2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Christine Courault, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant albanais, né le 10 avril 1986, a été interpellé à Coquelles le 12 janvier 2019, alors qu'il tentait de se rendre en Grande-Bretagne. Le préfet du Pas-de-Calais interjette appel du jugement du 21 janvier 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 12 janvier 2019 faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.
2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande (...) / (...) / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile (...) / La délivrance de cette attestation (...) ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. / Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention. ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) / 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen / 6° L'étranger fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Lorsque l'étranger présente sa demande auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, la personne est orientée vers l'autorité compétente. Il en est de même lorsque l'étranger a introduit directement sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sans que sa demande ait été préalablement enregistrée par le préfet compétent. Ces autorités fournissent à l'étranger les informations utiles en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile (...) ".
4. Ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger, à l'occasion de son interpellation, formule une demande d'asile. Hors les cas visés tant à l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant l'hypothèse d'un ressortissant étranger placé en rétention, qu'aux 5° et 6° de l'article L. 743-2 du même code, le préfet saisi d'une demande d'asile est ainsi tenu de délivrer au demandeur l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1 précité de ce code. Il résulte, en outre, de ces dispositions que le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, de celle de la Cour nationale du droit d'asile. Par voie de conséquence et contrairement à ce que fait valoir le préfet du Pas-de-Calais, les dispositions précitées font obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confère le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière tant que l'étranger, demandeur d'asile, bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français.
5. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, du procès-verbal de l'audition par les services de police de M. A...le 12 janvier 2019 à la suite de son interpellation, que ce dernier a indiqué être entré en France le jour même à destination de la Grande-Bretagne, avoir quitté son pays pour des motifs économiques, et ne pas souhaiter rester en France, mais a précisé, à deux reprises et de manière non équivoque, vouloir demander l'asile en France. Ainsi, compte tenu de ses déclarations, M. A...avait le droit de se maintenir sur le territoire français le temps nécessaire à l'enregistrement de sa demande d'asile et à l'examen de cette demande nonobstant le caractère abusif de cette demande qui n'avait pour autre objet, ainsi que le soutient à juste titre le préfet, que de faire obstacle à la mesure d'éloignement litigieuse. Si le préfet du Pas-de-Calais fait également valoir que la demande d'asile de M. A...n'était pas " sérieuse " dès lors que l'intéressé avait indiqué également avoir quitté son pays pour des raisons économiques et que sa " vie n'est pas vraiment menacée en Albanie ", il n'est pas soutenu et il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier que la demande de l'intéressé entrait dans les cas de refus de délivrance de l'attestation d'enregistrement limitativement prévus par l'article L. 741-1 précité. Par suite, en obligeant l'intéressé à quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine et en lui interdisant tout retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, sans prendre en compte sa demande d'asile, mais en se fondant, notamment, sur la circonstance que l'intéressé ne remplit pas les conditions d'entrée sur le territoire national, se trouve en situation irrégulière, et entre ainsi dans les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Pas-de-Calais a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 12 janvier 2019.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Pas-de-Calais est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
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N°19DA00684