Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 février 2019, Mme A..., représentée par Me C... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2017 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... E..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante roumaine née le 8 novembre 1992, interjette appel du jugement du 26 octobre 2018 du tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2017 par lequel le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...), (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; (...) L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) " et aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Tout citoyen de l'Union européenne, (...) ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V ".
3. Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne dans le cas où il constate que l'intéressé séjourne en France depuis plus de trois mois sans interruption et ne justifie plus d'aucun droit au séjour. Il incombe toutefois à l'administration, en cas de contestation sur la durée du séjour d'un citoyen de l'Union européenne dont elle a décidé l'éloignement, de faire valoir les éléments sur lesquels elle se fonde pour considérer qu'il ne remplit plus les conditions pour séjourner en France. Il appartient alors à l'étranger qui demande l'annulation de cette décision d'apporter tout élément de nature à en contester le bien-fondé, selon les modalités habituelles de l'administration de la preuve.
4. Pour constater que le droit au séjour de Mme A... était caduc et prendre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 511-3-1 et L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Nord s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée était en France depuis plus de trois mois à la date de l'arrêté attaqué. Si Mme A... a en effet déclaré lors de son audition auprès des services de police le 12 décembre 2017 qu'elle avait quitté la Roumanie en 2011, elle a toutefois indiqué être retournée en Roumanie en septembre 2017 afin de renouveler sa carte nationale d'identité. Elle produit un récépissé valant justification d'identité émanant de la direction de la police aux frontières prouvant que sa carte nationale d'identité est valable jusqu'en novembre 2024. Le préfet du Nord dont les services détiennent la carte d'identité de l'intéressée, et qui s'est abstenu de la produire, n'apporte pas d'éléments contredisant l'assertion de Mme A... selon laquelle elle est entrée en France depuis moins de trois mois. Par suite, il ne pouvait se fonder sur les dispositions combinées de l'article L. 121-1 et du 1° de l'article L. 511-1-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 décembre 2017 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ainsi que, par voie de conséquence, celle fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2017, eu égard au motif sur lequel il se fonde, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A... doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros à verser à Me C... B..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1804121 du 26 octobre 2018 du tribunal administratif de Lille et l'arrêté du 12 décembre 2017 du préfet du Nord sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me C... B..., conseil de Mme A..., une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord et à Me C... B....
N°19DA00368 2