Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2014, la société Marmara 2, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 décembre 2013 du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularités ;
- le service n'a pas créé les conditions permettant d'avoir un débat oral et contradictoire ;
- les règles applicables à l'emport de pièces par le vérificateur n'ont pas été respectées en l'absence de délivrance d'un reçu détaillé des pièces qui lui ont été confiées ;
- le procès-verbal fait état d'un défaut de présentation de la comptabilité alors que la société a présenté des documents comptables au service ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- c'est à tort que l'administration a estimé que la comptabilité de la société était dépourvue de valeur probante ;
- la reconstitution du chiffre d'affaires est excessivement sommaire et radicalement viciée dans son principe ;
- c'est à tort que l'administration lui a appliqué une pénalité de 40 % pour manquement délibéré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête de la société Marmara 2 ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Milard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Guyau, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant MeB..., représentant la société Marmara 2.
1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Marmara 2, qui exploite deux établissements de restauration rapide à Ville-le-Marclet et à Vignacourt (Somme), l'administration, après avoir constaté que la comptabilité présentée était dépourvue de toute valeur probante, a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires et des bénéfices réalisés par la société et a mis à sa charge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2006 et 2007 ; que la société Marmara 2 relève appel du jugement du 30 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ; qu'il résulte de l'instruction que les opérations de contrôle se sont déroulées, à la suite de la demande expresse du gérant de la société Marmara 2 formulée par lettre du 10 février 2009, dans les locaux de l'expert comptable de la société et ont donné lieu à plusieurs entretiens auxquels le gérant de la société a été convié ; que le service a aussi procédé dans les locaux de la société à au moins deux interventions sur place ; que, pour déterminer les conditions d'exploitation de la société, le service a procédé le 16 mars 2009 à une première pesée de certains plats et sandwiches proposés par la société qui a été menée de manière contradictoire en présence du gérant de la société et de son expert comptable ; que le service, après que le gérant de la société a décliné l'offre d'y participer au motif d'un déplacement, a procédé à une seconde pesée le 17 avril 2009 en présence de l'employé qui avait procédé à la confection des plats lors de la première pesée ; qu'en outre, la société Marmara 2 ne peut sérieusement soutenir que son gérant n'aurait pas été convié à une réunion de synthèse à l'issue de cette intervention alors qu'il ressort des termes mêmes de la lettre adressée le 2 juillet 2009 au service que le gérant indique expressément qu'il n'a pas été tenu compte des explications données lors de cette réunion ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de tout débat oral et contradictoire ;
3. Considérant que pour le même motif que celui retenu à bon droit par les premiers juges et qu'il convient d'adopter, le moyen de la société requérante tiré de ce qu'elle aurait fait l'objet d'un contrôle inopiné doit être écarté ;
4. Considérant que la société Marmara 2 soutient que le vérificateur a irrégulièrement emporté un relevé exhaustif et détaillé des ventes dont il s'est servi par la suite pour reconstituer son chiffre d'affaires ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que ce document est un relevé de ventes que la société a établi et remis au vérificateur à sa demande dans le cadre du déroulement du contrôle ; que, dans ces conditions, la remise de ce relevé ne constitue pas un emport de document comptable subordonné à une demande écrite de la part du contribuable et à la délivrance par le vérificateur d'un reçu détaillé ; que, par suite, le moyen de la société tiré de l'emport irrégulier de documents comptables doit être écarté ;
5. Considérant que, si la société Marmara 2 soutient, d'une part, que le procès-verbal fait état d'un défaut de présentation de la comptabilité alors que la société a présenté des documents comptables au service et, d'autre part, que la proposition de rectification est insuffisamment motivée, ces moyens, qui ne sont assortis d'aucune précision nouvelle en appel, ont été à bon droit écartés par les premiers juges, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ce point ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que lors des opérations de vérification de la comptabilité de la société Marmara 2, le vérificateur a constaté l'absence de brouillard de caisse, de bandes de caisse enregistreuse retraçant les recettes journalières en fonction du mode de règlement et de tickets dits " Z " récapitulatifs ; qu'il était ainsi impossible d'établir tant le nombre et le type de sandwiches, d'assiettes et de boissons vendus, que le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable en fonction du mode de consommation sur place ou à emporter ainsi que le nombre d'articles offerts ; qu'en outre, des incohérences concernant le volume des achats ont été constatées par le vérificateur après le dépouillement des factures libellées au nom de l'établissement situé à Vignacourt ; que, par suite, et alors même que le service n'aurait pas constaté d'enrichissement du gérant ni de soldes créditeurs dans la caisse, l'administration a pu à bon droit regarder la comptabilité comme dépourvue de toute valeur probante et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société requérante ;
En ce qui concerne la charge de la preuve :
7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, la comptabilité de la société requérante comportait de graves irrégularités qui la privaient de valeur probante ; qu'en outre, les impositions supplémentaires ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires émis le 1er avril 2010 ; que, par suite, il incombe à la société requérante de démontrer, en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, l'exagération de ses bases d'imposition ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
8. Considérant que le contribuable à qui incombe la charge de prouver l'exagération de l'évaluation administrative peut, s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie en vue de démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour un certain montant, à une exagération des bases imposables, soit encore aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une autre méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle pouvant être atteinte par la méthode initialement utilisée par l'administration ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société Marmara 2 au titre des années 2006 et 2007, le vérificateur s'est fondé sur des données propres à l'exploitation de chacun des établissements en procédant à un dépouillement exhaustif des achats de viande kebab et de farine sur la période concernée, en déterminant le nombre de sandwiches et de pizzas fabriqués à partir des achats de farine, le nombre des produits offerts aux clients, les prélèvements du personnel, la quantité de farine et de viande utilisée dans les différents sandwiches, pizzas, après application d'un taux de perte lié à la fabrication et à la freinte ainsi que la quantité de viande utilisée pour la réalisation des assiettes et le poids des frites servies en accompagnement des plats ; que le vérificateur a également déterminé le pourcentage des ventes à emporter et des ventes sur place par type de produits, celui des articles contenant la viande kebab par rapport à la totalité du chiffre d'affaires en vertu d'un relevé des ventes intervenues entre le 14 février 2009 et le 29 mars 2009 et extrapolé le prorata du chiffre d'affaires de ces articles à l'ensemble du chiffre d'affaires réalisé par chaque établissement ; que, si la société requérante fait valoir qu'il y avait d'autres ingrédients que la viande et la farine et propose des taux de perte plus élevés que ceux retenus par le service, elle ne justifie toutefois pas le bien-fondé de ses allégations en invoquant, sans le justifier, un taux de perte différent de ceux retenus lors des débats devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et qui aboutit au demeurant à retenir pour l'année 2007 un chiffre d'affaires supérieur à celui déclaré ; que par suite, la société requérante n'apporte pas la preuve que la méthode d'évaluation de l'administration, qui tient compte des conditions réelles d'activité des deux établissements de la société, aurait conduit à une exagération de ses bases imposables ; qu'enfin, la société ne peut utilement se prévaloir de l'instruction du 4 août 1976 qui invite les vérificateurs à recouper les résultats obtenus par une première méthode en recourant à une seconde méthode, celle-ci ne constituant qu'une recommandation qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
Sur les pénalités :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). " ;
11. Considérant qu'eu égard tant à l'importance et à la fréquence des minorations de recettes qu'aux graves irrégularités apparaissant dans la tenue de la comptabilité de la société, l'administration doit être regardée comme ayant apporté la preuve de la volonté de la requérante d'éluder les impositions dont elle était redevable ; que c'est par suite, à bon droit qu'elle a assorti les impositions supplémentaires assignées à la société Marmara 2 de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Marmara 2 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Marmara 2 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme à responsabilité limitée Marmara 2 et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 1er mars 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 mars 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. MILARDLe président de chambre,
Signé : M. C...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°14DA00375