Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2019, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. D....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... C..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de son interpellation, M. D..., de nationalité soudanaise, né le 1er janvier 1978, a fait l'objet d'un arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 9 juillet 2019 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 19 août 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. D..., annulé l'arrêté du 9 juillet 2019.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet du Pas-de-Calais a fait état de la situation de M. D... du point de vue de l'irrégularité de son séjour, de la circonstance qu'il ne dispose d'aucune attache familiale en France et qu'il a indiqué que l'intéressé ne justifiait pas être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté attaqué, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Pas-de-Calais aurait obligé M. D... de quitter le territoire français sans procéder à un examen particulier de sa situation dans son ensemble, au regard des éléments portés à sa connaissance. La seule circonstance que la décision attaquée ne fasse pas état des demandes d'asile alléguées par le requérant ne révèle pas à elle seule une absence d'examen. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 9 juillet 2019 au motif qu'il était entaché d'un défaut d'examen sérieux.
3. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Lille.
Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions :
4. Par un arrêté n° 2017-10-151 du 18 décembre 2017, publié le même jour au recueil spécial n° 121 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. E... B..., chef du bureau du contentieux du droit des étrangers, signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer, notamment, les obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai et les interdictions de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit, dès lors, être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En vertu de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement. La décision attaquée vise les textes dont elle fait application, notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle mentionne les faits qui en constituent le fondement, précisant notamment que M. D... se maintient sur le territoire français en situation irrégulière depuis trois ans et ne dispose d'aucune attache familiale en France. Ainsi, et à supposer même que ces motifs ne reprendraient pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, la décision portant obligation de quitter le territoire français répond aux exigences de l'article L. 211-5 précité.
Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
6. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
7. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " M. D... soutient dans ses écritures de première instance être exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Soudan, où règne une situation de violence " généralisée et indiscriminée ". Toutefois, alors que l'intéressé n'établit pas avoir demandé l'asile en France, mais seulement en Allemagne, où sa demande a été rejetée, il ne produit aucune pièce de nature à établir le caractère personnel et actuel des craintes dont il fait état en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.
10. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle fait notamment état de l'irrégularité du séjour en France de M. D..., de l'absence de liens familiaux sur le territoire national, de la circonstance qu'il n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement et de ce qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et doit être écarté.
11. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui déclare être entré en France en 2016, se maintient irrégulièrement depuis lors sur le territoire national. Il ne fait état d'aucune attache familiale ni d'aucune relation particulière sur le territoire français, tandis que, célibataire et sans enfant, il n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dès lors, en prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 9 juillet 2019.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1905886 du 19 août 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de M. D... est rejetée.
N°19DA02192 2