Par une requête, enregistrée le 15 avril 2019, M. B..., représenté par Me E... D..., demander à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la délibération n° 5/09/2017 du 2 juin 2017 par laquelle la commune de Noyales a refusé de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
3°) d'enjoindre la commune de lui accorder la protection fonctionnelle, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Noyales la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... F..., présidente de chambre,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B... a demandé, par un courrier du 30 janvier 2017, au maire de la commune de Noyales le bénéfice de la protection fonctionnelle pour la prise en charge de ses frais de justice à l'occasion des poursuites pénales dont il a fait l'objet. Par une décision du 21 février 2017, le maire de Noyales a rejeté la demande de M. B... et, par une délibération du 2 juin 2017, le conseil municipal a refusé de faire droit à la demande de M. B... de lui accorder la protection fonctionnelle. M. B... fait appel du jugement du 15 février 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre la décision du 21 février 2017 et, après avoir redirigé les conclusions de la requête contre la délibération du 2 juin 2017, a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de cette délibération.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision. Lorsque le retrait a acquis un caractère définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.
3. Aux termes de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales : " La commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions. " Aux termes de l'article L. 2121-29 du même code : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque la commune est saisie d'une demande de protection fonctionnelle sur le fondement des dispositions précitées, le conseil municipal, organe délibérant de la commune, est seul compétent pour se prononcer sur cette demande.
4. Par une décision du 21 février 2017, le maire de Noyales a répondu à la demande de protection fonctionnelle de M. B... de la manière suivante : " Pourquoi une protection juridique de la collectivité puisqu'en tant qu'ancien maire, vous auriez dû prendre une protection individuelle de vos propres deniers, comme moi je l'ai fait en arrivant à la tête de Noyales. Protection qui serait restée active après votre éviction. C'est pourquoi, je décide, pour l'instant, de ne pas répondre favorablement à votre demande. Je vais remettre votre courrier dans les mains de l'avocat de la commune pour avoir conseil. "
5. D'une part, il ressort des termes mêmes de ce courrier que le maire de Noyales ne s'est pas prononcé sur le caractère détachable du service des faits reprochés à M. B..., pour lesquels l'intéressé a fait l'objet d'une condamnation pénale par un jugement du 3 mai 2016 du tribunal correctionnel de Saint-Quentin, confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 18 décembre 2017, puis par un arrêt du 26 novembre 2019 de la Cour de cassation.
6. D'autre part, le conseil municipal étant l'autorité compétente pour statuer sur la demande de protection fonctionnelle de M. B..., le maire a inscrit cette demande à l'ordre du jour du conseil municipal qui s'est tenu le 2 juin 2017. En examinant, par sa délibération du 2 juin 2017, la demande de protection fonctionnelle de M. B... sur le fondement de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales et en y opposant une décision de refus, le conseil municipal de Noyales a implicitement mais nécessairement considéré que les faits reprochés à M. B... constituaient des fautes détachables de l'exercice de ses fonctions de maire. Il suit de là que cette délibération n'a pas la même portée que la décision du maire de Noyales du 21 février 2017 ayant opposé une décision de refus, à titre provisoire, à la demande de protection fonctionnelle de l'intéressé.
7. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a considéré que la délibération du 2 juin 2017 devait être regardée comme ayant retiré la décision du maire de Noyales du 21 février 2017, qu'il y avait non-lieu à statuer sur la décision du 21 février 2017 et que les conclusions de la requête de M. B... devaient être regardées comme dirigées contre la délibération du 2 juin 2017. En rejetant les conclusions dirigées contre la délibération du 2 juin 2017, le tribunal administratif a statué sur des conclusions dont il n'avait jamais été saisi par M. B... dans le cadre de la requête n° 1700720 et le jugement rendu est ainsi irrégulier.
8. Il y a lieu, dans ces conditions, de prononcer l'annulation du jugement attaqué du 15 février 2019 et, pour la cour, de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 21 février 2017 du maire de Noyales.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du maire de Noyales du 21 février 2017 :
9. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le maire de Noyales n'était, en tout état de cause, pas compétent pour se prononcer sur la demande de protection fonctionnelle de M. B..., même de manière provisoire et qu'il aurait dû se borner à informer l'intéressé de l'inscription de sa demande à l'ordre du jour du prochain conseil municipal. Par suite, M.B... est fondé à soutenir que la décision du maire de Noyales du 21 février 2017 rejetant sa demande de protection fonctionnelle, est entachée d'incompétence de son auteur et à en demander l'annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. "
11. Compte tenu du motif d'annulation de la décision du 21 février 2017 du maire de Noyales, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit fait injonction à la commune de Noyales de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Noyales tendant au versement d'une somme par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B... présentées au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700720 du 15 février 2019 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La décision du maire de Noyales du 21 février 2017 est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Noyales au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la commune de Noyales.
N°19DA00890 2