Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020, Mme A..., représentée par Me B... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 8 octobre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante marocaine née le 31 mars 1970, interjette appel du jugement du 12 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2018 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, en vertu de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement. Il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté du 8 octobre 2018 en litige que ladite décision, qui fait état avec précision de la situation de Mme A... en France, répond aux exigences de motivation posées par l'article L. 211-5 précité. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Nord, qui fait mention d'éléments circonstanciés relatif à sa situation personnelle, matrimoniale et familiale et de ce qu'elle a fait état de violences conjugales, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de Mme A... doit être écarté.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'ordonnance de non conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille du 26 février 2016, que la communauté de vie entre Mme A... et son époux avait cessé à la date de l'arrêté attaqué. Pour établir les violences conjugales qu'elle allègue avoir subies, Mme A... produit des certificats médicaux, des procès-verbaux de dépôt de plainte ainsi que des attestations du service intercommunal d'aide aux victimes et médiations pénales. Cependant, les certificats médicaux en date des 4 janvier 2016 et 2 février 2016 versés aux débats par Mme A... font seulement état de maladies migraineuses, d'un état anxiodépressif ainsi que de deux hématomes constatés au niveau du cou et du cuir chevelu qui résulteraient d'une tentative d'étranglement pratiquée le 23 décembre 2015 et d'une agression le 1er février 2016. Pour le reste, ces certificats médicaux se bornent pour l'essentiel à relater les dires de l'intéressée. Il en va de même des attestations rédigées par une psychologue exerçant au sein du service intercommunal d'aide aux victimes et médiations pénales. Par ailleurs, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les plaintes déposées par Mme A... à l'encontre de son conjoint auraient donné lieu à des poursuites contre ce dernier et, d'autre part, celui-ci, atteint d'un taux d'incapacité de 80 %, nie fermement les accusations portées à son encontre par son ancienne épouse et établit son hospitalisation à compter du 22 décembre 2015, cette circonstance rendant hautement improbable la tentative d'étranglement qu'il aurait pratiquée le 23 décembre. Dans ces conditions, les violences conjugales alléguées ne sont pas suffisamment établies. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention " salarié " éventuellement assorti de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour en continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-1 du code du travail : " Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-11 de ce code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-17 dudit code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ". L'article R. 5221-20 du même code dispose enfin que : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier en date du 27 septembre 2018, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), saisie par le préfet, a refusé d'accorder l'autorisation de travail au motif de l'insuffisance du salaire proposé à l'intéressée, lequel se devait, même en cas d'emploi à temps partiel, d'être au moins équivalent à la rémunération minimale mentionnée à l'article L. 3232-1 du code du travail en application notamment des dispositions du 6° de l'article R. 5221-20 de ce code. La requérante, qui se borne à soutenir qu'elle travaille depuis 2015 en France et n'adresse aucune autre critique à cette décision, n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle remplirait les conditions prévues par les dispositions précitées pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité de salariée. Par suite, compte tenu de la situation professionnelle de la requérante, le préfet du Nord n'a pas méconnu les dispositions de l'article 3 de l'accord franco-marocain.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France en 2010, qu'elle est divorcée et sans enfant et ne se prévaut d'aucune attache familiale sur le territoire français. En outre, Mme A... n'établit pas qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans, et où résident ses parents et ses frères et soeurs. Dans ces conditions, le préfet du Nord n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, l'arrêté en litige n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A.... Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède, que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, qui fonde l'obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
12. Mme A... soutient qu'elle souffre de troubles anxieux généralisés nécessitant un suivi psychologique régulier. Toutefois, Mme A... n'établit, ni que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences sur son état de santé d'une exceptionnelle gravité, ni qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 9.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
15. En deuxième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 9.
16. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions accessoires de la requérante aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B... D....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
N°20DA00483 2