Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2015, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 janvier 2015 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Rouen.
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'irrégularité de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile pour annuler l'arrêté du 19 mai 2014.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2015, MmeC..., représentée par Me Paulhac, conclut :
1°) au rejet de la requête du préfet de la Seine-Maritime ;
2°) à ce qu'elle soit provisoirement admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
3°) à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article R. 733-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- l'arrêté du préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il en est de même de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'il emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination a méconnu tant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vinot, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Guyau, rapporteur public.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président " ;
2. Considérant qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de Mme C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Sur les conclusions de la requête du préfet de la Seine-Maritime :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 733-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue du décret n° 2013-751 du 16 août 2013 : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3. (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 213-3 du même code : " L'étranger est informé du caractère positif ou négatif de cette décision dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 de ce code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) " ;
4. Considérant que MmeC..., ressortissante de la République démocratique du Congo, entrée sur le territoire national le 11 février 2012, a sollicité le statut de réfugiée le 21 mai 2012 ; que cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 décembre 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 30 janvier 2014 ; que la notification de cette décision est intervenue le 14 février 2014 ; que, si l'intéressée soutient que cette notification ne lui a été faite qu'en langue française qu'elle ne comprend pas à la différence du lingala utilisé lors de son entretien à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme C...fait l'objet d'un suivi médical régulier par le pôle psychiatrique du centre hospitalier du Rouvray et qu'il n'est ni établi ni même allégué que ces consultations se déroulent dans une autre langue que le français ; qu'en outre, ainsi que l'indique l'intéressée elle-même dans ses écritures, elle est personnellement destinataire des bulletins scolaires du fils de son concubin qui sont rédigés en langue française et qu'elle est donc à même d'en comprendre la teneur dans la mesure où elle revendique participer activement à l'éducation de cet enfant ; que, dans ces conditions, Mme C...n'est pas fondée à prétendre qu'elle n'aurait pas été informée du caractère négatif de la décision de la Cour nationale du droit d'asile dans une langue dont il était raisonnable de penser qu'elle la comprenait ; que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 4 n'ont dès lors pas été méconnues ; que le préfet de la Seine-Maritime est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé pour ce motif l'arrêté du 19 mai 2014 ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...devant le tribunal administratif de Rouen et la cour ;
6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux ainsi qu'à ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié est un mineur non accompagné (...) " ;
7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, la demande d'asile introduite par Mme C... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de la Seine-Maritime a pu légalement refuser de lui délivrer la carte de résident à laquelle ouvre droit le statut de réfugié, en application des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 précité ;
8. Mais considérant, d'autre part, qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 19 mai 2014, que le préfet a examiné l'ensemble de la situation de l'intéressée ; que le préfet, qui dispose d'un pouvoir discrétionnaire de régularisation, n'étant pas tenu d'opposer un refus de séjour au demandeur, alors même que celui-ci a été débouté de sa demande d'asile, Mme C... peut utilement se prévaloir, à l'appui du refus qui lui est opposé, soit des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le préfet a, en l'espèce, examiné si sa décision de refus de séjour ne portait pas une atteinte disproportionnée à ces stipulations, soit faire valoir que la décision par laquelle le représentant de l'Etat n'a pas cru devoir lui reconnaître un droit au séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des éléments propres à sa situation personnelle sur le territoire national ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeC..., entrée en France au mois de février 2012 à l'âge de 25 ans, vivait maritalement depuis au moins dix-huit mois dans un logement situé 34 allée de Bayeux à Rouen non pas avec un ressortissant de nationalité française comme l'a mentionné à tort le préfet dans l'arrêté du 19 mai 2014, mais avec un compatriote réfugié statutaire dont elle attendait à cette dernière date un enfant, lequel est au demeurant né le 4 août suivant, soit quelques mois après la décision en litige ; qu'en raison du statut de réfugié du concubin de l'intéressée, qui a également un fils d'une précédente union, âgé de 13 ans, scolarisé en France et qui réside avec son père et MmeC..., la vie familiale du couple ne peut se poursuivre en République démocratique du Congo ; que dans les circonstances très particulières de l'espèce, MmeC..., alors même qu'elle ne serait pas dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, est fondée à soutenir que la décision de refus de séjour prise à son encontre par le préfet de la Seine-Maritime est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'elle comporte sur sa situation personnelle ; qu'en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrer un titre de séjour, les décisions faisant obligation à l'intéressée de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle devra être éloignée sont dépourvues de base légale ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 19 mai 2014 ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Paulhac, avocat de MmeC..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Mme C...est provisoirement admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à Me Paulhac, avocat de MmeC..., une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime et à Mme B...C....
Délibéré après l'audience publique du 9 février 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. François Vinot, premier conseiller.
Lu en audience publique le 1er mars 2016.
Le rapporteur,
Signé : F. VINOTLe président de chambre,
Signé : M. A...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA00117