Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 avril et 17 mai 2021, M. C..., représenté par Me Emmanuelle Pereira, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2020 de la préfète de la Somme ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au profit de la SCP Caron Amouel Pereira.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... D..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. G... C..., ressortissant togolais né le 22 août 2000, est entré en France le 3 août 2013. Il interjette appel du jugement du 4 février 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2020 par lequel la préfète de la Somme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la préfète de la Somme :
2. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, applicable au contentieux des décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée. " Aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 : " Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle (...) est adressée au bureau d'aide juridictionnelle (...) avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué a été notifié le 5 février 2021. Une demande d'aide juridictionnelle a été déposée le 18 février 2021, soit avant l'expiration du délai d'un mois qui lui était imparti pour faire appel du jugement du tribunal administratif d'Amiens. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à M. C... par une décision du 1er avril 2021, notifié le 3 avril 2021. Ainsi, la requête d'appel, enregistrée dès le 8 avril 2021, soit dans le délai de recours d'appel, n'est pas tardive. Dès lors, la fin de non-recevoir soulevée par la préfète de la Somme tirée de la tardiveté de la requête d'appel, doit être écartée.
Sur la légalité de l'arrêté du 10 novembre 2020 :
4. M. C... est entré en France le 3 août 2013, âgé de douze ans. Il ressort des pièces du dossier qu'il a été élevé par sa tante, une ressortissante française qui s'est vu confier l'autorité parentale par un jugement du 14 novembre 2013 du tribunal pour enfants ). B... avoir été scolarisé au collège puis au lycée en France, il a obtenu un baccalauréat technologique " sciences et technologies de laboratoire, spécialité biotechnologies " (STL) et a commencé une première année de licence " sciences sociales - sciences de l'éducation ", qu'il n'a pas achevée. A la date de l'arrêté attaqué, il disposait de fortes attaches familiales sur le territoire national où vivent sa tante, son frère et ses deux sœurs, également entrés très jeunes sur le territoire français, alors qu'il n'a plus de contact avec ses parents depuis son entrée en France. Il suit de là que dans les circonstances particulières de l'espèce, la préfète de la Somme, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de la Somme de délivrer à M. C... un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Sur les frais liés à l'instance :
7. M. C... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Pereira renonce à la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2003985 du 4 février 2021 du tribunal administratif d'Amiens et l'arrêté du 10 novembre 2020 de la préfète de la Somme sont annulés.
Article 2 : Il y a lieu d'enjoindre à la préfète de la Somme de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation de Me Pereira à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C..., au ministre de l'intérieur, à la préfète de la Somme et à Me Emmanuelle Pereira.
N°21DA00784 3