Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 novembre 2020, M. D..., représenté par Me C... A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2019 du préfet de la Seine-Maritime ;
3°) à titre subsidiaire, avant dire droit, de désigner un expert afin de déterminer si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il pourrait bénéficier d'un traitement approprié ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant géorgien, né le 24 octobre 1981, est entré en France le 20 mars 2017. Le 2 mai 2017, il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Le 25 août 2017, sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 8 février 2018 de la Cour nationale du droit d'asile. Il interjette appel du jugement du 9 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 décembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. D... soutient que le tribunal aurait omis de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté en litige, en ne distinguant pas les notions de vie privée et de vie familiale, serait entaché d'erreur de droit. Toutefois, le premier juge s'est prononcé sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles protègent tant la vie familiale que la vie privée et il n'avait pas à se prononcer sur l'ensemble des arguments invoqués par le requérant à l'appui de ce moyen. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. Il ressort des pièces du dossier que l'avis médical du 7 mai 2019 concernant l'état de santé de M. D... porte la mention " après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet l'avis suivant " et a été signé par les trois médecins composant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'appelant ne produit aucun commencement de preuve de ce que les personnes ayant rendu cet avis n'auraient pas délibéré de façon collégiale conformément à la mention figurant sur cet avis qui fait foi jusqu'à preuve du contraire. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été convoqué par le médecin rapporteur pour un examen clinique et la justification de son identité, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose que l'étranger soit informé de la possibilité de se faire assister par un interprète lors de cet examen. En outre, l'intéressé n'établit pas qu'il aurait demandé, en vue de son examen à la demande de l'Office, à bénéficier de l'assistance d'un interprète. Dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
4. En vertu de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement. La décision de refus de délivrance d'un titre de séjour vise les textes dont elle fait application, notamment l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les faits qui en constituent le fondement en indiquant, en particulier, que M. D... a quitté son pays d'origine le 19 mars 2017 et est entré en France le 20 mars 2017, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants. Elle précise en outre qu'il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile avant de solliciter son admission au séjour sur le fondement du 11° et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Ainsi, le préfet de la Seine-Maritime a suffisamment motivé la décision de refus de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
6. Dans son avis du 7 mai 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. D... nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces du dossier que le requérant bénéficie depuis 2017 d'un suivi psychiatrique pour un syndrome anxio-dépressif. Pour remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français pour l'immigration et l'intégration, le requérant produit des ordonnances ainsi que deux certificats médicaux établis par le même praticien qui indiquent que " les soins ne doivent pas être interrompus au risque de conséquences d'une exceptionnelle gravité ". Or, ces documents, qui n'apportent aucune précision quant à d'éventuelles conséquences d'une interruption des soins en France, ne sont pas de nature à infirmer l'appréciation du collège de médecins de l'Office français pour l'immigration et l'intégration. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "
8. M. D... est entré en France le 20 mars 2017, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants, nés en Géorgie en 2006 et 2011. S'il fait valoir que sa famille est bien intégrée sur le territoire national, il ressort des pièces du dossier que son épouse, de nationalité géorgienne, fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. S'il se prévaut de la circonstance que ses enfants sont scolarisés depuis leur entrée en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. En outre, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans et où résident ses parents et sa soeur. Dès lors, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de l'intéressé, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Le préfet n'a pas d'avantage commis d'erreur de droit dans l'application des notions de vie privée et de vie familiale dès lors que le droit en question porte sur le respect de tous ces aspects de la vie d'une personne, qu'il a appréciés globalement. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écarté. Pour les mêmes raisons, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doit également être écarté.
9. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Ainsi qu'il a été exposé au point 8, M. D... ne fait état d'aucune circonstance qui ferait obstacle à ce que ses enfants puissent être scolarisés en Géorgie. Par suite, la décision attaquée, qui n'a pas vocation à séparer les enfants de leurs parents, ne méconnaît pas ces stipulations.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
11. L'arrêté attaqué vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permet d'assortir un refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire. Par suite, la mesure d'éloignement contestée, qui, en vertu des termes mêmes de cet article, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, est elle-même suffisamment motivée. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
13. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
14. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 8 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur de droit, de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
15. M. D... reprend en appel le moyen tiré de la méconnaissance de son droit d'être entendu qu'il tire du principe général de l'Union européenne sans apporter le moindre élément nouveau de fait ou de droit de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué sur ce point. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 12 et 13 du jugement attaqué.
16. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. "
17. M. D... soutient qu'il encourrait des risques de persécutions pour avoir été le chauffeur personnel d'un représentant d'un parti politique d'opposition. Toutefois, la seule production d'une attestation établissant qu'il a effectivement exercé ces fonctions ne suffit pas à établir le caractère réel, actuel et personnel des risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, alors que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 28 août 2017 de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 8 février 2018 de la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être rejetés.
18. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au ministre de l'intérieur et à Me C... A....
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
N°20DA01799 2