octobre 2014 et qui n'a reçu aucune exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à leur annulation présentées par la requérante sont devenues sans objet ; que, toutefois, l'octroi d'un récépissé de demande de carte de séjour, qui ne garantit pas à son titulaire des droits au moins équivalents à ceux du titre demandé en qualité de réfugié, ne rend pas sans objet les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ; que, dès lors, il y a toujours lieu de statuer sur ces dernières conclusions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant qu'il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif a répondu au point 8 de celui-ci, de manière suffisamment motivée, au moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination et de manière également suffisamment motivée, aux points 4 et 6 du même jugement, à ceux tirés de l'erreur de droit liée au défaut de prise en compte des éléments personnels et non seulement familiaux ; que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination ne viserait pas les dispositions de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à l'octroi éventuel d'une carte de séjour temporaire au titre de la protection subsidiaire est inopérant ; qu'il en est de même de celui tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, les premiers juges n'avaient pas à y répondre expressément ; que la requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Rouen serait entaché d'irrégularité ;
Sur le refus de titre de séjour :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que si la décision refusant un titre de séjour est une mesure de police et qu'en application des dispositions précitées, elle doit, dès lors, être motivée, le moyen tiré de son insuffisante motivation est toutefois inopérant lorsque comme en l'espèce, le préfet, qui a pris sa décision aux motifs que tant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que la Cour nationale du droit d'asile avaient rejeté les demandes d'asile et de protection subsidiaire introduites par l'intéressé, est tenu de refuser à la requérante le titre de séjour sollicité aussi bien sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-11-8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que sur celui des dispositions de l'article L. 313-13 du même code ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée n'était pas motivée en droit au motif qu'elle ne mentionnait pas dans ses visas la référence aux dispositions de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant que la requérante n'a pas sollicité, dans sa demande introduite le 2 juillet 2012 au titre de l'asile, son admission au séjour pour des motifs liés à sa vie privée et familiale ; que le préfet de la Seine-Maritime n'était pas tenu d'examiner d'office si l'intéressée pouvait prétendre à un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées est en tout état de cause inopérant ;
6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et alors même que l'arrêté attaqué ne procède pas à une description exhaustive de la situation de l'intéressée et qu'il ne viserait pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, que le préfet de la Seine-Maritime se serait abstenu d'examiner la situation personnelle de Mme D... ;
7. Considérant que, si la requérante fait valoir qu'elle est entrée sur le territoire français le 20 mai 2012 en compagnie de son époux pour solliciter le statut de réfugiée, qu'elle est depuis demeurée dans ce pays après le rejet de sa demande d'asile et que son enfant y est né le 2 décembre 2012, il ressort toutefois des pièces du dossier, d'une part, que l'époux de la requérante se trouve également en situation irrégulière et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, d'autre part, que rien ne s'oppose à ce que l'intéressée poursuive sa vie privée et familiale en dehors du territoire national notamment dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 28 ans et dans lequel elle n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale dès lors que ses parents et les membres de sa fratrie y résident ; que, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour en France de MmeD..., cette dernière n'est pas fondée à soutenir que le représentant de l'Etat, en ce qu'il a examiné si sa décision de séjour portait atteinte de manière disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'elle comporte sur la situation personnelle de la requérante ;
8. Considérant, enfin, que la seule circonstance que l'enfant du couple, âgé de deux ans à la date de l'arrêté attaqué, soit né en France, ne suffit pas à établir que son intérêt supérieur n'a pas été pris en compte ; qu'eu égard à l'âge de l'enfant de la requérante, et alors que rien ne s'oppose à ce qu'il reparte avec ses parents en Géorgie, l'arrêté du 7 octobre 2014 n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme D...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour ; que les conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E...épouse D...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 1er mars 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 mars 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. LAVAIL DELLAPORTALe président de chambre,
Signé : M. C...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01218